Les femmes, espoir prometteur du cinéma saoudien… ou l’inverse

La réalisatrice saoudienne Haifaa Al-Mansour avait brisé un tabou social avec son film rebelle, Wadjda. © EPA
Marise Ghyselings Journaliste

En Arabie Saoudite, pays ultra-conservateur où les salles de cinéma sont interdites, ce sont exclusivement des femmes qui étudient les ficelles du septième art dans l’unique université du royaume qui propose une formation de trois ans.

Tourner, réaliser, monter: trois actions au coeur de la formation de 150 étudiantes de l’université d’Effat exclusivement réservée aux femmes dans la ville côtière de Jeddah, sur les bords de la mer Rouge. Un programme unique en Arabie Saoudite où l’industrie du film est à ses premiers balbutiements. Les étudiantes et leurs professeurs sont persuadés que leur parcours de trois ans en production visuelle et numérique participera à l’essor du secteur. Une quatrième année est également possible au cours de laquelle les étudiantes choisissent de se spécialiser dans les films d’animation, l’écriture de scénarios ou les médias interactifs, qui comprennent notamment la réalisation de jeux vidéo.

Ce lundi 28 mars s’est clôturé à Dammam, dans l’est du royaume, le Festival du cinéma saoudien dont l’un des principaux objectifs est de promouvoir le secteur, avec 70 films en lice, tous saoudiens. Pour sa troisième édition en huit ans, les films ou les scénarios d’une quinzaine d’apprenties cinéastes faisaient partie des travaux en compétition. Une présence féminine toujours placée au fond de la salle mais récompensée cette année par plusieurs prix dont celui du Palmier d’Or du scénario remis à Zainab Al-Nasser pour son film Wedding Dress.

L’an passé, les femmes avaient déjà fait parler d’elles. En effet, Hana al-Omair, une réalisatrice saoudienne, avait remporté le Palmier d’Or du meilleur film pour La plainte et Shahad Ameen, le deuxième prix dans la catégorie drame pour son court-métrage OEil et sirène. Cette dernière, comme d’autres cinéastes saoudiennes confirmées, est déjà venue partager son savoir-faire avec les étudiantes de l’université d’Effat, a précisé Bentley Brown, l’un des professeurs d’écriture de scénarios et réalisateur américain. Shahad Ameen est devenue, cette année, membre du jury mais contrairement aux étudiantes de l’université, dont les premières diplômées sont sorties en 2015, elle a étudié le cinéma en Grande-Bretagne.

De cette nouvelle formation pourrait émerger une génération de cinéastes saoudiennes formées dans leur pays, connu pour la séparation des deux sexes dans tous les espaces publics et pour les restrictions imposées aux femmes, comme l’interdiction de conduire, de voyager ou de travailler sans l’autorisation d’un homme de leur famille.

Raconter des histoires

« Je voudrais raconter des histoires qui touchent les gens« , confie la réalisatrice en herbe Rim Almodian, le visage et le corps couverts du traditionnel niqab noir. Une envie partagée par les autres étudiantes. « Nous voulons exprimer nos sentiments et faire part de notre histoire au monde« , explique Khalida Batawil, 20 ans, présente avec ses camarades à la cérémonie d’ouverture du troisième festival du cinéma d’Arabie saoudite.

Bien que les salles de cinéma soient interdites, l’intérêt pour le septième art grandit en Arabie saoudite, comme en témoigne la renaissance du Festival du cinéma saoudien l’an passé après sept ans d’interruption. L’absence de cinéma n’est pas une raison pour ne pas « raconter des histoires« , soutient la jeune documentariste de 21 ans Rawan Namngani. « Nous commençons par faire des films, ensuite nous aurons droit à des cinémas.« 

Wadjda, premier film de la réalisatrice saoudienne Haifaa Al-Mansour, avait été acclamé par la critique et largement récompensé dans les festivals en 2013. Cette petite fille rebelle dont le rêve est d’avoir une bicyclette avait permis à l’Arabie Saoudite de participer pour la première fois aux Oscars, preuve du talent des femmes cinéastes dans ce pays et de leur courage face à un royaume ultraconservateur.

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