Wet Leg: « Un journaliste nous a demandé si on n’était qu’un one hit wonder. Comment peut-on poser des questions pareilles? »
Venu de l’île de Wight, Wet Leg balance avec humour et insolence un coup de pied dans la fourmilière du rock anglais. Girls just want to have fun…
Bruxelles. Un mercredi de février. 10 heures 30 du matin. Les bureaux de V2, sur le quai au Foin. Plus besoin de test PCR, ni même de vaccin… La vie reprend doucement son cours. Et avec elle la liberté de circulation si chère à la Déclaration universelle des droits de l’homme. Première journée de presse internationale depuis un bail. Les filles de Wet Leg sont venues d’Angleterre vendre leur premier album. Elles sont d’ailleurs déjà au boulot. Avant de se frotter à la faune locale, elles répondent chacune de leur côté par téléphone aux questions de journalistes japonais. Wet Leg, c’est Rhian Teasdale (chant, guitare) et Hester Chambers (guitare, chant). Un tandem sympa de girls next door et un tube de rock comme on n’en fait plus. Chaise longue: 12 millions et demi d’écoutes sur Spotify, plus de 3 millions de vues sur YouTube et l’adoubement d’Elton John, Iggy Pop et Dave Grohl. Pas mal pour de modestes inconnues. Pour certains, c’est le meilleur premier single d’un groupe depuis I Bet You Look Good on the Dancefloor d’Arctic Monkeys. Qui dit mieux?
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« Un journaliste nous a demandé si on n’était qu’un one hit wonder, remarque Rhian, si on pensait sortir un deuxième album. Comment peut-on poser des questions pareilles? C’est assez grossier et vexant. » Le premier qui sort ces jours-ci est moins un disque de post-punk que de pop indé bien torchée. Excusez du peu, les filles l’ont enregistré avec Dan Carey, boss du label Speedy Wunderground et gourou de tout ce que la scène londonienne compte de plus intelligent et/ou excitant (Squid, Black Country New Road, Warmduscher, Kae Tempest…). « On n’avait aucune expérience. On a enregistré l’album avant même la sortie de notre premier single. On n’avait d’ailleurs encore donné qu’une petite poignée de concerts. C’était intimidant. Le syndrome de l’imposteur en quelque sorte… »
Tout a été très vite pour les jeunes femmes de Wet Leg. Elles ont signé avec un manager londonien célèbre en mai 2020 alors qu’elles n’avaient encore rien publié. Et le label Domino les a invitées à rejoindre l’écurie six mois plus tard sur la foi de quatre morceaux entendus sur un Soundcloud privé. Tout ça en venant du trou de cul du monde. Un bout de terre qu’on rejoint en ferry, l’île de Wight. 141.000 habitants. 384 kilomètres carrés. Un décor bucolique. Des falaises blanches, des cottages victoriens. Le lieu de naissance de Ray Cokes, de Jeremy Irons et de Level 42. Puis aussi le plus grand festival de son époque au tournant des années 60 et 70, dernière poussée de flower power et ultime souffle d’un rêve hippie maintenant consumé. L’événement a fini par renaître de ses cendres en 2002. Mais l’île n’est pas pour autant une terre de rock’n’roll. Elle est même souvent zappée des itinéraires de tournée…
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Cardi B, Mean Girls, Vincent Gallo…
Régime à base de plage, camping et barbecues… Teasdale et Chambers se sont rencontrées à l’Isle of Wight College, où elles ont étudié le fonctionnement de l’industrie musicale. Rhian, la brune, est la fille de gens du bateau. Son père et sa mère travaillent dans la marine marchande. Elle a vendu des glaces, été assistante costumière à Londres dans le milieu de la pub. Hester, la blonde timide, avec une toute petite voix quasi inaudible, est issue d’une famille de bijoutiers qu’elle épaule à ses heures perdues. Quand elles ont commencé à faire de la musique ensemble, elles avaient 22 et 23 ans mais jouaient déjà chacune de leur côté depuis quelques années. Teasdale a enregistré sous le nom de Rhain entre 2016 et 2018 et sorti digitalement Oscar November Echo EP, sur lequel on croise John Parish à la batterie. Un univers onirique quelque part entre Perfume Genius et Björk. Chambers, elle, a mis en boîte quelques démos et repris le Wicked Game de Chris Isaak sous le nom d’Hester and The Red Squirrel.
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Les Anglaises citent le Velvet Underground, Joanna Newsom, Devendra Banhart, David Bowie, Nick Drake ou encore Laura Marling comme premières amours. Elles sont aujourd’hui plutôt à ranger du côté d’une Courtney Barnett et de Dry Cleaning -autre récente sensation britannique qui a un faible pour le parlé chanté-, d’ESG et du Delta 5…
Entre deux interviews, les filles de 28 et 29 printemps se prennent dans les bras comme des adolescentes en cour de récréation. Elles n’ont pas grand-chose à dire. Ou plus probablement n’en ont-elles pas envie. Une lassitude (déjà) des obligations promotionnelles? Un manque d’assurance planqué derrière une carapace de nonchalance et de coolitude? Teasdale et Chambers auraient décidé de monter Wet Leg dans une grande roue après avoir assisté à un concert d’Idles en festival. « Idles dégage une incroyable énergie et a le don de ne pas se prendre au sérieux. Ça nous parlait. » Parce que si elles chantent le challenge d’être une fille de la classe moyenne à l’approche de la trentaine, c’est définitivement avec le sens de l’humour. Avec des références à Mean Girls (« Would you like us to assign someone to butter your muffin« ) ou encore à Vincent Gallo et à son film Buffalo ’66.
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« What makes you think you’re good enough to think about me when you’re touching yourself? » Wet Dream parle d’un ex qui a cru bon de faire savoir à Teasdale qu’il avait rêvé d’elle. La parole s’est libérée. Profondément marquées par le WAP de Cardi B avec Megan Thee Stallion, Wet Leg ose chanter le sexe comme des filles le font rarement. « Vu la cadence à laquelle on m’en parle, c’est que c’est moins anecdotique que je le pensais. » Comme Wet Leg et son premier album en fin de compte…
Wet Leg, distribué par Domino. ****
Le 15/05 aux Nuits Botanique, le 04/11 au Trix (Anvers).
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