The Large, un film à quatre mains
The Large adopte une configuration originale, associant Bouli Lanners et Tim Mielants à la réalisation. Explications.
À l’origine de The Large, le cinquième long métrage comme réalisateur de Bouli Lanners et son premier en langue anglaise, il y a son désir de tourner en Écosse, une terre qu’il connaît bien pour s’y rendre régulièrement depuis une vingtaine d’années, l’île de Lewis en particulier dont il est tombé sous le charme. L’intention initiale est d’adapter un roman de Peter May, originaire de Glasgow et auteur notamment de La Trilogie écossaise. Débarqué sur l’île pour mieux s’en imprégner et écrire le scénario, le cinéaste opte cependant pour une histoire originale: « M’installer à Lewis, arriver à rentrer dans l’intimité d’une communauté et dans une culture différente, découvrir le travail du croft, le fait de couper la tourbe, me rendre compte de l’extrême solitude dans laquelle vivent certaines personnes, tous ces éléments, combinés à la musique de Soulsavers et au paysage, ont bercé l’écriture. Et ce qui devait à l’origine être un thriller s’est transformé en histoire d’amour. »
Une affaire qui roule
Petite cause, grands effets, le projet ne changeant pas seulement de nature, mais aussi de configuration. Si Bouli devait, au départ, s’en tenir à la réalisation, il apparaît bientôt qu’il en serait également l’interprète masculin idéal. « Alors qu’on discutait du casting, Bouli a fait son coming out, sourit Jacques-Henri Bronckart, le producteur du film. À partir du moment où il était prêt à se lancer, c’est vite devenu une évidence. Ça correspondait à la sortie de C’est ça l’amour, et je pense que ça l’a un peu galvanisé. Il se sentait en confiance. » Et pour cause, le comédien se révélant particulièrement inspiré dans un registre qu’on ne lui connaissait guère, s’exposant vulnérable comme rarement devant la caméra de Claire Burger. Et s’ouvrant, l’air de rien, un nouvel éventail de possibles.
Si l’idée de l’associer à l’actrice irlandaise Michelle Fairley (la Catherine Stark de Game of Thrones) pour composer le couple de The Large s’impose rapidement, la perspective de devoir jouer et réaliser en anglais n’en semble pas moins peu réaliste. « J’avais déjà galéré sur Les Premiers, les Derniers à me diriger moi-même en plus des autres comédiens, alors en anglais!, s’esclaffe Bouli. Et puis, au sortir d’une réunion, l’idée de confier la réalisation à quelqu’un d’autre m’est venue comme un flash, et j’ai tout de suite pensé à Tim Mielants. » Entre le réalisateur anversois et celui d’Eldorado, la complémentarité est manifeste, comme ils ont pu le vérifier sur le tournage de De Patrick, où Bouli tenait un petit rôle. « J’ai bien aimé l’énergie qu’il mettait sur le film pendant les trois jours que j’ai passés sur le tournage. Entre les prises, on discutait, et il m’avait dit qu’écrire l’emmerdait, que ce qu’il appréciait surtout, c’était de se trouver sur un plateau et de réaliser. J’aimais bien la mise en scène de De Patrick et lui m’avait toujours dit qu’il considérait Eldorado comme un film culte, je savais qu’il connaissait mon cinéma. Il y avait des affinités au niveau des cadres, on appréciait les mêmes réalisateurs… Quand l’idée a germé de confier la réalisation, j’ai tout de suite pensé à Tim, un type pouvant travailler non pas comme un mercenaire, mais comme quelqu’un que l’on mandate pour faire un travail bien précis de mise en scène. »
En symbiose
Sur le plateau de The Large, leur connivence est évidente, à la mesure de leur confiance mutuelle. Comme ils se plaisent à le souligner, leur modus operandi s’est d’ailleurs imposé naturellement: « Nous fonctionnons en symbiose, explique Tim Mielants. Lorsque Bouli m’a contacté pour me demander de réaliser son film, j’ai été vraiment surpris. J’ai lu le scénario, qui m’a ému jusqu’aux larmes. Quand nous nous sommes revus pour en discuter, et que je lui ai fait quelques suggestions, j’ai constaté qu’il était très ouvert à la discussion. C’est alors que je me suis dit que ça allait fonctionner. »
Si Bouli Lanners s’est occupé de l’ensemble de la pré-production, du casting des comédiens au repérage des décors, il a voulu, à deux semaines du tournage, se concentrer sur son rôle, laissant les commandes du navire à son partenaire, qui a pu s’approprier le projet. Et s’abstenant par la suite d’intervenir sur le plateau, même si les deux hommes discutent des rushes, le protocole prévoyant encore qu’il reprenne les choses en mains au montage. Une affaire qui roule, Mielants apportant, en plus d’un savoir-faire nourri notamment de son expérience sur des séries comme Peaky Blinders, une vision artistique personnelle n’étant pas pour déplaire à Bouli. « Redécouvrir mon travail à travers le regard d’un autre est super étonnant, commente ce dernier, mais en même temps, c’est une aventure excitante, peut-être la plus puissante que je n’aie jamais faite. » « Bouli et moi avons un ressenti assez proche, poursuit son « associé ». Il nous arrive d’avoir des discussions, mais jamais sur des questions fondamentales, ou que nous ne puissions résoudre ensemble. Je pense qu’au final, nous arriverons à un résultat que nous apprécierons l’un et l’autre. Pour moi, c’est une rencontre merveilleuse, chacun faisant ce qu’il préfère. » Quitte à sacrifier un peu de son ego à la réussite du film. « La façon dont on a conçu ce film est peut-être plus proche de la série que du long métrage, conclut le producteur, comme si Bouli était le showrunner et Tim le réalisateur qui vient tourner. Il est dans une volonté de respect de ce qui constitue l’ADN du cinéma de Bouli, mais à côté de ça, il y met toutes ses tripes. » Manière de concilier au mieux sensibilité francophone et efficacité flamande? « Je suis un grand amateur du cinéma du sud du pays, conclut Mielants. S’ils devaient jamais se rejoindre, je me situerais au confluent de la Meuse et de l’Escaut! » Mieux qu’une boutade, une profession de foi…
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