Alerte rouge, le nouveau Pixar: « Le grand panda roux était une métaphore parfaite pour la puberté »

Mei et sa bande face aux affres de l'adolescence.
Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

Vingt-cinquième long métrage Pixar, Alerte rouge, de Domee Shi, raconte les tourments de Meilin Lee, une ado de 13 ans se transformant en panda roux géant quand ses émotions la submergent. Entretien et critique.

Signe des temps: comme Soul et Luca avant lui, c’est sur Disney+ exclusivement que l’on pourra découvrir, à partir du 11 mars, Alerte rouge (Turning Red en VO), le 25e long métrage des studios Pixar. Confié à la cinéaste sino-canadienne Domee Shi, le film raconte, dans le Toronto du début des années 2000, l’histoire de Meilin Lee, 13 ans et tiraillée entre ses tourments de jeune ado et le souci de ne pas déplaire à sa mère qui refuse de la voir grandir. Une situation tout sauf confortable que va venir corser une étrange disposition voulant que Mei se transforme en panda roux géant quand elle est submergée par ses émotions. Autant dire très souvent… Sans surprise, la réalisatrice, interviewée par Zoom, confie s’être inspirée de sa propre expérience d’adolescente « ringarde, maladroite et excessive » au moment d’écrire le scénario en compagnie de Julia Cho: « J’avais tout sous contrôle, et en une nuit, j’avais changé physiquement, et mes émotions et mes sentiments étaient devenus hors de contrôle. Moi qui étais tellement proche de ma maman la veille, je me disputais avec elle le lendemain. J’ai voulu remonter dans le temps et analyser ce qui m’était arrivé à cette période de ma vie. » Avec un maximum de fantaisie et d’imagination s’entend (lire critique ci-dessous).

Une métaphore de la puberté

Domee Shi a fait tout son parcours professionnel chez Pixar, où elle est notamment apparue au générique de Inside Out, The Good Dinosaur, Incredibles 2 et Toy Story 4. Ses débuts à la mise en scène, elle les a effectués en 2018 sur Bao, un coup d’essai aux allures de coup de maître puisqu’elle remportait dans la foulée l’Oscar du meilleur court métrage d’animation. Bao annonçait à certains égards Alerte Rouge, puisqu’il y était déjà question d’une relation entre une mère et son enfant (un dumpling prenant vie pour le coup). « Une relation mère-enfant induit beaucoup de drame, d’émotions et de complexité, poursuit-elle. À mes yeux, Alerte Rouge constitue en quelque sorte le successeur spirituel de Bao. Mais si ce dernier envisageait la relation du point de vue de la mère, j’ai voulu le faire cette fois du point de vue de l’enfant. Et explorer spécifiquement la dynamique complexe prévalant entre une mère et sa fille, et le fait que si elles sont fort proches, il y a aussi de nombreux accrochages: pourquoi faut-il que la personne dont on se sent la plus proche soit aussi celle avec qui on se dispute le plus? »

L’affichage de ce contenu a été bloqué pour respecter vos choix en matière de cookies. Cliquez ici pour régler vos préférences en matière de cookies et afficher le contenu.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.

Vaste question, au coeur d’un film tenant du teen movie au féminin mettant en scène Mei et sa petite bande, ses trois amies avec qui elle découvre un monde nouveau, les changements s’opérant en elle trouvant une expression imagée lorsqu’elle se transforme en panda roux géant… « Ce qui est amusant avec l’animation, c’est que l’on peut faire absolument tout ce que l’on veut, observe Domee Shi. Mais pour qu’une histoire puisse résonner avec le public, il faut toutefois qu’il y ait une bonne raison pour faire intervenir la magie. Il nous a semblé que le grand panda roux (red panda en VO, NDLR) serait une métaphore parfaite pour la puberté, avec un côté effrayant, gênant et rouge. Le rouge est une super couleur symbolique pour la puberté et le fait d’avoir ses règles, mais c’est aussi celle que l’on prend quand on pique une colère, ou quand on est amoureux de quelqu’un et que l’on rougit. Bref, cela semblait juste être un moyen parfait pour traduire ce par quoi était en train de passer Mei. Nous avons veillé à toujours garder cette métaphore à l’esprit en écrivant l’histoire, pour que, même quand le film devenait fou, on continue à tourner autour des émotions, de la perte de contrôle, des hormones. Cela nous permettait d’enraciner l’histoire au niveau émotionnel, même si elle prenait un tour assez délirant. »

