Bernard Dobbeleer: « J’ai envie que Pure soit à nouveau une radio de mélomanes »

Bernard Dobbeleer, nouveau chef éditorial de Pure. © Jean-Yves Limet
Kevin Dochain
Kevin Dochain Journaliste focusvif.be

Après 12 ans passés chez Classic 21, le DJ, journaliste et animateur est propulsé chef éditorial chez Pure (FM), qui compte par la même occasion abandonner la course au jeunisme.

Ne dites plus Pure FM, dites Pure: pour sa conférence de rentrée inhabituellement programmée en janvier (alors que la tradition est plutôt de présenter les nouvelles têtes en septembre), la radio « jeunes » de la RTBF s’est étalée sur le fait qu’elle n’est plus seulement une radio, mais plutôt un « média global » (entendez: très présente sur le Web), d’où l’abandon du « FM » dans son nom. Et promet par la même occasion de ne plus « faire la course au jeunisme » pour se recentrer sur son « public naturel », la génération Y.

Nouvelles émissions web-only, découvertes à foison sous la bannière « Pure Like », plus de places aux « souvenirs » des années 90 à 2015: pour 2017, la bonne résolution de Pure est de « rester pétillante ». Mais c’est surtout l’arrivée, prévue pour le 1er février prochain, de Bernard Dobbeleer au poste de chef éditorial de la radio, qui a retenu notre attention. L’occasion rêvée de discuter sans filtre de la direction que prendra la moitié de l’ex-Radio 21 dans les années à venir…

Il y a eu beaucoup de changements depuis la création de Pure FM en 2004. Quelle pierre comptez-vous apporter à l’édifice?

Pure est un média qui m’a toujours fasciné. Si aujourd’hui, je suis responsable de la musique à Classic 21, je ne me concentre pas uniquement sur cette musique-là. Je suis très curieux: je suis DJ, j’écoute plein de choses. Mon coup de coeur de l’année dernière, c’est Anderson .Paak, ce qui est très loin du format de Classic 21. Ce que j’ai envie d’amener à Pure, c’est une offre musicale moins restreinte. Il y a eu plein de tentatives d’orientation différentes en douze ans et ce qui a attiré mon attention, c’est quand j’ai appris il y a un an que Pure ne ciblait plus les 18-34 ans, mais plutôt les 25-40. C’est plus en adéquation avec le public réel de Pure, et c’est un public qui m’intéresse, que je connais bien. En élargissant l’offre musicale, je pense qu’on arrivera à faire quelque chose de bien. La musique est tellement diversifiée aujourd’hui qu’on met un peu trop facilement des étiquettes. Il est évident qu’on ne va pas aller sur le rock que propose Classic 21, mais il y a une infinité de groupes qui n’y sont pas diffusés et qui ont leur place sur Pure. Tame Impala a tout à fait sa place dans la programmation, par exemple.

Tame Impala et Anderson .Paak ont tout u0026#xE0; fait leur place sur Pure

Au cours de la conférence de presse, l’accent a été fort mis sur la découverte. Est-ce que les Pure Like, par exemple, auront droit à une seconde vie au-delà de leur semaine de haute rotation?

Oui. On met l’accent sur une découverte et puis on l’intègre évidemment à la playlist. L’idée n’est pas de produire des « flavor of the week » à la chaîne. On va suivre ces artistes-là, auxquels on croit. J’ai beaucoup axé mon projet sur l’ancrage belge francophone de la programmation. On ne le sait pas assez, mais si pendant longtemps, la musique électronique était essentiellement flamande (2manydjs, la scène techno de Gand…), aujourd’hui, les artistes les plus intéressants sont francophones. The Magician, Lost Frequencies, sont francophones et connus dans le monde entier. Il y a aussi Lefto, que tout le monde croit flamand alors qu’il est Bruxellois francophone. J’ai envie que toute cette génération, qui va de Compuphonic à Mugwump, en passant par Fabrice Lig, Henri PFR, Mickey, Simon Le Saint, Columbo, Aeroplane… ait sa place sur Pure. Il y a une émulation incroyable en ce moment. Je pense aussi aux soirées Rockerill.

Est-ce que plus de variété, ça veut aussi dire une playlist plus longue?

