R.M.N. : une exploration de la nature humaine, jusqu’en ses recoins les plus sombres

3,5 / 5
© National
3,5 / 5

Titre - R.M.N.

Genre - Drame

Réalisateur-trice - Cristian Mungiu

Casting - Marin Grigore, Judith State, Macrina Bârladeanu

Durée - 2h05

Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

Cristian Mungiu montre dans un film âpre et implacable comment la xénophobie “ordinaire” s’empare d’une petite ville de Transylvanie.

Cela commence dans la grisaille d’un quelconque zoning, quelque part en Allemagne. Ayant répondu d’un coup de boule à l’insulte raciste proférée par un collègue, Matthias se voit contraint de quitter son emploi dans un abattoir. Direction la Roumanie, et la petite ville multiethnique de Transylvanie où il avait laissé son jeune fils, Rudi, une femme qu’il n’aime plus, Ana, et sa maîtresse, Csilla, la patronne de la boulangerie industrielle. Il en est à tenter de se rapprocher de son gamin, en proie à des peurs irrationnelles -la présence d’ours dans les environs?- et de prendre en main son éducation, lorsqu’une grande agitation s’empare de la bourgade, consécutive à l’annonce que l’entreprise de Csilla va engager des travailleurs sri-lankais, faute de main-d’œuvre locale acceptant encore les conditions de travail. Ils sont deux, puis trois à débarquer à l’approche de Noël, cristallisant bientôt le ressentiment de la petite communauté où Roumains et Hongrois cohabitaient jusqu’alors en bonne harmonie, mais où, précarité aidant, angoisses, frustrations et conflits plus ou moins larvés refont surface. Une situation explosive dans laquelle Matthias navigue à vue, semblant tout autant dépassé par la tournure prise par les événements que la plupart de ses concitoyens…

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Exploration de la nature humaine

Sixième film de Cristian Mungiu, R.M.N. voit le réalisateur roumain s’emparer avec une rigueur implacable de la xénophobie “ordinaire”, dont il s’emploie à démonter les mécanismes universels -de l’Allemagne à la Transylvanie, c’est la même réalité à géométrie répétitive- comme les ressorts les plus insidieux. Une entreprise qu’il assortit d’une exploration de la nature humaine, jusqu’en ses recoins les plus sombres, traquant notamment la part animale sommeillant en chacun d’entre nous (à quoi la sourde menace induite par la forêt voisine apporte un prolongement métaphorique). S’il impressionne par son ampleur, débordant de son ancrage roumain pour embrasser la société contemporaine dans son ensemble avec les dilemmes auxquels elle est confrontée, comme par la solidité de son argumentaire, R.M.N. a aussi le défaut de ses qualités. Le film n’évite ainsi pas toujours l’écueil du didactisme, tout en pouvant paraître pesant dans sa volonté “encyclopédique”. Mais soit, âpre et d’un abord parfois ingrat, il n’en apparaît pas moins justement observé, tout en rappelant, si besoin en était, combien Mungiu est un maître metteur en scène. Démonstration avec un magistral plan-séquence épousant la durée d’une assemblée communautaire -17 minutes avec 26 personnages qui parlent filmées en une seule prise-, pour ce qui tient aussi de la leçon de cinéma.

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