Comeback du Polaroid: l’Impossible Revival
Alors qu’Instagram cartonne sur les réseaux sociaux, le Polaroid fait son retour. Entre vintage et modernité, la marque se réinvente tout en conservant son identité originelle. Historique.
L’aventure du Polaroid commence en 1926, lorsque Edwin H. Land quitte l’université de Harvard pour poursuivre de son côté ses recherches sur la polarisation de la lumière. Aujourd’hui, la marque existe toujours et se tourne vers le numérique, avec notamment un concurrent direct pour la GoPro, The Polaroid Cube, ainsi qu’une gamme d’appareils Polaroid numériques, dont le Z2300.
Pourquoi et comment le Polaroid est-il revenu à la mode aussi facilement, après les problèmes économiques et juridiques rencontrés par la marque à l’aube du 2e millénaire? Alors qu’elle avait abandonné la production d’appareils à développement instantané en 2007 et que les usines de fabrication de films Polaroid fermèrent en 2008, voilà que la production est relancée depuis 2010 par une tribu d’irréductibles: The Impossible Project. Explications.
Pérennité analogique, futur numérique
Tout commence en 2008, à Enschede aux Pays-Bas. C’est en effet là que se trouve la dernière usine au monde produisant des films Polaroid. Alors que la marque se retire du marché du film instantané, une dizaine de salariés de l’usine en question rachète les machines restantes afin de recommencer à fabriquer des photos à leur compte. Seulement, ils n’ont pas le droit d’acquérir ni la recette de fabrication, ni les composants chimiques nécessaires à celle-ci. Deux ans de recherches et de tâtonnements plus tard, la production d’un premier film débute, celui du SX70, modèle mythique des seventies, et uniquement en noir et blanc.
Au fil du temps, malgré un accueil apparemment mitigé par les photographes, la gamme de production s’élargit, pour proposer aujourd’hui 35 films différents, ainsi que des appareils d’époque restaurés et un appareil propre à la marque, The Instant Lab. Ce dernier permet de transformer des images digitales en photographies physiques.
Malgré d’évidents problèmes de qualité avec les nouveaux films, qui tendent toutefois à être résolus, il est évident que la mission entreprise par Impossible Project aura permise de ne pas rendre obsolète 200.000 millions d’appareils, comme expliqué dans un communiqué de presse.
Aujourd’hui, la frontière entre The Impossible Project et Polaroid est floue. En effet, la production de films instantanés d’Enschede, qui a atteint le million d’unité cette année, ne concerne que les anciens modèles de Polaroid, c’est-à-dire, les 600-Type, les SX-70 et les appareils de la gamme Image-Spectra. Le but étant d’assurer la pérennité de ces modèles.
Dès lors, qu’en est-il de la nouvelle génération d’appareils Polaroid? Le relance de la marque provient majoritairement du fait qu’elle a été rachetée par Zink, la société à la tête de la technologie d’impression sans encre. Ce rachat s’est fait simultanément à la fermeture des usines de production de films instantanés, et Polaroid s’est tourné vers le numérique de manière… instantanée. En effet, les nouveaux appareils comme le CZA-05300B et le Z2300B sont souvent perçus comme des appareils usant du même principe que leurs ancêtres, alors que le procédé est totalement différent.
Alors qu’un véritable film instantané utilise plus de 5000 interactions chimiques différentes pour se développer, la technologie Zink est basée sur un système de papier contenant des cristaux de couleurs. Lors de la prise du cliché, ce fameux papier est soumis à une tête d’impression chauffante qui le fait réagir pour obtenir le résultat voulu. Bien entendu, qui dit procédé différent, dit rendu différent. Il appartient à chacun de choisir le format qu’il préfère employer.
