L’exposition « Dedans/Dehors » interroge l’efficacité de la prison

© Jane Evelyn Atwood, Trop de Peines: femmes en prison, Maison d’Arrêt de Femmes, France, Dijon, 1991, Courtesy de l’artiste, age
Michel Verlinden
Michel Verlinden Journaliste

Dedans/Dehors, dernière exposition du Delta, forge une “nouvelle iconographie” de l’enfermement tout en questionnant l’utilité de l’incarcération.

Selon vous, à quoi ça sert la prison?” Déclinée sur deux étages du Delta, Dedans/Dehors, contre-vues sur la prison (au Delta à Namur, jusqu’au 28/01) entend nouer un dialogue intime avec le visiteur. Cette question imprimée à même un mur de l’étage supérieur en est la preuve tangible, qui invite à prendre position à la faveur d’une réponse tracée à la main. “À rendre invisibles les souffrances d’une société malade”, a tracé d’une main tremblante une personne de grande clairvoyance. Ce diagnostic d’une totale justesse en dit long sur la fécondité du remarquable dispositif à penser que constitue ce parcours mêlant contributions artistiques de détenus, témoignages déchirants et productions signées par des artistes extérieurs au milieu carcéral. Loin des habituels stéréotypes visuels contribuant au renforcement de l’institution pénitentiaire -un constat dressé par Angela Davis que reprend la commissaire Isabelle de Longrée dans le texte servant de vade-mecum à la visite-, Dedans/Dehors met les doigts du regardeur dans la prise de la justice sociale. Ainsi des images bouleversantes de la photographe Jane Evelyn Atwood, une série en noir et blanc réalisée entre 1989 et 1999, qui, en égrenant la litanie des humiliations quotidiennes -accouchement les fers aux pieds, fouille gynécologique, portrait insoutenable d’une jeune condamnée à mort de 20 ans…-, met à nu l’effroyable vérité: très loin de la possibilité d’une quelconque rédemption, l’enfermement brise les individus et perpétue un inextinguible cycle de la violence.

Évasives évasions

Dans la foulée des images d’Atwood, on découvre une série de délicates peintures sur soie brodée. On les doit à plusieurs femmes incarcérées dans les prisons de Berkendael et Haren. Réalisées lors des cours de Céline Cuvelier, ces œuvres, qui représentent des lieux fantasmés, servent originellement de rideaux aux fenêtres des cellules. Smile Before You Die, série derrière laquelle on retrouve également Céline Cuvelier, aligne sept dessins représentant la dernière semaine de repas d’une ancienne détenue qui, à la suite d’une succession d’échecs de réinsertion, a fait une demande d’euthanasie pour souffrance psychologique. Sur les cadres, on peut lire les conseils désuets -du genre “Respirez profondément”, “Promenez-vous dans la nature– qui lui étaient prodigués afin de la sortir de sa dépression. Le parcours est aussi ponctué de dispositifs interactifs aidant à prendre la mesure de la dépersonnalisation à l’œuvre dans l’enfermement. Ainsi de cette Prison Box incitant à écouter des témoignages de grande dureté ou encore à se rendre compte de la réalité de la situation belge où, pour ne citer qu’un chiffre, plus de 17 000 enfants ont un parent derrière les barreaux. Enfin, on s’en voudrait de ne pas mentionner l’émouvant travail avec des détenus entrepris par Olivier Pestiaux. Ces ateliers où il est question de dessins pointillistes pratiqués selon un protocole précis permettent une sortie à la verticale, certes brève, de l’espace-temps confiné. “J’en avais plus rien à foutre des murs”, mentionne au cours d’exercices un détenu dont le chant de bluesman remue les tripes.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content