Rencontre avec Don Kapot, rejetons belges de Fela Kuti

Viktor Perdieus, Jakob Warmenbol et Giotis Damianidis. La tête et la musique ailleurs... © YAQINE HAMZAOUI
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Des rejetons belges de Fela Kuti, fans de Deerhoof et de King Gizzard, mettent du kraut, de l’afrobeat et du punk dans leur free jazz.

Il n’invite pas à danser le sirtaki mais Don Kapot a donné ses premiers concerts dans une taverne grecque du centre de Bruxelles, place de la Vieille Halle aux Blés. Si le groupe est belge et fait dans l’afrobeat, le bassiste du trio, Giotis Damianidis, est originaire de Thessalonique. Il habite à Bruxelles depuis une quinzaine d’années. « J’ai commencé la musique très tard. J’avais déjà 25 ou 26 balais. J’avais joué un peu en Grèce mais j’y avais étudié l’économie pour reprendre le business de mon père dans la construction. Alors qu’on était dans la région, j’ai repéré qu’il y avait des auditions au Conservatoire de Bruxelles et j’ai été accepté. » Quand le batteur Jakob Warmenbol a quitté Anvers pour s’installer dans la capitale, il est par hasard devenu son colocataire et lui a présenté Viktor Perdieus, un vieux pote saxophoniste rencontré durant un stage de jazz.

Avant Don Kapot, Giotis et Jakob ont joué ensemble dans World Squad et fait entrer le métier avec Oghene Kologbo, légende nigériane de l’afrobeat longtemps guitariste de Fela Kuti. Kologbo est un nomade. Il est resté à Berlin comme Tony Allen et beaucoup des membres d’Africa 70 lorsque Kuti, en 1978, planifiait de financer sa campagne présidentielle avec les bénéfices de la tournée… « Kologbo a enregistré 40 albums avec Fela. Nous, on a bossé ensemble pendant cinq ans. On a pas mal tourné. On a fait un disque et on en a enregistré un autre qui n’est jamais sorti à cause de problèmes avec le management. » Un apprentissage à la dure qui leur a permis de jouer avec Tony Allen au Recyclart, de rencontrer Ebo Taylor et Orlando Julius… « Oghene a grandi dans le ghetto. Il était très direct. Il ne prenait pas de pincettes. Certains ont quitté le groupe parce qu’ils ne pouvaient pas supporter cette violence. Avec lui, il n’y avait pas de place pour les interprétations personnelles. Il m’a montré mille fois comment faire certains trucs. Il était super dur et jouait avec la force d’un gorille. On a appris plein de choses avec lui. »

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Lorsque Kologbo est parti, que World Squad s’est séparé, Giotis et Jakob ont commencé à faire de la musique avec Viktor. Si Damianidis est tombé dans l’afrobeat au gré des rencontres (Daniele Martini, Kologbo et la chanteuse Ruth Tafébé avec laquelle il a pas mal tourné en Afrique), Viktor avait déjà un faible pour la musique africaine. Il a surtout étudié celle du Mali à défaut d’y avoir voyagé. Il apprécie son melting-pot et se dit très touché par Ali Farka Touré. Il parle du gnawa au Maroc, du Dur-Dur Band en Somalie. « Ce sont des musiques parfois très traditionnelles. Pour mon travail de fin d’études, j’ai passé des heures au musée de l’Afrique centrale à Tervuren. J’y ai écouté du field recording de différents peuples et découvert des petits trésors. Des choses jamais publiées qu’on n’entend pas à la radio et qu’on ne trouve pas sur disque. À côté de ça, j’aime trop danser et j’adore le groove. On n’avait pas un son très clair dans nos têtes mais on voulait faire remuer les gens avec nos propres compositions. Des compos très influencées par les musiques africaines. »

Tout casser

Si Don Kapot célèbre la complexité du groove, il glorifie aussi la liberté du jazz, la force du rock et le pouvoir de la simplicité. Giotis, qui a 39 ans, a grandi avec le punk en Grèce. « J’allais voir des trucs comme The Exploited en concert. » Tandis que Viktor a baigné dans le rock des sixties. « Quand j’avais huit ans, je dansais sur les Yardbirds. J’ai étudié avec Steven De bruyn d’El Fish et j’ai beaucoup écouté de blues: John Lee Hooker, Sonny Boy Williamson. Ensuite, ça a été Hendrix, Pink Floyd, Frank Zappa et le jazz aussi évidemment… »

Les Don Kapot (« parce qu’on a un esprit punk et qu’on aime bien tout casser ») citent l’influence de Deerhoof et de King Gizzard & The Lizard Wizard. « On aime leur énergie, leur façon de composer, leur diversité et leur productivité. King Gizzard a ce feeling kraut. Il s’est créé son propre monde dans différents styles, expérimente avec les gammes et mesures. » Le trio belge se retrouve dans cette soif d’ailleurs et ce goût de l’aventure. Perdieus a des groupes qui vont et qui viennent (il a jadis remporté le Young Jazz Talent avec Ifa y Xangô) et joue du sax ténor très doux dans The Milk Factory. Damianidis a son propre quintet (Punk Kong), un quartet avec Akira Sakata (« l’un des plus grands saxophonistes japonais« ) et un projet avec Audrey Lauro. Warmenbol est quant à lui le batteur d’Under The Reefs Orchestra, se produit avec Yokai et a longtemps joué avec Robbing Millions.

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À l’automne 2019, avant d’enregistrer, Don Kapot avait éprouvé les chansons de Hooligan en France dans des lieux underground, face à des réfugiés. « Ça avait permis aux morceaux de grandir. » Maintenant que le disque est sorti, il continue d’aller de l’avant et étoffe son répertoire avec des invités. Qu’il s’agisse du guitariste Bert Dockx (Flying Horseman, Dans Dans…), de Fulco Ottervanger (De Beren Gieren, BeraadGeslagen) ou de Kaito Winse, jeune griot installé en Belgique et venu du Burkina Faso. « On a aussi voulu introduire Rachel Aggs de Trash Kit (et Shopping) dans le projet mais avec le Covid, c’était compliqué, on est resté focalisés sur la Belgique. On aime aller à la rencontre d’autres mondes. »

Ils en créent d’ailleurs de nouveaux qu’ils font pour l’instant découvrir en streaming. « En deux jours avec Bert, ils ont donné vie à six morceaux, se réjouit le directeur artistique et facilitateur Michael Wolteche. On invite les gens à entrer dans le laboratoire du groupe. C’est plein de vie et de recherche. Pas des pseudo-concerts morts avant d’exister. » Tout le souffle d’un projet qui ne demande qu’à s’envoler…

Don Kapot, Hooligan, distribué par W.E.R.F. ****

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