Somewhere de Sofia Coppola: La vie de château

Lancée à toute berzingue sur la route de nulle part, une star de cinéma est confrontée au vide abyssal de son existence par l’arrivée impromptue de sa fille de 11 ans…

Somewhere de Sofia Coppola. Avec Stephen Dorff, Elle Fanning, Chris Pontius. 1h38. Sortie: 05/01.

CHRONIQUE INTIMISTE

Un bruit de moteur résonne dans le grand vide d’une étendue désertique, striée seulement par les figures qu’y dessine une Ferrari noire. Au volant du bolide alignant les ronds dans le sable, Johnny Marco (Stephen Dorff), une star hollywoodienne en récréation momentanée de sa résidence au Château Marmont, où il consacre le plus clair de son temps à tenter de combler l’ennui de son existence à grand renfort de distractions répondant à une Trinité éprouvée: frime, flambe et fureur.

Programme aussi fastueux que fastidieux à vrai dire: pour l’heure, et alors que Marco a regagné ses quartiers de Sunset Boulevard, Los Angeles, c’est à peine si son regard morne enregistre Bambi et Cindy, les 2 pole-dancers qui se donnent beaucoup de mal pour attirer son attention au son des Foo Fighters. On imagine aisément que le même manège puisse se reproduire nuit après jour, et jour après nuit, dans le vortex d’une vie s’écoulant tel un encéphalogramme dont les seuls reliefs seraient les essais pour un prochain film, et ce jusqu’à plus soif. Moment où son ex-femme décide toutefois de se manifester pour lui annoncer que Cleo (Elle Fanning), leur fille de 11 ans, va bientôt le rejoindre pour quelque temps –perspective qui va sensiblement bousculer son mode de vie…

Pris au piège

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Quatrième long métrage de Sofia Coppola, Somewhere explore le même motif que ses films précédents, que l’on pourrait résumer au spleen existentiel de protagonistes pris au piège d’un monde qu’ils n’ont pas choisi –postulat valable autant pour les soeurs Lisbon de Virgin Suicides que pour Marie-Antoinette. Appliqué au monde du cinéma et à Hollywood en particulier, un microcosme que la cinéaste connaît comme sa poche, même si elle a attendu d’en être à bonne distance pour écrire le film, le moule trouve, dans ses meilleurs moments, des accents fort drôles. Non sans exploiter habilement le potentiel fantasmatique de son cadre aussi exclusif que secret, ce Château Marmont dont la caméra visite le moindre recoin.

Cette exposition passée, l’objet du film apparaît toutefois pour ce qu’il est, à savoir bien mince, et quelque peu naïf, tant dans la révélation à son protagoniste central –magistral Stephen Dorff, hébété juste ce qu’il faut– de la vacuité de son existence que dans sa résolution. Au-delà, c’est même la crise d’inspiration qui paraît guetter Sofia Coppola qui, si elle sait assurément installer une atmosphère et trouver par moments les accents d’une émouvante intimité voire même d’une grâce authentique dans l’exploration de cette relation père-fille, n’en semble pas moins déjà réduite à recycler les figures de son cinéma. Ce qui, dans le meilleur des cas, ressemble à une signature –l’usage de la musique, par exemple–, mais dans d’autres à de la facilité, au point de faire de Somewhere quelque resucée, élégante mais un peu vaine, de Lost in Translation, qu’elle nous rejoue entre Hollywood et Milan.

Un peu comme si, en écho à la magistrale scène d’ouverture du film, l’insolence de son talent ne la dispensait pas de tourner en rond –mouvement finement exécuté, cela étant.



Jean-François Pluijgers

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