Luca, le dernier Pixar, une ode à la différence au parfum de « dolce vita »

Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

Avec Luca, le dernier-né des studios Pixar, Enrico Casarosa investit la Riviera italienne à la suite de deux jeunes monstres marins s’aventurant sur terre sous les traits d’adolescents. Un récit initiatique enlevé. Rencontre et critique.

Les sorties se suivent et se ressemblent pour les productions Pixar, puisque quelques mois après Soul, c’est au tour de Luca d’être privé de salles de cinéma pour se voir réservé aux abonnés de Disney+. Un effet collatéral du Covid, bien sûr, que le réalisateur Enrico Casarosa envisage avec philosophie: « Évidemment, nous faisons ces films pour le grand écran, nous mettons tellement de détails et d’amour dans chaque image. Mais compte tenu des circonstances, ça permettra à un maximum de gens de voir Luca, c’est préférable à une sortie en salle dans de mauvaises conditions. Et les spectateurs pourront le regarder à plusieurs reprises, et découvrir ainsi les nombreux « easter eggs » que nous y avons disséminés, et qui risquent de leur échapper à la première vision » (rires). Tout en goûtant un peu plus encore aux charmes de la Riviera italienne et des Cinque Terre.

Bienvenue dans l’âge ingrat

C’est là, en effet, que se passe le film, un récit d’apprentissage mettant en scène deux jeunes monstres marins (n’ayant rien de bien effrayant), Luca, d’un naturel réservé, et Alberto, son nouvel ami, du genre fanfaron et casse-cou. Un duo qui va vivre des aventures mouvementées après avoir décidé de se risquer dans un petit village, se métamorphosant en adolescents sitôt sortis de l’eau. Cette histoire, le réalisateur en a puisé l’inspiration dans ses souvenirs personnels, ayant grandi à Gênes avant de partir étudier l’animation aux États-Unis et de rejoindre les studios Pixar en 2002 -il y a travaillé dans divers départements sur des films comme Ratatouille, Up ou Coco. « Je suis né à Gênes, et j’ai fait la connaissance de mon meilleur ami à onze-douze ans, l’âge auquel on commence à explorer le monde. J’étais timide, un brin surprotégé par ma famille, tandis qu’il se sentait libre d’agir comme bon lui semblait, avec un côté turbulent. Nous avons vécu des aventures qui ont représenté autant de défis pour moi, à cet âge particulièrement intéressant où l’on essaie de découvrir qui l’on est et de grandir. Nous allions passer nos étés sur la Riviera, avec ces falaises et des eaux superbes, un endroit singulier pour lequel j’ai toujours éprouvé un profond amour, et il m’a semblé que ce serait le cadre idéal pour un film. » À ce noyau central de l’histoire est bientôt venu se greffer l’élément fantastique, à savoir ces « monstres » dont Enrico Casarosa raconte qu’ils ont notamment été inspirés par les créatures figurant sur les cartes anciennes, avec l’imaginaire et la notion d’inconnu qu’elles charrient. Non sans traduire l’instabilité liée à l’âge ingrat, et ce sentiment de n’être nulle part vraiment à sa place. Et le film d’être raconté à hauteur de jeunes ados, avec ce que cela suppose encore comme innocence.

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L’époque, elle, c’est celle du tournant des années 60, dont Luca réussit à restituer l’humeur insouciante, et jusqu’au parfum ensoleillé. À cet effet, plusieurs membres de l’équipe de production se sont rendus sur place, histoire de s’imprégner de l’atmosphère particulière des lieux, Casarosa puisant pour sa part dans son goût pour le design vintage des Vespa et autres Fiat 500, et son amour du cinéma italien de l’époque, les films de Fellini et De Sica en particulier, pour donner au film sa coloration définitive. « Nous voulions capturer le charme d’une petite ville italienne, et d’un certain art de vivre. Et situer l’histoire dans une époque un peu révolue permettait de la rendre intemporelle également« , observe-t-il.

Les aventures de Luca et Alberto, bientôt rejoints par la spittante Giulia, avec qui ils composent l’équipe des « underdogs », parlent ainsi à un éternel adolescent que l’on pourrait comparer à celui d’un Stand by Me par exemple. « C’est un âge auquel on a toujours l’impression d’être un peu un outsider, souligne le réalisateur. J’espère que chacun pourra rattacher à cette histoire le sentiment d’altérité qu’il a pu lui-même éprouver, et l’interpréter de manière personnelle en fonction de ce qu’il y a projeté. L’amitié, c’est aussi s’accepter avec nos différences. » Un précepte naturellement propice à de multiples métaphores. « Un thème sous-jacent du film, relève la productrice Andrea Warren, c’est que l’on est là en présence de deux groupes, les humains et le peuple des mers, qui se désignent mutuellement sous le terme de « monstres », parce que leurs relations sont dominées par la peur. Luca réussit à établir un pont entre eux, et s’il y arrive, c’est par sa curiosité, et sa volonté d’apprendre sur leurs différences. » Une leçon toujours bonne à prendre, venue apporter un surcroît de saveur à cet été délicatement enivrant.

Luca ***(*)

Animation. D’Enrico Casarosa. Avec les voix (VF) d’Aloïs Le Labourier, Matt Mouredon, Juliette Davis. 1 h 36. Disponible sur Disney +.

Luca, le dernier Pixar, une ode à la différence au parfum de

Dix ans après La Luna, le court métrage qui le révélait en 2011, une nomination aux Oscars à la clé, Enrico Casarosa franchit le cap du long avec Luca, un récit initiatique situé dans une petite localité de la Riviera italienne, à l’orée des années 60. Soit l’histoire de Luca, un adolescent timide qui, au contact d’Alberto, son nouvel ami intrépide, va aller de découverte en découverte, trouvant par ailleurs en l’espiègle Giulia une alliée de choix dans la rivalité qui les oppose au redoutable Ercole, le caïd du village. Et de vivre un été d’autant plus inoubliable que Luca et Alberto sont en réalité deux des (gentils) monstres marins peuplant les eaux de Portorosso, que les pêcheurs locaux traquent sans relâche… Dernière production en date des studios Pixar, Luca n’a sans doute pas l’audace d’un Soul. Pour autant, cette histoire d’amitié doublée d’un récit d’apprentissage invitant à se frotter au monde ne s’en avère pas moins délicieuse, ode à la différence dispensant un irrésistible parfum de « dolce vita » auquel on succombe avec le sourire.

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