Critique | Cinéma

Roter himmel: un drame rohmérien à combustion lente

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© Marco Krüger/schramm film
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Titre - Roter Himmel (Le Ciel rouge)

Genre - Drame

Réalisateur-trice - Christian Petzold

Casting - Avec Thomas Schubert, Paula Beer, Langston Uibel.

Sortie - En salles le 6 septembre 2023

Durée - 1 h 43

Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

Avec Roter himmel, Christian Petzold signe un drame affûté basculant dans l’imprévu. Avec Thomas Schubert et Paula Beer, épatants.

Dixième long métrage du cinéaste allemand Christian Petzold, Roter Himmel semble prendre un malin plaisir à déjouer aussi bien les attentes du spectateur que celles de son protagoniste central, Leon (Thomas Schubert), un jeune écrivain à l’heure épineuse d’écrire son deuxième roman. Tout commence donc comme dans un film d’horreur, lorsque la voiture qui le conduit avec son ami Felix (Langston Uibel) à leur villégiature de la mer Baltique tombe en panne au milieu des bois. Environnement sonore envahissant, raccourci qui n’en est pas vraiment un, maison isolée perdue dans la forêt: la suite charrie les clichés du genre, pour aussi vite s’en détourner. Les déboires de Leon ne sont pas terminés pour autant qui, accaparé par l’écriture de son livre et venu chercher la tranquillité, ne goûte que fort modérément au fait qu’une jeune inconnue, Nadja (Paula Beer) -“une Russe, présume-t-il du haut de son mépris- partage les lieux avec eux, a fortiori dès lors que ses ébats avec son amant, Devid (Enno Trebs), l’empêchent de dormir. Et encore moins que tout ce petit monde entende bien se laisser aller à l’insouciance badine et aux jeux amoureux auxquels invite le cadre, préférant pour sa part se retrancher dans sa bulle, sourd aux invitations des autres et de Nadja en particulier. Comme d’ailleurs à la rumeur de plus en plus insistante des incendies qui gagnent alentour…

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Un film à combustion lente

Christian Petzold raconte avoir voulu combiner, avec Roter Himmel, les traditions américaine et française du film d’été, le récit d’apprentissage d’essence horrifique et l’éducation sentimentale en mode rohmérien. La greffe s’avère en tous points concluante, le film jonglant avec les éléments de l’un et de l’autre pour bientôt laisser la légèreté de façade céder la place à un drame affûté.

Le réalisateur de Transit manie l’art du faux-semblant avec un incontestable doigté, sa caméra sinuant à l’affût d’une vérité qui se dérobe. Flirtant avec l’univers du conte, brouillant les pistes entre rêve et réalité, le film résonne aussi puissamment avec le quotidien. Son contexte n’est pas sans écho avec l’urgence climatique du moment; quant au comportement égotique du jeune écrivain -brillamment interprété par Thomas Schubert, qui réussit à le rendre attachant-, il tient du miroir tendu à chacun d’entre nous. Christian Petzold y ajoute, le temps d’une récitation touchée par la grâce du poème L’Asra, de Heinrich Heine, quelque chose de cet absolu romantique et de l’embrasement des sens vers lesquels tendait déjà Ondine et qu’incarne lumineusement Paula Beer. Film à combustion lente, Roter Himmel ne dévoile toute sa richesse que sur la distance, confirmant au passage que Petzold compte parmi les cinéastes les plus passionnants de sa génération.

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