Maria by Callas, portrait d’une femme duale
S’appuyant sur des archives rares, voire carrément inédites, le Français Tom Volf célèbre Maria Callas dans un documentaire entièrement nourri par les mots de celle-ci. Rencontre.
Jeune trentenaire au physique de gendre idéal et à la diction de premier de la classe, Tom Volf n’a pas froid aux yeux. Il y a cinq ans, cet artiste touche-à-tout, photographe de mode, acteur, producteur et chanteur, ne connaissait rien au monde de l’opéra. Aujourd’hui, quatre décennies après la mort de la cantatrice grecque, et au terme d’un très long processus d’enquête et d’exhumation de documents, il s’avance en véritable spécialiste de Maria Callas, multipliant les projets la concernant: exposition, livres mais aussi film documentaire donc, Maria by Callas, portrait de femme duale qui déboule ces jours-ci sur nos écrans. « Le déclencheur a été pour moi la découverte de cette interview inédite qui sert de fil rouge au film, raconte Volf. La diva y déclare ceci: « Il y a deux personnes en moi, Maria et La Callas. » J’ai compris que tout son parcours pouvait être envisagé à travers ce prisme-là. J’ai donc en permanence tendu vers un équilibre entre ces deux pôles, entre la femme et la figure publique. Cet équilibre qu’elle-même a cherché tout au long de sa vie. »
À l’écran, la prima donna apparaît dès lors en icône très humaine. D’autant plus que le documentaire fait le choix culotté de ne pas insuffler d’autre narration que les entretiens qu’elle a pu accorder au fil de sa carrière ou les lettres écrites de sa plume (lues ici par Fanny Ardant). À cet égard, Maria by Callas porte bien son nom: les archives parlent d’elles-mêmes, c’est un film sur Maria Callas par Maria Callas. « Il existait déjà beaucoup de documentaires sur elle, exclusivement télévisés, reprend Tom Volf. Il m’importait dès lors d’arriver avec quelque chose qui n’avait jamais été fait. Or, ce qui n’avait jamais été fait, c’est un film entièrement porté par ses mots, à son image. J’ai très vite réalisé que tout ce qu’elle avait elle-même déclaré était beaucoup plus percutant que ce que d’autres avaient pu formuler. De par son destin hors norme, sa personnalité, elle avait une façon de parler tellement riche… »
Ce dont la principale intéressée se défendait, d’ailleurs, insistant régulièrement sur son absence de talent oratoire. « C’est vrai. Ce n’était pas une intellectuelle, mais elle possédait cette valeur rare d’honnêteté et d’intégrité. Elle le dit aussi à un moment dans le film. Elle a une façon de parler tellement vraie, sincère, qu’on ressent ses mots directement, il n’y a pas besoin de filtre. Elle n’est pas en représentation quand elle s’exprime. L’idée était donc d’instaurer à travers le film un dialogue ouvert, authentique, entre elle et le spectateur. »
Seule au sommet
Faisant majoritairement fi de repères historiques ou d’une simple mise en contexte, le travail de montage de Tom Volf apparaît parfois un peu mal dégrossi, le cinéaste semblant par ailleurs trop souvent réticent à l’idée de tailler dans la matière d’exception à sa disposition. « Ce qui me fascine avant tout, se défend-il, c’est l’émotion que Maria Callas procure quand on l’écoute. Et l’universalité de cette émotion. C’est-à-dire qu’au-delà des genres, des cultures, des frontières et des pays, au-delà des âges, elle arrive à toucher tout le monde à travers son art. Elle était une icône planétaire, capable d’enflammer les passions, et une femme dont la célébrité dépassait largement la sphère musicale dans laquelle elle évoluait. En ce sens, il m’importait de réaliser un film accessible, tout simplement parce que sa façon d’interpréter l’opéra l’était aussi. Et puis il y a quelque chose de très romanesque dans sa trajectoire de vie: petite-fille d’immigrés née à New York qui, de rien, va devenir une star et s’épanouir sous le feu des projecteurs dans un tourbillon de fièvre et de tourments… On n’est pas loin de la tragédie grecque (sourire). Maria Callas était une personne très forte et très vulnérable. Elle a réussi à transcender les épreuves que l’existence lui a infligées pour atteindre à quelque chose de plus grand, qu’elle a donné en partage au public. Il y a vraiment l’idée d’un don de soi chez elle. »
Un don de soi qui confine au motif sacrificiel: femme libre mais souvent en souffrance, adulée mais aussi beaucoup décriée, La Callas semble parfois frappée d’une infinie solitude. « C’est le propre de beaucoup d’artistes, d’atteindre ce niveau de notoriété et de trouver en même temps dans sa vie un grand isolement. C’était très difficile pour elle de distinguer qui aimait Maria pour Maria et non pas pour Callas. Et en même temps la flamme, le désir de son public, c’est sans doute la plus belle histoire qu’elle ait jamais connue. Un peu comme dans la chanson de Barbara. »
Maria by Callas. De Tom Volf. Avec la voix de Fanny Ardant. 1h53. Sortie: 28/02. ***
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