Critique | Cinéma

Les Enfants des autres, le film le plus personnel de Rebecca Zlotowski

3,5 / 5
Rachel (Virginie Efira) et Leila (Callie Ferreira-Goncalves): un lien profond mais fragile. © Les films velvet/george lechaptois
3,5 / 5

Titre - Les Enfants des autres

Genre - Comédie dramatique

Réalisateur-trice - Rebecca Zlotowski

Casting - Virginie Efira, Roschdy Zem, Chiara Mastroianni

Durée - 1h43

Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

Avec Les Enfants des autres, Rebecca Zlotowski signe un drame sensible sur le désir de maternité d’une femme dans la quarantaine.

Cinquième long métrage de Rebecca Zlotowski, Les Enfants des autres est sans conteste le film le plus personnel de la cinéaste parisienne, révélée il y a douze ans par Belle épine. Elle ne dit d’ailleurs pas vraiment autre chose qui, tout à sa joie d’être sélectionnée en compétition à la Mostra de Venise, confie: “Il m’a fallu environ cinq films pour me légitimer sur un sujet féminin fort, et pouvoir l’envisager non comme mineur, mais comme un sujet qui vienne plus de mon corps que de mon esprit, qui soit plus du côté de l’émotion que du contrôle.” Et d’enchaîner, alors qu’on l’interroge sur les raisons d’un tel délai: “Il nous a fallu longtemps pour constater que nous devions convoquer un autre regard, et beaucoup de pédagogie pour affirmer qu’un film n’est pas juste un film, et qu’il n’était pas indifférent qu’il soit réalisé ou non par une femme. Quand on parle de littérature, on sait que lire, c’est écrire ensemble. Pour les films, il a fallu un temps considérable pour réaliser qu’on construit un film avec ce que l’on est, et que la personne qui l’a écrit le construit avec ce qu’il ou elle est. J’ai dû m’inclure dans ce processus, me déconstruire moi-même pour ne pas refaire les films que j’avais faits, autour de la centrale nucléaire (Grand central, NDLR) ou des virées à moto (Belle épine, NDLR), même si je les aime toujours et que je n’en ai pas fini. Il m’a fallu du temps, et une certaine maturité pour me colleter avec un sujet majeur, mais jamais exploré, ou alors de manière archétypale ou stéréotypée, ce qui m’attristait. Il y avait une part de pudeur, aussi, parce qu’il n’est pas facile de se retrouver face à des gens et de leur dire que c’est un sujet personnel: il y a un tabou par rapport au fait d’être une femme prenant de l’âge, ne pouvant plus avoir d’enfant, et se voyant rejetée par un homme. Même si je vais bien maintenant.

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Chacun a ses raisons

Belle-mère sans être encore mère elle-même, à l’instar de Rachel, l’héroïne des Enfants des autres, qui tombe amoureuse d’Ali et s’attache à sa fillette de 4 ans, son propre désir de maternité sinon en veilleuse, du moins en pointillé. Un sujet, raconte la cinéaste, qui s’est imposé de manière détournée: “Rachel n’était pas au centre du processus au début. Après avoir tourné la minisérie Les Sauvages pour Canal+, Roschdy Zem et moi avions envie de retravailler ensemble. Nous lisions le même roman en même temps: Au-delà de cette limite, votre ticket n’est plus valable, de Romain Gary, un livre sur l’impuissance masculine. Le titre est brillant et a suscité un écho très fort en moi. J’ai commencé à l’adapter, mais sans y arriver, parce que je me suis rendu compte que j’étais plus intéressée par ma propre impuissance que par l’impuissance masculine.” Roschdy Zem ne sera pas pour autant écarté du projet, prêtant ses traits à Ali face à une épatante Virginie Efira: “Dès que j’ai su que je me concentrerais sur le personnage féminin, son visage s’est imposé. J’ai eu la chance que Virginie Efira existe dans le paysage des actrices françaises: elle a cette libido étonnante et un cerveau. C’est peut-être la raison pour laquelle elle inspire beaucoup de réalisatrices également, parce qu’elle n’est pas une sorte de muse, elle n’a pas de “virginité”. J’aime que l’on voie que c’est une femme qui a connu d’autres amours, elle est dans un épanouissement total. Et j’aime sa rapidité et son intelligence. Et parfois, je sentais qu’elle pouvait s’identifier. Elle a respecté le scénario scrupuleusement, de manière presque fétichiste. Même quand je voulais assouplir quelque chose, pour le rendre plus facile à dire, elle me disait: “Non, non, c’est parfait dans le scénario, je vais le faire”. C’est très agréable, comme cinéaste, de constater qu’une comédienne respecte à ce point l’écriture et veut vraiment se mettre dans les chaussures d’un personnage. ça signifie que quelque chose peut se produire.

Le film, bercé par le parfum de la vraie vie, laisse aux individus le temps de s’installer -chacun avec ses raisons, suivant le credo de Jean Renoir- et aux émotions celui de tracer leur chemin. Pour toucher au cœur alors que, dans un élan souverain, Rachel se mue de personnage secondaire de quantité de récits en personnage principal de sa propre vie. Sans date de péremption.

Les Enfants des autres

Rebecca Zlotowski raconte avoir voulu, avec Les Enfants des autres, écrire le film d’un personnage secondaire en déficit de représentation au cinéma, une belle-mère sans être mère elle-même. Rachel (Virginie Efira), en l’occurrence, prof au lycée affichant la quarantaine épanouie qui, à la faveur de cours du soir de guitare, tombe amoureuse d’Ali (Roschdy Zem), designer automobile. Ali a une petite fille de 4 ans aussi, Leila (Callie Ferreira- Goncalves), à qui elle s’attache toujours plus, quand bien même celle-ci réclame sa maman, Alice (Chiara Mastroianni). Et de tenter de trouver sa place dans l’équation familiale, tout en étant travaillée par son propre désir de maternité -“Si vous voulez un enfant, c’est maintenant”, lui rappelle son gynéco (joué par Frederick Wiseman). Au départ de cette trame, la cinéaste livre un drame sensible, auquel elle imprime une appréciable légèreté. Et le film de charrier des sentiments intenses et profonds, la justesse de l’écriture de Rebecca Zlotowski conjuguée à la partition délicatement bouleversante de Virginie Efira achevant de faire de Rachel un de ces personnages que l’on n’oublie pas…

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