Hey! Ho! Let’s go…

"BattleScar n'est pas un jeu vidéo. C'est un film. Un film avec des chapitres. Il faut le regarder au casque pour pleinement l'apprécier."

Toujours à la pointe en matière de création audiovisuelle digitale, Arte propose avec BattleScar une promenade immersive avec deux adolescentes dans le New York punk des années 70.

13 mai 1978. Lupe, une jeune Américaine d’origine portoricaine de seize ans passe la nuit dans un centre de détention pour mineurs. Les flics l’ont embarquée parce qu’elle dormait dans un parc. Debbie, qu’elle rencontre en cellule, va lui faire découvrir la scène punk du Lower East Side et les rues aussi crades que dangereuses d’Alphabet City.  » Avenue A, tout va bien. Avenue B, vous êtes courageux. Avenue C, vous êtes fou. Avenue D, vous êtes mort » , disaient jadis les New-Yorkais de ce quartier populaire connu pour son insécurité et son impressionnant taux de criminalité. Ensemble, Debbie et Lupe vont piquer des instruments et créer un groupe de rock.

BattleScar utilise le journal intime de Lupe comme fil rouge à leurs aventures. BattleScar est une fiction animée qui propose du contenu narratif en réalité virtuelle et emmène dans les quartiers vérolés de la Grosse Pomme du temps où les Ramones faisaient trembler les murs du CBGB et du Max’s Kansas City…  » Pour moi, c’est un voyage. Une expérience. Un truc dans lequel les gens entrent et dont ils sortent. C’est un divertissement. On s’est surtout demandé comment utiliser le média pour raconter une histoire, explique Martin Allais, l’un des deux illustrateurs qui se cachent derrière cet ovni. On voit quand même très souvent la réalité virtuelle associée au futur. On a voulu l’utiliser pour regarder dans le passé. »

Martin travaille dans la pub. Il a des racines françaises, est originaire du Venezuela, a étudié la conception graphique et vit à Barcelone, où il a entamé sa carrière dans l’animation. C’était à l’occasion du festival de musiques électroniques Sonar, à jouer le VJ pour Diplo, Madlib et LCD Soundsystem…  » J’ai toujours été intéressé par la musique. Je collectionne les vinyles et les instruments. J’ai réalisé des clips (notamment pour Helado Negro). Je suis davantage branché musiques noires, hip-hop, soul, jazz, et je connaissais très mal le punk new-yorkais. Mais c’était une opportunité géniale de faire des recherches et de découvrir ce pan de culture. C’est Nico qui est venu avec l’histoire. »

Nico, c’est Nico Casavecchia. Un Argentin exilé à Los Angeles, son « partner in crime ».  » Il s’est davantage tourné vers le cinéma et a notamment réalisé le film Finding Sofia . Mais nos carrières s’entremêlent et nous avons le même état d’esprit. BattleScar est né dans sa tête. Il a acheté un casque, a commencé à écrire cette histoire et m’a parlé de réaliser un truc en VR autour de ces deux personnages. »

BattleScar est un récit au féminin.  » Punk was invented by girls », comme ils disent… « Just Kids de Patti Smith a été une grande source d’inspiration. La copine de Nico le lisait et n’arrêtait pas de lui en parler. On a aussi beaucoup fouillé dans les flyers, les photos, les pochettes de disques pour construire l’univers visuel. On voulait par ailleurs introduire un personnage réel, une référence mais pas trop célèbre non plus dans l’histoire. » Ils ont choisi Elda Gentile des Stilettos (un des groupes de Debbie « Blondie » Harry).  » Après, tout ça n’est qu’une fiction. Un fantasme. » BattleScar, récit initiatique, questionne la quête d’identité.  » On parle de deux ados qui essaient de se trouver. Il y a un truc qui résonne. Lupe est une immigrée, elle ne sait pas ce qu’elle veut devenir. Debbie et elle, c’est nous en filles. Puis, c’est aussi une réponse au paradigme de genre. »

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Vite et fort

L’accouchement ne s’est pas fait sans difficultés. Martin, qui a son propre studio d’animation, a commencé par bosser sur un prototype.  » Trente secondes pour voir à quoi ça pouvait ressembler. » Après avoir réfléchi à la réalité virtuelle et travaillé avec un incubateur à Los Angeles, ils se retrouvent au milieu du champ de bataille, à essayer de vendre leur projet dans des festivals tels que South By Southwest.  » On a rencontré le directeur du développement numérique d’Arte. C’était dans une fête. On était abattus, un peu frustrés. On allait laisser tomber. Parce que c’est compliqué de vendre un projet dans ce genre de rassemblement. On n’avait aucune expérience dans la VR. Aucun passé. Alors, tu imagines, deux gamins latinos qui essaient de te fourguer de la réalité virtuelle punk… »

Quelques partenaires, une subvention ( » Mes papiers français m’ont servi pour la première fois« ) et trois ans de développement plus tard, le récit est une ode moderne au punk des seventies. Il joue avec son imagerie, son look, sa typographie… BattleScar a été punk jusque dans sa fabrication.  » On a cherché à briser certaines règles et à faire le plus de choses possibles nous-mêmes. On voulait que ça aille vite. Que la musique aille fort. Que la typographie te guide dans l’expérience. À un moment, les producteurs nous ont dit que c’était trop rapide. Que les gens avaient besoin de temps pour découvrir l’univers. On leur a répondu qu’ils n’avaient qu’à regarder le film une seconde fois. Ça devait être court, viscéral pour marcher… La VR est souvent très contemplative. Tu restes super longtemps dans un endroit, tu ne sais pas ce que tu y fais. Ici, tu n’as pas le temps de réfléchir. Notre contribution au média, si on en a eu une, c’est cette vision de réalisateur. On t’emmène. On te dit là où tu dois regarder. On est assez fiers de ce langage. »

Dans la version anglo-saxonne de BattleScar, la voix de Lupe est celle de Rosario Dawson, qui a réalisé ses débuts dans Kids et avait été repérée dans les rues de Manhattan par Larry Clark.  » Elle nous a dit que ça lui faisait penser à son enfance. Elle est d’origine portoricaine. Elle a grandi au milieu du punk dans un bâtiment abandonné que ses parents ont retapé. » Vous reconnaîtrez peut-être dans la version française Jehnny Beth, la chanteuse de Savages. « BattleScar est disponible en ligne. Tu peux acheter l’expérience. Mais c’est un des problèmes pour l’instant de la réalité virtuelle, elle est difficile à monétariser. Peu de gens ont le casque… Ça va sans nul doute rapidement évoluer. »

BattleScar, disponible en version 6DOF sur Steam, Oculus Quest et Rift et en version vidéo 360° sur arte.tv/battlescar et YouTube.

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