« Dans Dans est un laboratoire »

"Dans Dans est un laboratoire. C'est trois personnes qui essaient de se connecter en permanence. Notre musique reflète musicalement ce processus. Sans lui, il n'y a rien." (Bert Dockx, au centre) © Alex Schuurbiers
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Avec Zink, né entre les cales sèches du port d’Anvers, Dans Dans continue de tresser ses paysages sonores aux confins du rock, du jazz et des musiques de film. Rencontre.

Les conséquences de la pandémie sur les oeuvres sorties l’an dernier ne seront estimables que quand la vie culturelle aura repris son cours. Les membres de Dans Dans qui terminent une journée entière de répétition masqués dans un local aménagé et insonorisé d’un atelier de menuisier ébéniste anversois en savent quelque chose. Frédéric Lyenn Jacques (basse) a sorti un album, Adrift, en janvier 2020 et a à peine eu le temps de le jouer sur scène. « J’ai donné quatre ou cinq concerts dont un un jour de tempête au Botanique. J’aimerais encore le défendre mais j’ai envie d’aller de l’avant. » Quant à Bert Dockx (guitare), il a publié avec Flying Horseman, Mothership, pendant le confinement. « On pensait qu’il pouvait attirer plus d’attention que d’habitude. On ne le saura jamais. On devrait encore jouer cette musique a priori, mais dans nos têtes on est déjà ailleurs. »

Si en temps normal, Lyenn aurait passé un bout de son année sur les routes avec Mark Lanegan, le batteur Steven Cassiers devait partir en tournée avec Rustin Man alias Paul Webb, le bassiste de Talk Talk que son groupe Dez Mona avait à l’époque embauché comme producteur d’Hilfe Kommt (2009). « J’ai beaucoup étudié les morceaux mais un mois avant les répétitions, tout est tombé à l’eau. »

La flotte, Zink a germé au bord. Celle de l’Escaut lors d’une résidence de dix jours en août 2019 sur le site des cales sèches (Droogdokken) au port d’Anvers. « Ce n’est pas un endroit où ils font des concerts d’habitude, clarifie Bert Dockx. Ils nous ont juste invité à travailler dans cet espace et à y présenter le résultat. On n’avait plus bossé ensemble depuis un bout de temps. »

L’affichage de ce contenu a été bloqué pour respecter vos choix en matière de cookies. Cliquez ici pour régler vos préférences en matière de cookies et afficher le contenu.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.

« On est arrivés les mains vides et on a composé sur place, poursuit Fred Lyenn. C’est l’endroit où ils réparent les bateaux. Il y avait beaucoup d’eau autour. Les lieux nous ont pas mal inspirés. On a travaillé dans la salle des machines avec une grande porte coulissante qui donnait vue sur le port et le canal. Il faisait une chaleur de dingue. » « Beaucoup de morceaux font référence à tout ça, poursuit Dockx. J’avais oublié que le thème de l’eau, très présent dans le disque, vient de là. Ce n’est pas juste dans les titres des chansons. Notre musique est plus fluide, je trouve. Il y a plus de morceaux avec des transitions dans lesquels on passe d’une atmosphère à l’autre. On est dans un endroit sec et tranquille mais on sent la pression de l’eau derrière ces immenses portes. » Parfois, ces immenses portes cèdent (« moins que d’habitude« ). Laissent la musique déferler sauvagement comme l’eau emportant tout sur son passage quand un barrage se brise. À la Queens of the Stone Age (grande époque) sur Cinder Bay. Plutôt dans un esprit post-rock jusqu’au-boutiste à la Mogwai sur Naiad.

L’affichage de ce contenu a été bloqué pour respecter vos choix en matière de cookies. Cliquez ici pour régler vos préférences en matière de cookies et afficher le contenu.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.

Cinq des huit morceaux présents sur l’album ont germé pendant la résidence mais ils ont évolué, mué, muté. Dans Dans les a enregistrés aux studios DAFT à Malmedy et au Jet à Bruxelles avec Christine Verschorren. « On l’a rencontrée pour la première fois la veille d’entrer en studio. On avait juste discuté dix minutes au téléphone avant. » « Christine utilise l’espace physique entre les instruments, explique Lyenn. Elle place des micros partout. Tu en as dans le corridor. À l’étage dans la mezzanine. Jusqu’à avoir 180 pistes par morceau. Ce qui est énorme. Sur certains, elle met des effets. Elle cherchait surtout à trouver ce qui se passe de façon physique entre nous d’une façon subliminale dans la musique. Enfin, si j’ai bien compris… »

Psychologique et métaphysique

Depuis sa naissance il y a environ dix ans, Dans Dans tient une place singulière dans le paysage musical belge. Quelque part entre le rock, le jazz et les musiques de film. Si ce nouveau disque en était un? « On ne pense pas les choses comme ça, répond Dockx. C’est moi le fou de cinéma et je ne vois pas. C’est un film qui n’existe pas. C’est notre film à nous. On parle souvent de notre côté cinématographique et des images qu’on évoque. Mais ce sont des paysages psychologiques, je crois. On est tous les trois très sensibles et on joue avec nos émotions. Ce que les gens perçoivent comme filmique, un paysage, la ville, la nature, l’eau, le feu, ça vient d’un sentiment profond. À mes yeux, Zink serait un thriller psychologique et métaphysique. »

Le jazz est pour Lyenn (qui a signé la pochette du disque), Cassiers et Dockx un socle commun. Mais ce qu’il y a de plus jazz chez Dans Dans, c’est son esprit. Son goût de l’improvisation. « Ce disque est plus pensé et travaillé que les autres mais sans être froid pour autant. Il y a encore beaucoup d’impro. On parle énormément. Surtout moi. Mais ça se développe toujours en jouant. Il y a un dialogue permanent entre ce qu’on joue spontanément et ce qu’on a prévu de faire. Entre ce qu’on a fait avant et ce qu’on fait maintenant. C’est une manière de garder le truc excitant. Une grande partie de notre évolution est inconsciente. »

Dockx est très prudent quand on évoque le retour en odeur de sainteté du jazz, son succès retrouvé et l’idée d’une scène jazz belge. « C’est un truc de journalistes. Pour moi, c’est le résultat d’une grande évolution musicale liée à Internet où tous les styles se mélangent. Quand Metallica venait à Rock Werchter en 1993, les gens râlaient, disaient que c’était du métal et pas du rock… On ne peut plus imaginer ça aujourd’hui. Dans les festivals, tu entends de tout. Et les groupes de jazz qui jouent au Pukkelpop comme Nordmann, STUFF. ou nous sont très différents. Ce n’est pas du jazz traditionnel. C’est mélangé à de l’électronique, à du funk, à du rock. On fait partie de cette scène vu de l’extérieur mais dans les faits on n’y pense jamais. » Et Steven Cassiers de conclure:  » On s’éloigne même du jazz de disque en disque. »

Zink, distribué par Unday. ****

L’affichage de ce contenu a été bloqué pour respecter vos choix en matière de cookies. Cliquez ici pour régler vos préférences en matière de cookies et afficher le contenu.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content