Aux Musées royaux des Beaux-Arts, une exposition prestigieuse sur le surréalisme

Ce portrait de Guillaume Apollinaire peint par Giorgio De Chirico rappelle l’importance du poète dans l’Histoire du surréalisme: c’est sous sa plume qu’en 1917 le mot est attesté pour la fois. André Breton ne reniera pas sa dette en affirmant que le génie poétique d’Apollinaire lui éclipsait tous les autres. © Sabam Belgium, 2024 – Centre Pompidou, MNAM-CCI, dist. RMN-Grand Palais/ph: Adam Rzepka
Michel Verlinden
Michel Verlinden Journaliste

Au fil d’une scénographie claire, les Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique montrent comment le terrain du surréalisme a été préparé par l’avant-garde symboliste.

IMAGINE! 100 Years of International Surrealism, l’exposition proposée aux Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, offre une perspective élargie sur ce mouvement disruptif. Conçu à l’initiative du Centre Pompidou, le projet est d’ampleur, comme en témoigne son destin itinérant (jusqu’en 2026), qui fait écho à la vaste diffusion du surréalisme. Après son inauguration à Bruxelles -un privilège à mettre en lien avec la présidence belge du Conseil de l’Union européenne-, IMAGINE! aura les honneurs d’une tournée mondiale passant par les villes des différentes institutions partenaires qui articuleront chacune un parcours sensiblement différent. Après Paris en septembre, ce sera au tour de Madrid (Fundación Mapfré), puis d’Hambourg et sa Kunsthalle avant que, finalement, le Museum of Art de Philadelphie, mette un point final à l’aventure.

Outre la présidence européenne, un autre facteur a contribué à ce que la Belgique soit à la manœuvre pour rédiger le premier chapitre de cette saga transfrontalière. Celui-ci tient à la nature même de l’approche généalogique déployée par la curatrice Francisca Vandepitte qui, par le biais d’un accrochage limpide faisant la part belle à la peinture (environ 70% des 130 œuvres alignées), insiste sur les racines symbolistes du surréalisme. Interrogée sur place en plein montage, celle qui est également professeur à la VUB commente: “Le lien symbolisme-surréalisme, qui permet de voir comment on est passé du classicisme à une rupture aux conséquences déterminantes pour l’Histoire de l’art, est une porte théorique ayant été entrouverte par l’historien de l’art Philippe Roberts-Jones. Le présent événement est une occasion unique pour creuser cette proximité. Dans les différentes salles, des œuvres des deux courants sont juxtaposées de manière presque ludique. Le visiteur qui aime jouer pourra s’amuser à essayer de deviner le registre dont chaque pièce relève. Il est très facile de s’égarer.

Agencées selon dix thématiques -Nuit, Forêt, Paysages mentaux, Rêve et Cauchemar, Métamorphoses, Mythes…-, les multiples zones convoquent les techniques -le frottage, l’association libre…- ainsi que les forces ayant mené à la découverte de nouveaux territoires artistiques. Cette démonstration fait place à un panel varié d’œuvres allant de Khnopff à Ernst, en passant par les énigmatiques créatures sur fond apocalyptique de la Hongroise Judit Reigl ou l’onirisme raffiné de Valentine Hugo. Les temps forts? Certainement cette très polymorphe Poupée (1935-1936) d’Hans Bellmer, au croisement des pulsions de vie et de mort. Mais également La Chambre d’amis (1950-1952), exploration des méandres de l’inconscient signée Dorothea Tanning, ou l’hallucinant cycle d’eaux-fortes, révélateur de la nature obsessionnelle du désir, Paraphrase über den Fund eines Handschuhs (1877-1878), de Max Klinger. Sans oublier, ce tableau cosmologique de Jackson Pollock intitulé The Moon-Woman Cuts the Circle (1943) qui clôt l’exposition tout en annonçant le dripping, flux pictural libéré dont les contours confirment les promesses d’une liberté artistique rendue possible par le mouvement associé au nom de Breton. “J’aimerais que l’on évite d’invoquer le surréalisme quand quelque chose va mal en Belgique, il mérite mieux que ça, nous confiait Francisca Vandepitte lors de la visite. Pas de doute, IMAGINE! fait mesurer toute l’ampleur de cette subversion forgée par des cerveaux survoltés.

IMAGINE! 100 Years of International Surrealism ***1/2, du 21/02 au 21/07 aux Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, Bruxelles. www.fine-arts-museum.be

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