Cinq séries à rattraper avant l’été

Vincent Lindon intraitable dans D’argent et de sang, l’une des cinq séries à rattraper. © CURIOSA FILMS
Nicolas Bogaerts Journaliste

Il n’est pas trop tard pour rattraper tout ce que, ce printemps, les séries nous ont généreusement offert pour reconnaître et soigner nos plaies, et souvent en rire. Sélection en forme de top 5.

Chaque semaine, de multiples propositions sérielles débarquent en télé et sur les plateformes VOD. Dans la foisonnante production qui nous submerge, Focus Vif vous propose sa sélection de séries à rattraper.

D’argent et de sang

Minisérie créée par Xavier Giannoli (Be Tv)

Lorsque le gouvernement français décide, en 2008, de lancer le marché du carbone, assujetti à la TVA, se doutait-il qu’il allait permettre l’escroquerie du siècle? Cette question, parmi d’autres, traverse la suffocante série D’argent et de sang, adaptée du livre-enquête du journaliste de Médiapart Fabrice Arfi, qui avait exposé les dimensions bibliques de l’arnaque entourant cette taxe carbone. S’appuyant sur un casting ébouriffant (Vincent Lindon, Ramzy Bedia, Victoire Dubois), Xavier Giannoli en a composé un thriller cathartique, intense, questionnant au surplus les mensonges du libéralisme, de la main invisible du marché, de l’argent roi et des folies qu’il permet. Les douze épisodes nous entraînent dans l’ivresse nauséeuse d’une folle course au fric, nourrie de coups tordus, de provocations, d’humiliations et d’un sentiment de totale impunité, sous la coupole d’un système dérégulé où le mensonge est une drogue dure et où l’institution judiciaire rejoue la fable du lièvre et de la tortue. Sans concession, Giannoli a réussi une fiction ambitieuse, supérieurement éthique et ­parfaitement exécutée.

Mon petit renne

Minisérie créée par Richard Gadd (Netflix)

Mon petit renne © Ed Miller/Netflix

En racontant le comportement intrusif vis-à-vis de lui d’une femme frappée de troubles mentaux, Martha, le scénariste et humoriste Richard Gadd a fait plus que conter l’horreur du harcèlement: extirpant ses propres souvenirs, il a réussi à décrire la mécanique atrocement toxique de l’abus et de l’aliénation, ainsi que les chapelets de souffrance psychique qu’elle occasionne et, surtout, met en collusion. La description de la spirale perverse et horrifique dans laquelle Donny, son personnage, se retrouve entraîné est d’une efficacité infernale. Les récentes polémiques autour des libertés que Gadd a prises avec sa propre histoire, ou du harcèlement dont à son tour a été victime la femme dont le personnage de Martha a été tiré, ne peuvent occulter l’efficacité d’une série qui a souligné l’incapacité des autorités de se saisir de ce type de situation et notre impréparation collective à aborder ces problématiques. Car au bout des sept épisodes réalisés par Josephine Bornebusch et Weronika Tofilska, puissamment évocateurs, oscillant entre rire et terreur, notre regard a changé pour toujours.

Samuel

Série créée par Émilie Tronche (Arte.tv)

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Une feuille blanche et un crayon. C’est la recette miracle de la dessinatrice Émilie Tronche pour restituer toute la fragilité de l’enfance, de ses sentiments contrariés et de ses expériences merveilleusement poétiques. En offrant à Samuel, 10 ans, ses coups de crayon minimalistes, Émilie Tronche lui a aussi fait don de sa voix et de son immense sensibilité. Avec une tendresse déconcertante, elle égraine en 21 épisodes de 3 à 5 minutes les doutes et les miracles d’un garçon au cœur de cet âge évanescent et pourtant si éternellement marquant: son amour pour Julie, quand Bérénice veut, elle, être son amoureuse, son amitié avec Corentin, les adultes et leurs contradictions ou leurs manies, les émotions qui ne portent pas encore de mots précis, le goût de la neige, les excursions en autocar, les secrets déjoués. L’évolution du dessin, d’un épisode à l’autre, ouvrant le champ à plus d’espace et de détails, épouse très justement celle du personnage de Samuel et de son éducation sentimentale en cour de récré. Et on se surprend à vouloir, comme lui, retrouver la joie primaire de pouvoir danser sans jamais s’arrêter.

Parlement (saison 3)

Série créée par Noé Debré (en intégralité sur Auvio)

© FTV

Jouxtant l’absurde sombre de Kafka et la satire du pouvoir façon Labiche, cette sitcom politique a poursuivi sa veine douce-amère dans une troisième saison conduite le mors aux dents. Le jeune fonctionnaire Samy, qui fait ses classes dans les couloirs de Bruxelles à Strasbourg, peine toujours à contenir la désinvolture des eurodéputés et à réguler sa vie sentimentale. Alors qu’il tente de recoller les morceaux avec Valentine, l’accession de celle-ci au poste de commissaire européenne met du mou dans la corde à nœuds des relations entre Commission et Parlement. Tractations, coups bas, manipulations et coups de com’ nourrissent une intrigue qui parvient à se prémunir de toute accusation de poujadisme. Le scénario (collectif et inclusif, chapeauté par Noé Debré), les dialogues, le comique de situation brillamment rythmé et le traitement bien au fait des tensions du moment nourrissent l’idée d’une construction européenne complexe, noueuse, laborieuse, mais cruciale en ce qu’elle apparaît comme un des derniers laboratoires capables de cultiver l’espoir d’une coopération internationale. Dans le contexte actuel, ce n’est pas du luxe.

Bodkin

Série créée par Jez Scharf (Netflix)

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Arrivée par une porte dérobée sur la plateforme Netflix, cette comédie sombre comme la terre d’Irlande, dont elle est issue, est une des superbes surprises de cette saison pluvieuse. Un curieux appareillage, composé d’un podcasteur américain et de son assistante, flanqués d’une journaliste d’investigation délicieusement acidifiante, tentent d’élucider un cold case dans une bourgade côtière de l’île, Bodkin, dont les habitants se jouent bien de leur regard condescendant. La série tend son micro aux stéréotypes, aux biais de confirmation et aux crises identitaires ou aux traumas personnels et collectifs. Et déclenche au passage une pluie de situations outrageusement comiques, rocambolesques, absurdes, où chacun des personnages étale la profondeur de ses failles. Au sommet de cette galerie de tronches aussi perméables et denses que du granit trône la formidable Siobhán Cullen (vue dans The Split sur Arte) dans le rôle de Dove, la journaliste à l’acrimonie jubilatoire. Par sa nature faussement misanthropique et bizarrement rousseauiste, par ses tonalités anti-carte postale, Bodkin est une réjouissante réussite.

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