Festival Offscreen: en avant, marge!

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Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

Le plus dingue des festivals de cinéma bruxellois, qui s’ouvre ce mercredi 7 mars, est aussi un des plus passionnants. Tout y est possible…

On lui doit, entre autres moments chéris, la projection de The Texas Chainsaw Massacre en copie restaurée dans la grande salle Henri Leboeuf du Palais des Beaux-Arts. C’était en mars 2015, et cela restera comme un des derniers grands souvenirs du regretté Tobe Hooper, acclamé par un millier de fans en délire… Chez Offscreen, on se permet tout. Et le reste! Avec le plaisir pour boussole, la curiosité pour moteur et cet art incomparable de dénicher à la marge les trésors cinéphiles les plus inespérés. Le festival Offscreen marque de sa jouissive empreinte le paysage cinématographique bruxellois depuis onze ans déjà. L’étrange, le troublant, l’extravagant, le sauvage, le déjanté, le transgressif, le monstrueux, l’impie sont ici chez eux. Il faut toujours s’y attendre à… l’inattendu.

Tête chercheuse

« Voir aujourd’hui les films cultes de demain. » La formule est jolie, ambitieuse aussi, et marquée du sceau d’un plaisir pris à découvrir des films neufs et inédits, venant de nombreuses cultures et qui évoluent sur le fil du rasoir, sur le tranchant d’une création cinématographique originale, inventive sur le plan thématique et narratif mais aussi dans ses rapports avec le médium cinéma lui-même. Durant presque trois semaines, le centre de Bruxelles vibrera au rythme (parfois littéralement) endiablé d’un festival à tête chercheuse et aux sens en éveil, partagé entre le cinéma Nova et le Palais des Beaux-Arts où ses complices Cinematek et Bozar ajoutent leur grain de sel à un plat déjà bien épicé.

L’ouverture se conjuguera à la première personne du féminin et du (très) singulier, avec le Revenge de Coralie Fargeat. Un film aux couleurs brûlantes et saturées, où une toute jeune femme (jouée par Matilda Lutz) est violée puis balancée d’une falaise par un trio de chasseurs quadragénaires en rut et sans scrupules. Des chasseurs qui se retrouveront chassés quand leur victime, qui a survécu, entreprendra de les retrouver dans le désert et d’accomplir une implacable vengeance… Le comédien belge Kevin Janssens prête ses traits à l’un des abuseurs dans un film tenant du « survival » gore et féministe, avec une mise en images souvent bluffante et un amour communicatif du cinéma de genre.

Festival Offscreen: en avant, marge!

Outre A Ghost Story de David Lowery, un chef-d’oeuvre se détache de la sélection officielle d’Offscreen 2018. Il s’intitule November, vient d’Estonie et se déroule voici plusieurs siècles dans un village voisin d’un château. Rainer Sarnet y conte les amours contrariées de deux jeunes paysans, la fille étant promise par son père à un vieil époux payeur tandis que le garçon s’éprend de la fille d’un noble allemand. Le tout dans un contexte où le christianisme est débordé par des traditions païennes, en tête desquelles on découvre le « kratt », créature rappelant un peu le golem et qui prend vie à partir d’ossements animaux et d’outils agricoles pour servir les humains au prix de leur âme… Travaillé en noir et blanc sublime (le directeur de la photographie Mart Taniel signe des blancs d’albâtre et bien plus de 50 nuances de gris), November atteint des sommets de sombre et poétique beauté. Sans oublier pour autant l’humour, parfois scatologique! Une tendance lourde au festival cette année, notamment dans l’absolument délirant Kuso de Steven Ellison (mieux connu comme producteur musical sous le pseudo Flying Lotus). Un tremblement de terre majeur ayant détruit Los Angeles laisse des survivants mutants, couverts de pustules et se livrant à des activités bizarres au fil d’images destroy et d’animations façon David Lynch des débuts. L’expression « film de merde » y est redéfinie en termes assumés, pas forcément négatifs…

Mais qui est donc Marcel?

On fait beaucoup l’amour, à Offscreen. Sur l’écran, en tout cas. Eros et Thanatos dialoguent intensément du sauvage Tokyo Vampire Hotel (de Sion Sono, résumant une série télévisée de neuf épisodes), avec ses déluges de sexe et de sang, au beaucoup plus discret -et fascinant- Gutland, film luxembourgeois inversant les codes du récit traditionnel où un étranger débarque dans une communauté rurale pleine de secrets à protéger. On ne manquera pas de voir aussi cette perle finlandaise qu’est Euthanizer de Teemu Nikki, portrait d’un ami des animaux confronté à une bande de fachos dans un milieu rural peint de grinçante façon. Bien d’autres grands et petits plaisirs s’offriront au regard du cinéphile curieux. Aussi lors des hommages à Enzo G. (pour Girolami, son vrai nom) Castellari et Sergio Martino, deux petits maîtres du film de genre à l’italienne des années 60 et 70, giallo compris et même surtout pour le second nommé. Tous deux nés en 1938, ils seront présents à Bruxelles pour l’occasion. Le regretté Thierry Zéno (Vase de noces), l’animation adulte des années 70 (Ralph Bakshi et cie) et les vampires se verront encore consacrer un programme. Sans oublier Shortscreen, sélection de courts métrages belges bien barrés. Ni Offscreen on Tour, série de séances organisées dans d’autres villes. Reste une question, que les spectateurs pourraient bien se poser: mais qui est donc ce Marcel pointé comme organisateur du festival? Eh bien Marcel habite au 63, rue de Moranville, à Jette. C’est une… ASBL, qui étend ses délicieux méfaits à d’autres manifestations à la Cinematek (B to Z movies), au Beursschouwburg (Out Loud!), au MOOOV filmfestival à Turnhout et au drive-in du DOK à Gand.

Offscreen Film Festival. Du 07 au 25/03 au cinéma Nova, à Bozar, à la Cinematek et au RITCS. www.offscreen.be

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