Youssef Chahine, le révolutionnaire tranquille

Il semblait infatigable, l’ami Youssef Chahine. Toujours enthousiaste, ouvert à la rencontre, au dialogue, et très charmeur aussi. Au Festival de Cannes, où il était rare de ne pas le rencontrer (qu’il ait ou non un film en sélection), on était heureux d’avoir de ses nouvelles, de l’entendre évoquer ses projets, ses rêves. D’assister à ses coups de gueule, aussi, car il en avait… Petit par la taille mais grand par le talent, le cinéaste égyptien de Gare Centrale, Le Moineau, La Mémoire, Alexandrie pourquoi?, Le Sixième Jour et Le Destin nous a quittés à 82 ans, durant l’été 2008. Il nous revient aujourd’hui, grand bonheur, par la grâce d’un petit livre bleu et rouge contenant le long entretien qu’il eut pour France Culture avec Tewfik Hakem, en 2004. Le journaliste nous offre le verbatim des deux conversations enregistrées au Caire, et propose en prologue un hommage à l’oeuvre de Chahine, présenté sous forme de lettre au cinéaste. Le tutoiement adopté par l’auteur (ils étaient devenus amis) ne choque nullement, tant il s’inscrit dans la logique chaleureuse d’un artiste essentiellement humain. Un témoin de l’Histoire et des évolutions -y compris les pires- d’un monde arabo-musulman qu’il aimait mais critiquait aussi avec une liberté, un courage qui l’exposèrent parfois à certaines vindictes. Dans l’entretien, Chahine évoque la source de tout: son enfance dans une Alexandrie des années 30 très cosmopolite, loin des exclusives et des communautarismes qui allaient se développer sur les décombres des nationalismes post-coloniaux. La parole du cinéaste résonne avec force, dix ans après sa disparition. Chahine l’anticonformiste a encore beaucoup à nous dire. Ses films (une quarantaine au total) aussi!

Entretien avec Tewfik Hakem, éditions Capricci, 128 pages.

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