RETOUR VERS LE FUTUR – NOÉMIE LVOVSKY SIGNE UNE COMÉDIE LOUFOQUE ET SENSIBLE, RENVOYANT UNE QUADRAGÉNAIRE DANS SON ADOLESCENCE D’OÙ ELLE VA TENTER DE RÉÉCRIRE SON AVENIR.

DE ET AVEC NOÉMIE LVOVSKY. AVEC SAMIR GUESMI, YOLANDE MOREAU, MICHEL VUILLERMOZ. 1 H 55. SORTIE: 19/09.

A 40 ans, Camille (Noémie Lvovsky, lire son interview page 16) semble déjà avoir son avenir derrière elle. Actrice, elle en est à cachetonner dans des films d’horreur fauchés à défaut d’autre chose, se bornant à donner du « Arrrgghh » méthodiquement au moment de se faire trucider. Et, côté intime, cela ne se présente guère mieux, avec Eric (Samir Guesmi), son mari, qui vient de la quitter pour une femme plus jeune, entendant bien liquider leur appartement dans la foulée de leur histoire -énième avanie qu’elle avale avec une solide dose de whisky, désormais son compagnon le plus assidu.

On en resterait là d’un quotidien couleur déprime si le destin ne s’en mêlait lors d’un réveillon de Saint-Sylvestre où, s’étant évanouie, Camille émerge de son absence dans l’insouciance de ses 16 ans. Et de faire face à la colère de ses parents (Yolande Moreau et Michel Vuillermoz) pourtant disparus entre-temps – « Epargne-nous tes épanchements de pochtronne! »-, avant de retrouver, dans la foulée, sa vie d’adolescente du milieu des années 80: son look, ses copines, le lycée, et sa rencontre avec Eric qui la poursuit de ses assiduités. Une deuxième vie en strict mode repeat, en somme, si Camille n’arpentait le passé avec sa conscience du présent. Perspective qu’elle va dès lors s’employer à infléchir, commençant par revisiter sa relation avec sa mère, avant de tenter de se soustraire à l’amertume au prix d’une réécriture de son histoire d’amour. Entreprise plus ardue qu’il n’y paraît cependant…

La vie ne me fait pas peur

Le voyage dans le temps, et avec lui la promesse éventuelle de pouvoir reconfigurer le futur, est un motif dont le cinéma ne s’est fait faute d'(ab)user. Ainsi, tout récemment encore, de Quartier lointain de Sam Garbarski ou de Quand je serai petit de Jean-Paul Rouve, là où La vie d’une autre de Sylvie Testud s’attelait, une amnésie providentielle à l’appui, à redessiner le destin de son héroïne plus conformément à ses idéaux de jeunesse.

Camille redouble navigue dans des eaux voisines, qui opère un savoureux retour dans le passé, assorti d’une formidable idée de mise en scène: à l’opposé des protagonistes, le spectateur découvre une Noémie Lvovsky inchangée qu’elle affiche 40 ou 16 printemps au compteur, cette absence d’artifice valant au film d’évoluer avec bonheur en décalage permanent. S’y ajoute une bonne dose de loufoquerie, façon de dire, sans doute, que revivre sa vie, c’est aussi forcément s’employer à la réenchanter en une version fantasmée -ce qui n’exclut d’ailleurs pas une paradoxale lucidité. Du reste, et histoire de faire bonne mesure, le propos est aussi parcouru par cette mélancolie qui est la compagne du temps qui passe. Cela étant entendu, l’aventure de Camille n’en apparaît que plus stimulante, qui lui permettra de dire, en connaissance de cause, et comme en écho aux protagonistes d’un précédent opus de la cinéaste: La vie ne me fait pas peur. Fameux programme, on en conviendra. l

JEAN-FRANÇOIS PLUIJGERS

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