De L’Age de glace à l’âge d’or

Ice Age: Collision Course (L'Age de glace: Les Lois de l'univers, en VF) © Blue Sky Studios/Reporters
Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

Mike Thurmeier est la cheville ouvrière de la franchise Ice Age dont il a participé aux cinq épisodes, et réalisé Les Lois de l’univers, nouvelle aventure de Manny et ses compères, sur les écrans depuis mercredi.

« Les héros givrés » annonçait, en 2002, l’affiche de L’Age de glace, film d’animation de Chris Wedge et Carlos Saldanha produit par les studios Blue Sky. Postulat vérifié dès la scène d’ouverture qui voyait Scrat, un écureuil burlesque, précipiter la Terre dans une période glaciaire à force de s’acharner sur une noisette, et lancer, ce faisant, les aventures passablement délirantes de Manny le mammouth et Sid le paresseux, bientôt rejoints par Diego, le tigre à dents de sabre. Le succès serait au rendez-vous, le one-shot se transformant dans la foulée en franchise, suivant la règle désormais en vigueur à Hollywood. Si bien que quatorze ans plus tard, les héros de Ice Age ont fait du chemin, Les Lois de l’univers, sur les écrans depuis ce 13 juillet, constituant le cinquième épisode de la saga.

Le temps de l’innocence

Aux commandes de ce dernier, Mike Thurmeier, associé à la série depuis ses débuts, au titre de superviseur de l’animation dans un premier temps, et de réalisateur ensuite, puisqu’il en a cosigné les trois derniers volets, sans que le temps ne semble, au demeurant, avoir de prise sur son enthousiasme. Ainsi, lorsqu’on le retrouve dans le décor d’un cinéma rétro d’Amsterdam où a lieu la présentation du petit dernier. Lequel s’ouvre, comme les précédents, sur une catastrophe provoquée par Scrat, l’écureuil fou trouvant, pour le coup, le moyen de déclencher une pluie de météorites et d’autres phénomènes cosmiques menaçant la planète. « L’inspiration de chacun des épisodes est venue de la productrice, Lori Forte, explique le réalisateur canadien. Elle lance l’idée initiale, et l’écriture peut alors commencer. Quand j’entre en scène, nous développons le scénario plus avant et storyboardons l’histoire, avant de lui donner forme. Le projet peut évoluer considérablement: il arrive que l’on doive laisser tomber de bonnes pistes narratives, parce qu’un film ne peut en intégrer de trop nombreuses. Très vite, le développement visuel acquiert de l’importance. Pour chaque opus, nous essayons de trouver un élément qui le définisse et le distingue des autres… »

L’affichage de ce contenu a été bloqué pour respecter vos choix en matière de cookies. Cliquez ici pour régler vos préférences en matière de cookies et afficher le contenu.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.

Les Lois de l’univers adopte ainsi une palette de couleurs inusitée, en particulier lorsque ses héros découvrent le monde de Geotopia. Une autre caractéristique du film tient à sa patine vintage: l’histoire trouve son origine dans un passage fugace du premier épisode, lorsque les personnages traversaient une galerie de glace où était congelé un vaisseau spatial, aujourd’hui libéré par Scrat. D’où un look d’ensemble n’étant pas sans évoquer la science-fiction des années 1950. « Nous tenions à ce parfum, poursuit Mike Thurmeier. Nous n’avons jamais eu l’intention de faire Tron ou un film « high-tech », nous voulions plutôt une apparence de B movie à petit budget, avec son côté comédie. » Et de mentionner les Plan 9 from Outer Space , d’Ed Wood, It Came from Outer Space, de Jack Arnold, Barbarella de Roger Vadim, et jusqu’aux séries Lost in Space et Star Trek, ayant servi de référents aux concepteurs artistiques du film. Partant, ce dernier renoue aussi avec la part d’innocence généralement associée à ces productions, une qualité inscrite dans l’ADN de la franchise au point, estime le réalisateur, de constituer l’une des raisons de son succès: « Le coeur de L’Age de glace est fort pur et simple, relève-t-il. Il ne s’agit en rien de films sarcastiques ou dégageant des sentiments négatifs. Le message qui affleure sous la surface est bon, voire même innocent. » La volonté de ne pas effaroucher les enfants est, du reste, totalement assumée – « Je veux les faire frissonner mais pas les effrayer. Je tiens à ce qu’ils vivent une expérience positive. » Une sorte d’antidote à noirceur et à l’ironie ambiantes, et une profession de foi pouvant surprendre dans le chef d’un animateur ayant fait ses gammes sur… Fight Club. « C’est vrai, mais je ne montrerais pas le film à ma fille, rigole-t-il. J’étais un grand fan de David Fincher, et quand ce projet s’est présenté chez Blue Sky, j’ai fait des pieds et des mains pour pouvoir m’en occuper. Une superexpérience, même si je ne l’ai jamais rencontré en personne. On m’a dit qu’il était content de mon boulot, et cela me suffit… »

Une galerie de personnages qui s'étoffe, chacun pouvant y trouver matière à se projeter.
Une galerie de personnages qui s’étoffe, chacun pouvant y trouver matière à se projeter.© Photo News

De l’âge de glace à l’âge d’or

Une autre explication du succès de Ice Age tient, sans nul doute, à sa galerie de personnages, laquelle n’en finit pas de s’étoffer, et aux sentiments divers qu’ils convoquent, chacun pouvant y trouver matière à se projeter. A quoi Scrat vient ajouter cette touche de dinguerie sans laquelle la franchise ne serait pas tout à fait la même. A tel point, d’ailleurs, que ses créateurs ont décidé d’amplifier son rôle dans ce nouvel épisode, avec un effet burlesque surmultiplié – il faut voir, par exemple, la scène hilarante où il se soustrait à la loi de la pesanteur, faisant souffler un vent d’anarchie sur le film. « C’est de l’humour classique, s’esclaffe Mike Thurmeier. Questionnez n’importe quel animateur aux Etats-Unis, ses influences seront soit Disney soit la Warner Brothers, avec une prédilection pour l’un ou l’autre suivant sa personnalité. Pour ma part, j’ai toujours été porté vers l’animation Warner, Tex Avery et Chuck Jones en particulier. J’adore Bugs Bunny, et j’essaie d’infuser de la physicalité dans les performances. »

Nourri de références diverses, L’Age de glace n’en est pas moins un pur produit de l’ère numérique et de ses mutations. « D’un point de vue technique, le premier film avait représenté une lutte de chaque instant. Désormais, le software et les outils sont incroyables. Du coup, nous ne devons plus réfréner nos idées. En termes de manipulations de personnages, par exemple, les progrès ont été immenses. Nous avons franchi un cap avec Horton Hears a Who!, en 2008, où nous sommes passés de mouvements rigides à une animation fluide plus cartoonesque, qui nous a ouvert d’immenses possibilités. La seule limite tient à notre imagination, et à la réalité de la production, avec le temps dont on dispose. Cela mis à part, nous en sommes à ce stade génial où tout est possible: un film peut avoir l’air hyperréel, comme Le Livre de la jungle, ou supercartoonesque, en fonction de votre vision… C’est un âge d’or stylistique. »

Ice Age. Les Lois de l’univers. De Mike Thurmeier. Avec les voix françaises de Gérard Lanvin, Elie Semoun, Vincent Cassel.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content