Star Wars et dérivés: The Mandalorian contre-attaque
Dernière en date des excroissances générées par la saga Star Wars, The Mandalorian vient d’entamer sa seconde saison sur Disney+. Zoom sur une galaxie en constante expansion.
L’on n’en a jamais fini de Star Wars, saga ayant connu une croissance exponentielle depuis son lancement sur les écrans américains le 25 mai 1977, « A long time ago in a galaxy far, far away…« , pour s’ériger en phénomène générationnel autant qu’industriel. À l’impact considérable sur la culture populaire de la mythologie déflorée par George Lucas dans A New Hope -« le film le plus influent de sa génération« , n’hésitera pas à décréter J.J. Abrams, réalisateur, près de 40 ans plus tard, de The Force Awakens, l’opus d’un salutaire retour aux sources-, est venu se greffer le changement structurel imprimé à l’industrie hollywoodienne, entrée à sa suite dans l’ère du blockbuster. Non sans opérer bientôt une mutation en profondeur, débouchant sur le paysage désormais familier d’une production dominée par les franchises, sequels, prequels et autres spin-off, en quelque modèle économique imparable.
Une galaxie hétéroclite
Ce phénomène, Lucas peut en être considéré comme l’un des instigateurs. Dernière excroissance en date de la saga, The Mandalorian, la série dont la seconde saison vient de débuter sur Disney +, s’inscrit dans la continuité d’une filmographie particulièrement fournie. Sortie entre 1977 et 1983, la trilogie matricielle (A New Hope – The Empire Strikes Back – Return of the Jedi) s’est ainsi enrichie, entre 1999 et 2005, d’une prélogie discutable (The Phantom Menace – Attack of the Clones – Revenge of the Sith). Avant que le rachat, en 2012, de Lucasfilms par Disney ne consacre le lancement d’une troisième trilogie, à savoir The Force Awakens, The Last Jedi et The Rise of Skywalker, le film qui clôturait, en 2019, l’aventure de la famille Skywalker. Soit, suivant le terme choisi par le réalisateur, un « canon », auquel sont venus s’ajouter, au fil du temps, une myriade de films dérivés (en plus d’un nombre incalculable d’autres produits, figurines, jeux vidéo, BD, romans et l’on en passe, achevant de composer un Empire lucratif).
Déclinant l’univers imaginé par le réalisateur d’American Graffiti sous des formes et supports divers, ces derniers forment une galaxie hétéroclite mais néanmoins cohérente. L’on y retrouve pêle-mêle des téléfilms (avec dès 1978 Star Wars Holiday Special, dont Lucas interdira toute diffusion tant il le jugeait médiocre, mais aussi L’Aventure des Ewoks et La Bataille d’Endor), des séries animées (Star Wars: Clone Wars (2003); Star Wars: The Clone Wars (2008), une série en images de synthèse qu’accompagne le long métrage éponyme de Dave Filoni; Star Wars Rebels (2014)…) ou encore les films animés de la franchise Lego (dont le dernier en date, Lego Star Wars Holiday Special est disponible depuis quelques jours). Et enfin les longs métrages sortis sous le label « A Star Wars Story », et s’attachant plus particulièrement à un événement ou à un personnage de l’histoire principale. Ainsi de Rogue One: A Star Wars Story, réalisé par Gareth Edwards en 2016, et gravitant autour d’un groupe de rebelles tentant de voler les plans de l’Étoile de la Mort, un spin-off venu donner un nouvel élan à la saga, et ayant reçu la bénédiction de fans pourtant sourcilleux. Mais si le succès sera au rendez-vous, il en ira autrement de Solo: A Star Wars Story, réalisé deux ans plus tard par Ron Howard, un opus revenant sur la jeunesse de Han Solo le temps d’une aventure rondement menée, mais dénuée de l’ampleur des épisodes historiques de la franchise. La réception sera (excessivement) sévère, le flop consécutif aux box-office international semblant en tout état de cause avoir eu raison de cette ligne de production, avant même la réalisation du troisième volet annoncé, qui devait être consacré à Boba Fett.
Réinventer le mythe
C’est dans ce contexte mouvant (il a encore été question notamment d’une série consacrée à Obi-Wan Kenobi, et d’une trilogie confiée à Rian Johnson, réalisateur entre autres de The Last Jedi), et alors même que la situation a été rendue plus incertaine encore par une épidémie de Covid-19 ayant rebattu les cartes à Hollywood comme ailleurs, que The Mandalorian est venu mettre tout le monde d’accord. L’idée d’une série en prise de vues réelles dérivée de l’univers Star Wars à destination des abonnés du futur service de streaming de Disney avait été évoquée fin 2017, le développement en étant confié à Jon Favreau (réalisateur de Iron Man, The Jungle Book et autre The Lion King).
