Jonathan Cohen et Vincent Macaigne, collés-serrés dans la nouvelle comédie de Gustave Kervern et Benoît Delépine

Jonathan Cohen et Vincent Macaigne, un duo inédit et détonant.

Avec En même temps, l’insolent duo formé par Gustave Kervern et Benoît Delépine ne dévie pas des fondamentaux de son cinéma pour livrer un road movie cocasse qui s’attarde sur quelques urgences politiques, à commencer par la crise écologique et la lutte féministe.

Gustave Kervern et Benoît Delépine débarquent au rendez-vous avec quelques minutes de retard, fidèles à leur allure grolandaise, lunettes noires et cheveux en pétard. Il faut dire que la veille, la soirée fut longue et la nuit fut courte, à l’occasion de l’avant-première bruxelloise du film. « On a retrouvé notre ami Noël Godin, s’excuse Benoît Delépine. Ce qui a commencé comme une blague a fini en tournage d’un sketch. Bref, on s’est couchés tard. »

L’affichage de ce contenu a été bloqué pour respecter vos choix en matière de cookies. Cliquez ici pour régler vos préférences en matière de cookies et afficher le contenu.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.

Malgré la fatigue, les deux hommes sont heureux de présenter le film, et se réjouissent des rires nombreux qui ont rythmé la projection la veille. Il faut dire que, contre toutes attentes, ce film-ci a été plus difficile à monter que les précédents. Des réticences politiques peut-être? « Pas du tout! C’est le sous-entendu sexuel de la situation, un homme collé derrière un autre, explique Gustave Kervern. On nous a dit qu’on allait trop loin. Mais nous, notre terreau, c’est l’humour noir, on n’a pas fait Groland pour rien. Mais on a constaté que si nous on ose et on aime aborder tous les sujets frontalement, ce n’est pas le cas de tous nos partenaires. Les chaînes de télévision se disent que si elles acceptent le scénario, ça va leur retomber dessus. C’est un enchaînement de pleutreries. »

India Hair et Doully, néo-militantes féministes et anarchistes.
India Hair et Doully, néo-militantes féministes et anarchistes.

« Heureusement que Bouli Lanners, qui devait jouer dans le film à l’origine, nous a dit oui tout de suite, renchérit Benoît Delépine, de même que Denis Podalydès. Ça nous a encouragés à poursuivre l’écriture, même si finalement, ça n’a pas pu se faire avec eux. » On se dit que le film aurait été assez différent avec ces deux comédiens-là. Comment finalement les auteurs ont-il choisi le duo inédit mais diablement efficace formé par Jonathan Cohen et Vincent Macaigne? « Ah ça, c’est une histoire de losers, rigole Benoît Delépine. L’année dernière, on était en lice pour le meilleur scénario aux César, mais on ne l’a pas eu. Il faut savoir que si les gagnants sont raccompagnés chez eux en voiture officielle, les perdants poireautent sous la pluie sur le trottoir. Bref, on s’est retrouvés avec une belle brochettes de losers, dont Jonathan et Vincent, qui sont venus nous parler. Et on s’est dit que ça pourrait le faire. »

Jonathan Cohen et Vincent Macaigne, collés-serrés dans la nouvelle comédie de Gustave Kervern et Benoît Delépine

Donner de l’espoir

C’est que derrière « l’incongruité » de la situation (comme le dit Delépine), les cinéastes abordent de façon volontaire et un peu utopiste des thématiques qui leur tiennent à coeur, et depuis longtemps. « Pour moi, l’écologie, c’est ce qu’il y a de plus important et de plus urgent aujourd’hui, confie Gustave Kervern. On va droit dans le mur, il faut agir. Quant au féminisme, c’est aussi une évidence. À la fin de la projection hier, un spectateur a demandé si on pensait vraiment qu’un écolo et un gars d’extrême droite pouvaient se rapprocher en vrai le temps d’une nuit. Bon, ce n’est qu’un film. Évidemment, on a quelques doutes, mais on aime bien rêver. Ce qui nous plaisait, c’est de donner un peu d’espoir. Franchement, on en a besoin. » D’ailleurs, le film s’achève sur la chevauchée punk et ardente du trio de militantes qui affiche dans les rues des slogans féministes forts, sur l’air de J’aime les filles. Comme si nos deux mâles blancs de 60 ans passaient avec réjouissance le relais de l’anarchie à quelques jeunes femmes pleines d’allant. « On ne voulait pas être cyniques vis-à-vis des combats écologistes et féministes, confirme Delépine. On croit sincèrement qu’il est temps de passer le relais et le pouvoir à des femmes qui ont une vision écologiste. Les vieux schémas masculinistes nous entraînent à la catastrophe. Moi, j’ai deux filles et je crois en elles. On était trop contents de finir le film sur l’énergie des militantes féministes, et pas sur nos deux gars un peu paumés. »

En même temps

Pascal Molitor et Didier Béquet sont tous deux maires de petites communes françaises, aux convictions radicalement opposées. L’un est franchement écolo (même s’il a acheté dans un moment d’égarement une machine espresso à dosettes). L’autre a créé le parti Divers Extrême Centre et professe un discours résolument raciste, misogyne, validiste et homophobe. Suite à une soirée un peu trop arrosée où le second a tenté de corrompre le premier pour lui soutirer un vote important, ils sont attaqués par une jeune activiste féministe sérieusement agacée par le patriarcat, qui les colle ensemble. Oui, les colle, littéralement, l’un dans le dos de l’autre. L’écolo dépressif et l’extrémiste machiste s’engagent ainsi dans une longue nuit de folie à se tourner le dos, avant de finir main dans la main. Vincent Macaigne et Jonathan Cohen s’amusent à incarner avec le talent qu’on leur connaît ces deux antihéros irrésistiblement réunis par une situation cocasse, qui permet à Kervern et Delépine de distiller quelques punchlines bien senties, de replacer quelques préoccupations écologiques dans le débat politique (et tant pis si c’est pour de faux) et, pour finir, de laisser le champ libre à un virevoltant gang de colleuses féministes (emmené par India Hair) qui remettent les choses à leur place avec quelques chiffres glaçants sur les inégalités hommes-femmes. Le tout, un peu attendu et gentiment foutraque, reste pas mal en surface, multiplie les caméos un peu complaisants (même si l’on prend plaisir à retrouver Yolande Moreau en tenancière du FMI, un bar à hôtesses décrépit) mais s’avère divertissant, juste ce qu’il faut.

De Benoît Delépine et Gustave Kervern. Avec Jonathan Cohen, Vincent Macaigne, India Hair. 1 h 48. Sortie: 06/04. ***

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content