Bill Ryder-Jones entre ombres et lumière sur son nouvel album: « Cette fois, je voulais faire de la musique belle et forte »

Bill Ryder-Jones: “Je ne regrette pas ce que j’ai oublié. Je m’en souviens, j’imagine, si j’en ai besoin. La musique est très forte pour te ramener dans le passé. De manière dangereuse d’ailleurs parfois.” © Marieke Macklon
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

L’ancien guitariste de The Coral, Bill Ryder-Jones, ne respire pas la joie de vivre mais retrouve musicalement des couleurs sur son nouvel album Iechyd Da.

La dernière fois qu’on avait causé avec Bill Ryder-Jones, c’était à Gand dans le noir de son van dont il ne trouvait pas l’interrupteur. Cet hiver, le Liverpuldien depuis longtemps échappé de The Coral a fixé rendez-vous à Bruxelles, au studio ICP, où il bosse au service du groupe de Birmingham Swim Deep. “Il s’est passé beaucoup de choses depuis notre derrière rencontre il y a six ou sept ans. Et je dois dire que je ne me souviens pas de grand-chose. J’ai aidé pas mal d’artistes à accoucher de leurs disques. J’ai fait face à quelques séparations et souffert de quelques dépressions.

Du haut de ses 40 ans, Bill se voit moins désormais comme un singer-songwriter qui produit des albums que comme un producteur qui enregistre ses disques. “Ça va. Je le vis bien. La vérité, c’est que je dois gagner de l’argent. Et la production, c’est mon boulot, ma principale source de rentrée financière. Je ne me rappelle plus vraiment où j’en étais quand j’ai signé il y a dix ans chez Domino. D’où venait mon fric. De ce que je faisais de mes journées. C’est très étrange. Je n’ai ni plus ni moins d’argent qu’à l’époque. Je travaille juste beaucoup plus dur. Et j’aime cette activité. C’est peut-être d’ailleurs ce qui explique que mon nouveau disque est aussi dispersé.”

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Avec sa douce et mélancolique bonne humeur, ses papapapa à la Who Loves the Sun (sur I Know That It’s Like This Baby) et ses orchestrations à la Beach Boys/Beatles, Iechyd Da est en quelque sorte une réaction à son prédécesseur sorti il y a cinq ans déjà. “Yawn a été assez étouffant et pénible à jouer en concert, à vivre, à promouvoir. Le son était froid. Il ne m’a pas aidé à me sentir bien ou heureux. Je savais aussi que je voulais un truc plus ambitieux. Sur mes derniers disques, je ne prenais pas assez de risques. Je me montrais trop prudent. Cette fois, je voulais faire de la musique belle et forte. Pas des morceaux austères. Je suppose que je tenais aussi à ce qu’on entende que j’étais devenu un bon producteur. Que je pouvais rendre tout ça cohérent.

Enregistré à dix minutes de chez lui, dans son studio de West Kirby, le disque a été fabriqué pendant les trois dernières années. Il parle beaucoup de son ex-petite amie. Du moins de choses qu’ils ont faites ensemble. Comme d’habitude, Bill y partage des expériences qu’il a vécues et sur lesquelles il a cogité. “Ce qui change d’un album à l’autre, c’est ma manière de les habiller. Je voulais sentir un peu plus d’espoir. Un peu plus de lumière. J’aime toujours la musique sombre mais la majeure partie des trucs que j’adore est très positive en termes d’arrangements, de suites d’accords, d’émotions, de magie…” Ryder-Jones ne se sent pas pour autant plus heureux qu’il y a quelques années. “Non. Un grand putain de non. C’est même tout l’inverse. Cet album a été la seule chose qui comptait alors que tout s’effondrait. Je ne dois malheureusement pas chercher sur quoi écrire. Les choses m’arrivent. Mais je ne voulais pas juste parler d’addiction, de suicide… Bill a très mal vécu la pandémie.Ça a été une des cinq pires années de ma vie. Marquée par l’addiction, par la peur… C’est dur d’en sortir. Beaucoup de mes potes ont eu leur premier gosse, étaient en télétravail. Ils ont aimé. Mais ma copine et moi, on a un peu perdu la tête. Je me sens différent. Ça m’a changé. J’ai l’impression d’être resté coincé alors que le monde a avancé. J’essaie de ne pas trop y penser. Mais bon, depuis 20 ans, je souffre d’agoraphobie, de crise de panique, de stress post-traumatique, de ruminations obsessionnelles. Et c’est devenu encore pire depuis.

Gruff Rhys, The Pale Fountains et James Joyce…

Le Pays de Galles a toujours profondément marqué Bill. West Kirby n’en est séparé que par un peu d’eau et il y a souvent passé ses vacances. Iechyd Da signifie “santé” ou “porte-toi bien” en gallois. Ça a toujours été une terre magique pour moi. Ce langage m’est à la fois familier et étrange. En plus, Iechyd Da est le nom d’une chanson des Gorky’s Zygotic Mynci, mon groupe préféré. Des Gallois surtout actifs dans les années 90. Leur chanteur et songwriter principal, Euros Childs, joue maintenant dans Teenage Fanclub. Ils incarnent à mes yeux le mélange parfait entre la folie et la beauté pop.

Bill a quand même demandé la permission à Gruff Rhys (Super Furry Animals) avant d’utiliser le gallois pour le titre de son disque. “Les Gallois sont patriotes et nationalistes. Bien que mon père était gallois à la base, je reste plus un Anglais qu’autre chose. Je ne voulais fâcher personne. Et donc, j’ai demandé à Gruff. Si quelqu’un a un problème, il n’a qu’à aller le voir. C’est lui le roi. Il est amoureux de ce pays. Et je pense qu’il apprécie que je le sois aussi.

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Le frère de Bill y est mort, tombé d’une falaise, à l’âge de 9 ans. “C’était il y a 32 balais et ça reste la chose la plus importante qui m’est arrivée. J’aimerais bouger à Cardiff un jour. Notamment pour apprendre cette langue que je ne parle pas vraiment. Depuis quelques années, ma mémoire vacille… J’ai pris des cours après le premier confinement mais je buvais trop et bouffais des valiums. C’était dur. Je n’avais plus été à l’école depuis 20 ans.

Sur Iechyd Da, on peut entendre les cordes d’un vieux morceau disco, une chorale d’enfants et la voix de Michael Head des Pale Fountains qui déclame un extrait du Ulysse de James Joyce. “Je ne l’ai jamais lu. Je ne sais même pas ce que ce livre faisait dans mon studio. Quelqu’un a dû l’y oublier. Et comme Mick avait débarqué sans rien avoir préparé…This Can’t Go On sonne un mélange de Pulp et de vieux Mercury Rev. “Je me suis nourri de la musique que j’écoutais quand j’avais 15 ans. Les Gorky’s, les Beatles, Nick Drake, Pet Sounds, le Wu-Tang… Je n’ai pas besoin de nouvelles informations. Je veux me souvenir d’avoir été un adolescent. Ce moment d’insouciance où je pouvais monter dans un train tout seul avec mon Walkman, passer la journée à York, à Manchester ou Édimbourg.

Bill Ryder-Jones, Iechyd Da ***(*), distribué par Domino. Le 27/03 au Trix, Anvers.

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