L’affichage de ce contenu a été bloqué pour respecter vos choix en matière de cookies. Cliquez ici pour régler vos préférences en matière de cookies et afficher le contenu.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.

Pour donner forme à cette vision audacieuse, Domee Shi a laissé libre cours à un imaginaire inscrit au confluent d’inspirations orientales et occidentales, que le film hybride avec bonheur. « Dès le départ, Domee m’a dit qu’elle voulait que le film soit fort stylisé, et cela tant au niveau de l’animation et du design que des mouvements de caméra et de l’éclairage, explique la productrice Lindsey Collins. Il y avait ce désir que la stylisation opère à tous les niveaux et pas seulement pour l’animation. Le tout était de ne pas forcer, afin que les spectateurs ne cessent pas d’être investis émotionnellement aux côtés des personnages. » En quoi Alerte Rouge tient du modèle d’équilibre, tout en défrichant des horizons esthétiques inédits. « Mei est une fille orientale et occidentale à la fois, comme je le suis moi-même, enchaîne Domee Shi. Et cela vaut également pour mes influences artistiques: j’ai grandi en regardant des films d’animation Disney et des animes japonais, et ils m’ont inspirée à part égale comme artiste et comme animatrice, ce que l’on peut voir dans le film. J’adore le côté expressif des animes, avec des expressions faciales mais aussi des designs poussés pour refléter à tout moment ce que ressent un personnage. Cela me paraissait cool, intéressant et approprié de recourir à ce style pour raconter l’histoire d’une fille très émotive comme Mei. » Laquelle est donc l’héroïne de ce qui, 27 ans après Toy Story, est le vingt-cinquième long métrage sorti des studios de Emeryville. Et le second à peine réalisé par une femme cinéaste, Brenda Chapman ayant cosigné Brave il y a tout juste dix ans. « J’ai certainement ressenti une pression du fait de n’être que la seconde femme à piloter l’animation d’un long métrage, mais j’ai aussi ressenti le soutien et l’enthousiasme du studio pour cette histoire, conclut Domee Shi. Les changements prennent parfois du temps à être mis en oeuvre, mais je suis heureuse que nous en soyons arrivés là, Alerte Rouge n’étant qu’un des nombreux films Pixar et Disney à venir qui seront réalisés par des femmes. Je suis excitée par l’avenir.« 

Alerte rouge

De Domee Shi. Avec les voix de Rosalie Chiang, Sandra Oh, Ava Morse. 1h40. À partir du 11/03 sur Disney+.

Alerte rouge, le nouveau Pixar:

À 13 ans, Mei Lee est tiraillée entre le souci de faire plaisir à sa mère, l’ultra protectrice Ming, et le désir d’affirmer une indépendance qu’elle découvre avec ses amies Miriam, Priya et Abby. Et la bande de filles de goûter au chaos de l’adolescence, moment où Mei va avoir la désagréable surprise de découvrir que le trop-plein d’émotions a pour effet de la transformer en… panda roux géant. Oscarisée en 2019 pour Bao, Domee Shi décline, dans son premier long métrage, le teen movie au féminin, pour signer un savoureux récit d’apprentissage, à fleur de puberté et de crise d’adolescence. Le tout, sur un rythme enlevé, et suivant une esthétique qui emprunte aussi bien à la tradition Disney qu’aux animes japonais, en quelque exemple concluant d’hybridation.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content