Située cinq ans après Return of the Jedi et vingt-cinq ans avant The Force Awakens, l’histoire accompagne le Mandalorian, un chasseur de primes à qui un client aux motivations douteuses (incarné par un mémorable Werner Herzog) confie la recherche d’une créature âgée de 50 ans. Cette dernière s’avérant rapidement n’être autre qu’un bébé Yoda tout ce qu’il y a de plus craquant mais doué également d’un pouvoir étonnant suscitant les convoitises. Et l’improbable duo d’embarquer pour des aventures l’entraînant aux confins de la galaxie, au gré d’épisodes réalisés notamment par Dave Filoni, Bryce Dallas Howard, Taiki Waititi ou Favreau lui-même. Non sans renouer au passage avec l’esprit serial de la trilogie d’origine comme avec son imagerie, de multiples citations à l’appui, de la célèbre cantina au char des sables des Jawas… Le tout, en adoptant un format réjouissant de western galactique, agrémenté à l’occasion de divers détours -ainsi dans The Marshal, le premier épisode de la deuxième saison, ajoutant aux codes du genre, ceux du film de monstres, objet, pour le coup, d’une relecture explosive.
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Sa réussite artistique incontestable, la série la doit sans doute à sa capacité à concilier fidélité à la saga originale et volonté de la réinventer, à combiner accroche vintage et approche contemporaine, à revisiter le mythe tout en imposant son propre imaginaire. On y verra aussi, incidemment, la recette d’un succès commercial ne semblant pas près de se démentir, si l’on en juge par l’expansion continue de la plateforme dont elle est la tête de gondole, qui totalise désormais, pas même un an après son lancement, plus de 73 millions d’abonnés. Qu’une troisième saison soit en préparation tombe pour ainsi dire sous le sens -« Telle est la voie! », en mandalorien dans le texte.
Du propre aveu de Paul Duncan, l’auteur de cette somme (après celles dédiées, chez le même éditeur, à Charles Chaplin, Pedro Almodóvar ou James Bond), consacrer un nouvel opus à Star Wars relevait de la gageure: « J’avais l’impression que tout avait déjà été écrit et que je n’aurais rien de neuf à rapporter« , écrit-il. Mais si l’on aborde ces Archives recouvrant la trilogie originale sortie sur les écrans entre 1977 et 1983 avec le sentiment de s’aventurer en terrain familier, la magie opère bientôt, au détour d’une compilation inédite de documents et témoignages les plus divers. Pour composer cet ouvrage, Duncan a choisi de s’appuyer en priorité sur le point de vue de George Lucas lui-même, le noyau du livre résultant de leur(s) conversation(s) étendues sur trois jours. Et le lecteur d’embarquer pour un voyage remontant aux origines de la franchise, avant d’en accompagner le développement tout au long des quelque 500 pages d’un imposant volume déroulant systématiquement la chronologie des trois premiers épisodes -soit Un nouvel espoir, L’Empire contre-attaque et Le Retour du Jedi, ces films après lesquels le cinéma de science-fiction et la culture populaire ne seraient plus jamais tout à fait les mêmes.
Altruisme vs égoïsme
Passionnant, l’ouvrage l’est à plus d’un titre, s’attachant aussi bien à une vision d’ensemble du projet qu’aux moindres détails de la production. Revenant sur ses intentions initiales, Lucas explique notamment: « La mythologie et la narration nous donnent une chose à laquelle nous raccrocher. Quand nous avons onze ou douze ans, nous commençons à penser par nous-mêmes. Nous avons besoin d’élaborer un système compatible avec l’Église et les autres mythologies avec lesquelles nous avons grandi, mais dépouillé de leurs aspects triviaux. Nous avons besoin de quelque chose qui nourrit la compassion au détriment de l’égoïsme. Au bout du compte, Star Wars n’est pas plus compliqué que ça. Je brode d’autres motifs sur cette trame, mais le sujet est ce combat entre altruisme et égoïsme -les deux côtés- et nous naissons tous avec les deux en nous. Nous avons le pouvoir de choisir ce qui nous guidera. » Une réflexion parmi de nombreuses autres, qui encadrent une multitude d’informations embrassant les différentes facettes de la réalisation de la trilogie. Producteurs, comédiens, superviseur artistique, créateur des costumes, réalisateurs des épisodes V et VI… Il n’est guère d’intervenants dont les témoignages ne figurent ici, que Lucas relève à l’occasion d’anecdotes savoureuses -ainsi, échantillon parmi d’autres, lorsqu’il lui fallut annoncer à Alec Guinness que son personnage de Obi-Wan Kenobi devait disparaître: « Il n’avait pas envie de mourir. Je lui ai dit: « Vous êtes bien mort dans Le Pont de la rivière Kwai », refaites-le pour moi!« , manière élégante de faire passer la pilule. Soit une plongée sans équivalent dans le riche univers de Star Wars, rehaussée par une iconographie exceptionnelle où brillent tout particulièrement les travaux du concepteur visuel Ralph McQuarrie. Autant dire qu’il y a là ce qui ressemble à un ouvrage définitif.
- Star Wars: les archives, épisodes IV-VI, 1977-1983, anthologie de Paul Duncan, éditions Taschen, 40th Anniversary Edition, 512 pages. ****
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