Retour sur les succès de la microsérie 18h30 (Arte)

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Nicolas Bogaerts Journaliste

Récompensée d’une mention spéciale au festival Séries Mania, la nouvelle saison de 18h30 (Arte) montre tout ce que le format court peut offrir de récits généreux et universels. Retour sur les succès d’une microsérie.

Qu’il s’agisse de diffusion numérique ou linéaire, les créations web et les formats courts en général peuvent être le terreau de nouvelles narrations, l’occasion d’explorer les formats par leurs interstices et leurs angles morts. Le festival Séries Mania, qui s’est déroulé du 18 au 25 mars dernier, l’a compris depuis des années, incluant dans son palmarès deux prix dans la compétition « Formats courts ». Cette année, la première place est revenue à Float, de Stef Smith, piquante série écossaise de la BBC qui suit les pas de Jade. Revenue dans son patelin natal après avoir fuit l’université pour d’obscures raisons, elle décroche un job de surveillante à la piscine locale et y retrouve une ancienne amie, Colette, pour qui elle a une profonde attirance. Sur fond d’histoire d’amour queer, de dialogues soyeux, de secrets cachés, d’humour doux-amer, Float prend pour cadre les relations de travail. Tout comme 18h30, websérie d’Arte signée Maxime Chamoux et Sylvain Gouverneur, également récompensée d’une mention spéciale par le festival, dans la même catégorie. La première saison a pris le monde par surprise en offrant à ses personnages, Éric (Nicolas Grandhomme) et Mélissa (Pauline Étienne), un sas de décompression entre bureau et privé, sous forme d’une plaisante balade discursive et amoureuse de 5 minutes. La nouvelle saison de cette microsérie de l’extra-quotidien réussit à renouveler notre curiosité pour des personnages attachants dont on pensait, à tort, tout savoir.

Retour sur les succès de la microsérie 18h30 (Arte)

Série méta

Suivant un twist de départ qui n’a rien d’un gadget, la deuxième saison de 18h30 devient une série méta. Une mise en abyme astucieuse qui dévisage Éric et Mélissa, en réalité Judith et Arnaud acteur et actrice d’un tournage sans cesse interrompu. Le prétexte à un nouveau chapelet de situations et de discussions fluidifié par une mise en scène habile et une écriture diligente, tendre et finement observatrice. « La nouvelle saison est assez spéciale, ce n’est pas une suite à proprement parler, commente Maxime Chamoux. Il fallait éviter que les spectateurs, en tout cas ceux qui avaient les débuts de 18h30 , ne se sentent pas dépossédés de leurs personnages qui, en quelque sorte, changent de masque. En termes de représentation du temps, la première saison s’appuyait beaucoup sur des ellipses qui laissaient un espace de non-dit entre les épisodes, à charge pour le spectateur de faire les liens. Ici, on a fait l’inverse, on a choisi d’être dans une densité temporelle, avec des événements qui se suivent de près, qui nourrissent une continuité. On veut montrer à quel point, dans certains contextes, il y a des catalyseurs de sentiments où les événements s’accélèrent de manière assez définitive. » Cette saison s’articule davantage sur les interruptions, les arrêts, les temps morts. Dans ces variations sur le thème du hiatus, il se passe en permanence quelque chose, ces mille et une situations de tous les jours, lieux communs, sujets de discussion reconnaissables qui forment un quotidien jamais lassant.  » On tenait à ce que ce ne soit pas perçu comme une saison sur l’envers du décor, celui d’un tournage, mais bien sur un couple au travail, poursuit Sylvain Gouverneur. Après la rencontre, viennent la séparation et l’impact de la fin de leur relation de couple sur leur travail, et vice versa. »

De l’intime à l’universel

C’est précisément dans ce quotidien magnifié que résident la grandeur de 18h30 et sa capacité à toucher tout un chacun. Maxime Chamoux rebondit:  » Judd Apatow dit que plus on est intime, plus on est universel. C’est vrai que nous trouvons beaucoup d’intérêt à travailler, creuser ces histoires qui semblent banales, qui n’ont pas une grande dimension dramaturgique de prime abord. L’idée, c’est d’en exposer le plus habilement possible les tensions, les enjeux et la caractérisation des personnages. Plus une situation est triviale, plus c’est un enjeu qui ouvre à une solution narrative intéressante, quelque chose de plus universel. » Dans ce registre, Pauline Étienne et Nicolas Grandhomme sont impressionnants de simplicité. Ils magnifient leurs silences ( » Le rien dit toujours quelque chose de la relation« , s’empresse d’ajouter Sylvain Gouverneur) et glissent d’un personnage à l’autre avec une expressivité corporelle d’une subtile éloquence. Soutenu par des seconds rôles plus récurrents (Ophélia Kolb et Augustin Shackelpopoulos), le duo rencontre d’autres personnages ponctuels hauts en couleur (dont un Thomas VDB élevant la notion de relou vers des contrées insolites) et qui portent l’humour au coeur du récit. Les plans-séquences de 18h30 conservent leur formidable humanité et, malgré leur modestie affichée, montrent une très grande maîtrise de l’écriture et du format court. « C’est une série modeste sur le papier, dit Maxime sans s’excuser. Ce n’est pas grand-chose, juste deux personnes qui parlent. Mais on voulait, tout en gardant cette cohérence, aller là où personne ne nous attendait. »

Mélissa (Pauline Étienne) et Éric (Nicolas Grandhomme) n'ont pas encore dévoilé toutes leurs facettes.
Mélissa (Pauline Étienne) et Éric (Nicolas Grandhomme) n’ont pas encore dévoilé toutes leurs facettes.

Ce registre nserré du micro-format, qui ne s’embarrasse pas d’un humour explicatif, permet e faire le pari de l’intelligence des spectateurs:  » Dans 18h30 , il y a cette envie de faire confiance au gens. Oui, ils vont comprendre les liens entre les personnages et les épisodes, sans qu’il y ait besoin qu’on leur indique tout, qu’on surligne tout. » L’art délicat de la discussion, la torpeur du non-dit, le surgissement soudain du rire ou du ricanement (à défaut de colère) sont amenés avec une profonde subtilité le long des quelques pas qu’Éric/Arnaud et Mélissa/Judith effectuent religieusement.  » L’idée de base, c’est toujours le trajet« , professe Sylvain Gouverneur. Comme une métaphore, le trajet de 5 minutes de 18h30 est un petit théâtre où s’engouffre une myriade de tranches de vie, petites touches impressionnistes d’un récit profondément humain.

18h30 (saison 2). Créée par Maxime Chamoux et Sylvain Gouverneur. Avec Pauline Étienne, Nicolas Grandhomme, Ophélia Kolb. Disponible sur Arte.tv. (****)

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