Critique

[Critique ciné] Belladonna, trip érotique tout droit venu des seventies

Belladonna, d'Eiichi Yamamoto © DR
Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

ANIMATION ÉROTIQUE | Une perle sensuelle et psychédélique de l’animation japonaise nous revient en version restaurée. Superbe!

L’historien anticlérical et passionné d’érotisme Jules Michelet fit paraître La Sorcière en 1862. L’auteur d’une monumentale Histoire de la Révolution française en sept volumes présentait dans cet essai la figure de la sorcière comme une expression de la révolte populaire face à l’oppression, religieuse surtout. Il était loin d’imaginer que son texte controversé allait inspirer, un bon siècle plus tard, le plus étonnant des films d’animation des années 70 avec le Fritz the Cat de Ralph Bakshi d’après Crumb… Réalisé par un jeune cinéaste de 33 ans, Kanashimi no Beradona (littéralement « La Belladone de la tristesse ») est en fait le dernier volet d’une trilogie de films érotiques intitulée Animerama et produite par le studio Mushi Production avec Osamu Tezuka (par ailleurs auteur des précurseurs Astro, le petit robot et Princesse Saphir). L’action se déroule au Moyen Age, en Occident, et a pour héroïne une jeune femme prénommée Jeanne. Ayant épousé le modeste Jean, qu’elle aime à la folie, elle n’en sera pas moins la proie de puissants féodaux qui la livreront au viol collectif. Blessée dans sa chair comme dans son esprit, Jeanne recevra bientôt la visite du Malin. Un Diable à la forme de phallus et croissant progressivement en taille, qui prend l’âme de la jeune femme et emporte son corps vers des cimes de plaisir…

Féminisme

[Critique ciné] Belladonna, trip érotique tout droit venu des seventies

Avec ses formes sinueuses, ses couleurs à l’aquarelle, son sens éminemment subversif de l’érotisme et ses improvisations psychédéliques avec musique idoine, Belladonna ne saurait masquer son appartenance aux années 70 et à leurs quêtes révolutionnaires. Le film témoigne moins d’une possession diabolique que d’une libération sociale et morale, débouchant au final sur une amplification de l’exemple de Jeanne à toutes les femmes du peuple, auxquelles elle donne son visage. Une conclusion ouvertement féministe que d’aucuns jugeront datée, alors même qu’elle trouve aujourd’hui et malheureusement des résonances nouvelles, au sud de la Méditerranée mais aussi dans certaines de nos rues. Tant le monothéisme y confirme cruellement son obsession pour un ordre fondé sur la maîtrise et la sujétion du désir féminin… La restauration menée à bien par la société américaine Cinelicious restitue Belladonna dans sa splendeur originelle. La palette de couleurs, pâlie et délavée au fil du vieillissement de la pellicule, explose à nouveau en bouquet sensuel. On notera que le Diable du film a la voix de Tatsuya Nakadai, l’immense acteur qu’on put admirer entre autres dans Kagemusha, Ran, Entre le ciel et l’enfer et Hara-Kiri. Projeté chez nous à l’initiative fort louable des responsables du cinéma Aventure à Bruxelles, le film d’Eiichi Yamamoto connaîtra fin d’année une sortie au format Blu-ray. A ne pas manquer, en salle de préférence, où ce « trip » tout droit venu des seventies fait merveille!

D’EIICHI YAMAMOTO. AVEC LES VOIX DE TATSUYA NAKADAI, KATSUYUKI ITÔ, AIKO NAGAYAMA. 1H29. SORTIE: 16/11. ****

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