Vincent Lacoste: « Je trouve ça assez beau, des personnages qui n’arrivent pas à faire même les choses les plus simples de la vie »

"Je trouve ça assez beau, des personnages qui n'arrivent pas à faire même les choses les plus simples de la vie." © BELGAIMAGE
Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

Premier long métrage d’Antoine de Bary, Mes jours de gloire vaut au comédien français un emploi d’éternel adulescent dans lequel il excelle comme de coutume, entre nonchalance et (fausse) désinvolture. Portrait.

Vincent Lacoste, on l’a découvert il y a tout juste dix ans dans Les Beaux Gosses, le premier long métrage de Riad Sattouf, une chronique où il incarnait Hervé, un teenager attachant, le visage dévoré par une acné galopante, et l’esprit accaparé par des préoccupations de son âge -on y reviendra. Une décennie plus tard, si l’acteur a fait du chemin, se multipliant devant la caméra de Thomas Lilti (Hippocrate, Première année), Noémie Lvovsky (Camille redouble), Christophe Honoré (Plaire, aimer et courir vite, Chambre 212), ou Justine Triet (Victoria), l’adolescent s’est pour sa part mué en « adulescent ». Un emploi qu’il retrouve de loin en loin en effet – Amanda de Mikhaël Hers, il y a quelques mois, Mes jours de gloire d’Antoine de Bary, aujourd’hui (lire notre critique)- et qui lui va, faut-il le préciser, comme un gant. Résultat, sans doute, de cette espèce de « nonchalance jamais agressive, hautaine ou méprisante, mais toujours drôle, touchante et légère« , que lui associe fort justement Bary, un réalisateur le connaissant bien. « Ce qu’on nous demande de faire en tant qu’acteur tient surtout à ce que les gens projettent sur nous, observe pour sa part l’acteur. J’ai fait Les Beaux Gosses, et tout de suite, on m’a donné un personnage assez gauche, avec une sensibilité un peu maladroite, et ne sachant pas trop comment faire. Mais si on me propose encore des rôles comme celui-là, j’ai droit aussi désormais, et j’en suis content, à des personnages très sûrs d’eux, très affirmés dans leur sexualité, comme dans les films de Christophe Honoré par exemple. »

Inadapté à temps plein

Adrien, qu’il incarne dans Mes jours de gloire serait plutôt du genre mal à l’aise en toutes circonstances. Et le film glisserait sans doute du côté de la dépression si ne s’y greffait cette désinvolture qui semble ne jamais devoir quitter Vincent Lacoste, et qui colore ici le propos de nuances de comédie. « C’est un type de personnage que l’on retrouve dans beaucoup de comédies italiennes. Adrien est inspiré des antihéros des films italiens des années 60, ces grandes feignasses que jouaient Alberto Sordi ou Marcello Mastroianni, des espèces de losers sur qui on a l’impression que les choses coulent. » Soit, dans le cas qui nous occupe, un ex-enfant star vivant dans le souvenir de plus en plus brouillé d’un succès lui ayant depuis longtemps tourné le dos, et s’en tenant, pour l’essentiel, à flotter à la surface de l’existence. Jusqu’au jour où il est pressenti pour incarner Charles de Gaulle dans un biopic consacré à la jeunesse du général -un costume taillant beaucoup trop grand pour lui, cela va sans dire.

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Derrière le cocasse à répétition généré par la situation s’esquisse le portrait d’un inadapté à temps plein -« je trouve ça assez beau, des personnages qui n’arrivent pas à faire même les choses les plus simples de la vie« -; presque une posture « politique » à une époque ayant fait de l’efficacité une vertu cardinale. Et une manière, là encore, de s’inscrire dans le sillage de la comédie à l’italienne qui, sous l’apparence de la farce, touchait à la réalité sensible d’une société sans se prendre au sérieux. Une qualité que taquine Mes jours de gloire, où il est encore question, pêle-mêle, du rapport à la masculinité, à la famille, au travail, et à la célébrité également. « Ces choses archi-présentes aujourd’hui que le film effleure sans être lourd. J’aime bien que les films racontent quelque chose, sans quoi ça ne présente pas beaucoup d’intérêt. Après, ce que je recherche le plus quand j’accepte un projet, c’est rencontrer des cinéastes, parce que c’est aussi ce qui dicte mes choix quand je vais au cinéma. J’ai le même réflexe. Ce film, dès le départ, il a un ton, une originalité qui représentent vraiment Antoine: c’est sa personnalité, et ça deviendra son cinéma. »

Un univers dans lequel Lacoste se meut avec aisance, semblant évoluer à l’écran non moins naturellement qu’en dehors, au-delà du fait de partager avec son personnage d’avoir connu le succès précocement -il avait seize ans à peine lors de la sortie des Beaux gosses, on y revient. « La célébrité à un jeune âge, cela change des choses, mais ce n’était pas complètement délirant non plus. Ça m’a rendu limite un peu plus timide au lycée, parce que les gens m’avaient déjà identifié, et que ce n’était pas une image glorieuse de ma personne, on va dire. Une fille de seize ans n’avait pas foncièrement envie de sortir avec le gars qui avait joué Hervé et s’était branlé dans des chaussettes devant la France entière (rires). Mais ça a changé la trajectoire de ma vie, dans le sens où je n’avais jamais imaginé faire du cinéma avant. J’aimais énormément le cinéma, mais c’est alors que je me suis découvert la passion de jouer. » Et de poursuivre: « Le film a marché, et les propositions ont suivi. Du coup, je me suis éloigné de l’école assez rapidement, même si j’ai eu le bac. J’ai très rapidement eu deux vies: ma vie au lycée, qui était celle d’un adolescent assez timide mais ayant été exposé, et ma vie professionnelle, où on me traitait comme un adulte que je n’étais pas encore. Ça a créé un décalage. Après, ça n’a pas été trop dur non plus de m’épanouir là-dedans… » Sa filmographie parle pour lui, qui en a fait l’un des acteurs français les plus enthousiasmants de sa génération. Affaire en cours, puisqu’on le retrouvera prochainement dans Effacer l’historique, du duo Kervern et Delépine, avant que sa route ne croise celle de Xavier Giannoli pour Comédie humaine, une adaptation des Illusions perdues de Balzac. Tout sauf un branleur, en définitive.

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