C’est un débat. Les radios professionnelles sont de plus en plus formatées, je pense qu’on ne peut pas sortir de ça. Mais dans mon projet, j’ai précisé qu’il ne fallait pas aller dans trop de formatage. Sinon on va dans quelque chose de désincarné. J’ai envie que ce soit une radio de mélomanes et pour ça, il faut forcément que la playlist soit beaucoup plus large. Ne pas se contenter d’une playlist ramassée comme elle l’a été trop longtemps. Je n’ai pas pour autant envie de faire une radio où on est surpris en permanence: la programmation doit être formatée, mais doit être beaucoup plus large qu’elle ne l’est aujourd’hui. On ne doit pas se couper du rock, on ne doit pas se couper de plein de musiques.

Le hip hop, par exemple, aura-t-il une place hors des tranches dédiées?

Il faut savoir que la RTBF travaille sur un média -dont on ne connaît pas encore le nom- qui sera spécifiquement dédié aux musiques urbaines. Je dois encore voir avec Thomas -Akro- comment on peut travailler en bonne intelligence. Ne pas passer les mêmes artistes. À l’autre extrême, un groupe comme Muse peut passer sur Classic 21 et sur Pure. Il y aura certainement des groupes qui pourront passer en même temps sur Pure et ce futur média. L’idée n’est pas de faire un média hip hop, mais ne pas s’en couper non plus. Anderson .Paak, Kendrick Lamar, Chance the Rapper… J’adore ce genre de trucs et j’ai envie de développer ça sur Pure.

C’est une bonne nouvelle, si la programmation se décloisonne et s’ouvre à nouveau au rock, au hip hop, comme ça l’était à l’époque de Radio 21…

Au début, Pure était très pop-rock. À l’époque de Radio 21, j’ai amené le hip hop et les musiques électroniques sur ses ondes: personne n’en passait avant. Quand en 2004, la radio s’est scindée en Classic et Pure, il me manquait le hip hop, les musiques black. Je me suis vengé, d’une certaine manière, en faisant des soirées Strictly Niceness à Bruxelles et Superfly à Liège.

Ce qui manque dans le paysage belge francophone aujourd’hui, c’est une radio qui passe les artistes qu’on retrouve en festival.

Il suffit de regarder l’affiche du Pukkelpop, des Ardentes, de Dour… Ce mélange-là, c’est ce qu’on doit faire. Très égoïstement, c’est ce qui me manquait aussi et c’est un peu le sens de mon projet.

À Moustique, vous expliquiez vouloir plus de présence sur les festivals, alors que ces dernières années, Pure FM a retiré sa présence de certains d’entre eux -flamands surtout.

Pure a toujours été extrêmement présente sur les festivals. Je suis bluffé par le travail de gens comme Sylvestre Defontaine. Il ne faut en tout cas pas s’en couper, il faut plutôt renforcer l’offre. Il ne faut pas non plus qu’on soit en permanence sur tous les festivals. J’ai vraiment envie de renforcer cette collaboration avec les organisateurs de soirées, de concerts.

Est-ce qu’on vous retrouvera encore derrière le micro, que ce soit pour des interviews ou de l’animation?

Non. C’est mon gros drame dans l’histoire. Depuis quelques années, je suis parvenu à prendre un plaisir fou en menant mes interviews. Je m’emplissais du moment que je vivais. C’était assez nouveau pour moi et ça me fait chier d’abandonner ça. Je ne vais plus non plus écrire pour Moustique: je n’ai plus le temps et de toute façon, j’ai écrit trois articles pour eux l’année dernière, deux l’année avant… Sur Pure, je ne vais pas faire d’antenne: j’ai vraiment envie de mettre en avant les animateurs qui sont en place. Je préfère chapeauter dans l’ombre, ne pas me mettre en avant. Rudy Léonet a une personnalité très forte, riche, il a amené quelque chose de fondamental à Pure FM à l’époque; Marc Ysaye amène quelque chose d’incontestable à Classic; mais ce n’est pas mon idée du tout. Je n’ai pas leur aura. Je veux mettre en avant les talents, en développer de nouveaux, faire venir pas mal de gens… Pas mal de contacts ont été pris, on entendra sans doute ça à la rentrée.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content