L’archéologie de cinéma, un métier rare, poétique et reposant

Catherine Deneuve dans Peau d'âne de Jacques Demy © ISOPIX
Serge Coosemans
Serge Coosemans Chroniqueur

L’archéologie de cinéma est rare, vu que l’on n’en connaît que deux exemples: aux USA, des fouilles sur les lieux de tournage de la première version des Dix commandements (1923) et, en France, sur le terrain d’une scène de Peau d’âne (1970). Le résultat est un peu vain, poétique, étrange, donc aussi un parfait sujet d’intérêt pour ce Crash Test S04E27.

Quand je serai grand, je veux faire archéologue de cinéma. Ça doit être mieux payé que chroniqueur, déjà. Moins exposé, aussi. Plus tranquille. Et puis, écrire, ça demande tout de même un minimum de concentration et de possession de ses moyens, alors que creuser, je suppose que cela peut se faire complètement rétamé au Pastis. Un job de rêve, donc. J’ai décidé d’intégrer ce corps de métier après être tombé sur un vieil article (enfin vieux, en temps Internet) du Journal du CNRS, daté de juin 2018. On nous y explique qu’une équipe de chercheurs s’est intéressée aux vestiges du tournage de Peau d’âne, ce film de Jacques Demy qui est probablement l’un des plus zinzin du cinéma français; puisque mêlant inceste et comédie musicale, ambiance gentiment psyché et conte de Perrault, Moyen-âge kitsch et hélicoptère. « Avec une truelle en guise de baguette magique, est-il écrit, c’est dans cette merveilleuse opération qu’Olivier Weller, archéologue du laboratoire Trajectoires1, s’est lancé en 2012, entouré d’une équipe de bénévoles passionnés. Fan du film mythique réalisé à l’été 1970, le chercheur s’est donné une mission: reconstituer un moment clé du tournage, celui de la cabane au milieu des bois, où la princesse (alias Peau d’âne, interprétée par Catherine Deneuve) se réfugie pour échapper aux avances de son père le roi (Jean Marais dans le film), sur les conseils de sa marraine la Fée des Lilas (interprétée par Delphine Seyrig). Une fée dont Olivier Weller découvrira aussi le repaire, bien caché sous les fougères. »

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Fouiller un lieu de tournage reste extrêmement rare. Plus ou moins à la même époque, de 2012 à 2014, une entreprise similaire avait eu lieu parmi les dunes de Rancho Guadalupe, dans le désert californien, où avait été tournée en 1923 la première version, muette, des Dix commandements de Cecil B. DeMille. Un gigantesque plateau surnommé « La Cité du Pharaon » avait été construit, pensé par Paul Uribe, une sommité de l’Art Deco. Après le tournage, ce set avait été abandonné et partiellement enseveli. Il y a cinq ans, une équipe d’archéologues a donc retrouvé des éléments de ce décor, dont un Sphinx. En ce qui concerne Peau d’âne, c’est dans les Yvelines, à Gambais, sur le domaine du château de Neuville que le film a été tourné. Les fouilles y durent par intermittence de 2012 à 2016 et 4.000 objets sont finalement retrouvés. Certains sont banals et tiendraient même davantage de la pollution que du vestige: mégots de cigarettes américaines (« fumées probablement par Catherine Deneuve ou François Truffaut venu la rejoindre sur le tournage », précise l’article), capsules de bière, bouteille d’eau… D’autres sont purement techniques: des bandes magnétiques, des éclats d’ampoules de projecteur, du scotch d’électricien, etc. Mais on a aussi retrouvé une tête de lion en plâtre et le cadre du miroir de la Fée des Lilas.

Tous ces objets ont été analysés en laboratoire. « Les mégots de cigarette sont encore en attente d’analyses ADN et de tests de datation radiocarbone », précise l’article. Parce que les archéologues se sont assez bien pris pour des flics, oui. « Quand on étudie la préhistoire, on doit en quelque sorte se contenter d’objets, os, cailloux, céramique, peintures rupestres, que l’on essaie de faire parler grâce à diverses méthodes d’analyses comme l’ADN, les isotopes ou la spectroscopie. Mais lorsqu’on fait de l’archéologie contemporaine, on peut accéder à d’autres sources qui complètent le travail de terrain, comme les souvenirs de témoins, des textes ou encore de l’iconographie », explique dans l’article Oliver Weller. Ces recherches, américaines et françaises, sont relatées dans deux films, tous deux sortis en 2016 et qui se trouvent assez facilement en VOD depuis: The Lost City of Cecil B. DeMille et Peau d’âme. C’est très reposant, très poétique à regarder. C’est hors du temps. C’est inutile, donc beau. C’est très agréable à voir dans les brumes du Pastaga. Ça nous fait des vacances. Et qui n’a pas besoin de vacances en ce moment?

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