Il reste toutefois un appareil qui n’emploie ni les films de The Impossible Project, ni la technologie Zink. Il s’agit du PIC300, le modèle le plus ergonomique, économique et tourné vers la tradition de la marque vendu par Polaroid. Celui-ci fonctionne avec de véritables films à émulsion instantanée qui sont majoritairement fabriqués par… Fujifilm. Et pour cause, le Fuji Film Instax, qui peut apparaître comme le concurrent direct du PIC300, « loue » en réalité son film sous licence à Polaroid. D’où les similitudes quasi-parfaites entre les deux formats, qui se révèlent interchangeables, ce qui ne manque pas de susciter des questionnements chez les utilisateurs.
Polaroid et les réseaux sociaux
On peut attribuer le succès (re)naissant de Polaroid à plusieurs facteurs. Le premier est, sans aucun doute, la mode du vintage qui est apparue chez les nouvelles générations, ce qui ne manque parfois pas d’exaspérer ou de rendre incrédules « les vieux ». Un phénomène dépeint avec humour dans Le vintage, le monde expliqué aux vieux de Philothée Gaymard. Cet amour de l’ancien, qui a d’ailleurs également ressuscité l’argentique, le vinyle et pas mal de groupes de rocks dont on pensait ne plus jamais entendre les guitares.
Ensuite, alors que le numérique avait initialement porté un coup fatal à ce format, c’est également lui qui a aidé le Polaroid à faire son comeback. Et c’est essentiellement Instagram qui a remis au goût du jour, et à la disposition de tous, les filtres et les effets visuels inspirés entre autres du Polaroid, tout en revendiquant ouvertement d’être un descendant de cette tradition photo visuelle. Et cela se concrétise aujourd’hui, avec la sortie prévue cet hiver du Socialmatic, un appareil ultra-connecté qui allie l’impression instantanée et les réseaux sociaux
En plus de cette incorporation massive du numérique dans ses appareils photos, la marque produit également des télévisions, des lecteurs MP3 et MP4, des casques audio, des applications et accessoires pour smartphones ainsi que son propre modèle, des montres digitales des ampoules lumineuses et même des lunettes de soleil. Une façon comme une autre de se diversifier pour assurer ses arrières…
Un concept mis en avant par les stars
The Impossible Project revendique l’utilisation de Polaroid par Jack White, Taylor Swift et Lana Del Rey, ce qui « encourage leurs fans à opter pour des manières d’expressions plus tactiles, physiques et significatives dans ce monde principalement numérique ».
Il semblerait en effet que les stars éprouvent également un regain d’intérêt pour le fameux format. La cause principale de celui-ci: une volonté d’avoir un contrôle totale sur leurs photographies. En effet, en cette heure du tout numérique et de l’instantanéité de la diffusion des données, il est déjà arrivé de nombreuses fois que des images compromettantes, ou en tout cas personnelles, de célébrités fassent le tour du net, après qu’un petit malin ait réussi à se les procurer. On s’en doute, la plupart du temps ce fut le cas avec des images au contenu sensible. Dès lors, prendre une photo au format physique et la garder précieusement dans un coffre-fort procure une certaine sécurité aux célébrités qui estiment avoir le davantage à cacher. Le regain d’intérêt pour le Polaroid profite d’ailleurs également bien à certains artistes, qui usent de celui-ci pour vendre (un peu) mieux leur albums.
C’est notamment le cas de 1989 de Taylor Swift, qui est fourni, pour chaque copie physique, avec des imitations de Polaroid. Lorsque on sait que la chanteuse a vendu plusieurs millions d’exemplaires de celui-ci, il n’est pas dur d’imaginer les répercussions que peuvent avoir cette mise en avant sur l’image et les ventes de Polaroid. De manière générale, le Polaroid est largement associé à la pop culture et il apparaît dans de nombreux films, d’hier et ‘aujourd’hui, qui sont encore adulés par les adolescents. Il y a Memento de Christopher Nolan, bien entendu, mais aussi Thelma et Louise, Retour vers le futur, Beetlejuice…
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