Mostra de Venise: un palmarès audacieux

Gianfranco Rosi © Reuters
Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

Au sortir d’une Mostra de qualité constante à défaut de l’éclat qui fait les grandes éditions, deux options s’offraient au jury présidé par Bernardo Bertolucci: soit, d’une part, privilégier la voie consensuelle, en couronnant, par exemple, Philomena, de Stephen Frears, plébiscité tant par le public que par la critique, ou encore The Wind Rises, dernier film du maître japonais Hayao Miyazaki. Ou, d’autre part, oser une ligne plus aventureuse, celle qui préside en définitive au palmarès.

Ainsi, déjà, du Lion d’or octroyé à Sacro GRA, documentaire inspiré de l’Italien Gianfranco Rosi, un film prenant le pouls du Grande Raccordo Anulare (le ring de Rome) à travers la vie de ceux qui le peuplent ou plutôt le hantent. Figurants pour romans-photos, botaniste exalté, prostituées sur le retour, ambulancier sur la brêche, c’est là une humanité alternative qu’ausculte le réalisateur, en un reflet fascinant de la dérive du monde, pour un film à la fois original et poétique – le premier documentaire couronné à la Mostra.

La suite du palmarès salue des films parmi les plus audacieux présentés en compétition, tant par leur forme que par leur regard sur une humanité en déshérence. C’est le cas, bien sûr, du stupéfiant Stray Dogs, du Taiwanais Tsai Ming-liang, Grand Prix du jury, un film dont la succession de longs plans fixes d’une suffocante beauté suinte littéralement le désespoir. Ou encore de Die Frau das Polizisten, de l’Allemand Philip Gröning, Prix spécial du jury qui, en 3 heures et 59 chapitres, offre une vision glaçante de la violence domestique. Laquelle est encore au coeur de Miss Violence, du cinéaste grec Alexandro Avranas (prix de la mise en scène, et du meilleur acteur à Themis Panou), film choc, sans aucun doute, mais pas dénué de complaisance.

Elena Cotta, dans Via Castellana Bandiera, d’Emma Dante fait par ailleurs une meilleure actrice tout à fait convaincante, encore que l’on attendait plutôt Judi Dench, formidable dans Philomena. Le film de Stephen Frears ne repart pas pour autant les mains vides, puisque Steve Coogan et Jeff Pope sont récompensés pour leur scénario millimétré. Enfin, le cinéma américain, débarqué en force sur le Lido, s’en retourne avec le seul prix du meilleur jeune acteur à Tye Sheridan, épatant dans Joe, de David Gordon Green, après l’avoir été dans Mud de Jeff Nichols. L’excellente Kelly Reichardt se consolera, pour sa part, avec le Grand Prix obtenu par ses Night Moves à Deauville.

A noter, encore, le prix Orizzonti du meilleur film au remarquable Eastern Boys, de Robin Campillo, scénariste attitré de Laurent Cantet, mais aussi celui du meilleur court métrage européen à Houses with Small Windows, du cinéaste belgo-kurde Bülent Öztürk.

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