Critique | Musique

Sur Songs of Experience, U2 essaie des choses… et se perd

U2 © DR
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Tout au long de son quatorzième album, U2 tente des choses, mais sans jamais vraiment retrouver l’inspiration. Ni le fil conducteur.

En lançant leur groupe juste après que le punk a tout rasé sur son passage, U2 était au premier rang pour voir le rock commencer à bégayer. Cette histoire, les Irlandais la connaissent bien. Depuis toujours, elle les obsède. Plus d’une fois, Bono et ses camarades ont vu leurs héros peiner pour rester pertinent. Comment ne pas perdre eux-mêmes la main? A fortiori quand on est présent depuis si longtemps? Comment avancer, sans céder au cynisme, mais en mélangeant la lucidité et une certaine naïveté? Ce sont précisément ces questionnements qui leur ont permis de se renouveler plus d’une fois. Mais c’est aussi ce qui est aujourd’hui en train de les faire vaciller.

Sur Songs of Experience, U2 essaie des choses... et se perd

En 2014, le groupe avait ainsi tenté de s’accrocher aux nouveaux modes de diffusion, en « offrant » son nouvel album, Songs of Innocence, à tous les titulaires d’un compte iTunes. Une opération marketing 2.0 qui se transforma en flop quand certains commencèrent à dénoncer la méthode jugée trop intrusive. La tournée qui suivit fut toutefois un succès.

Plus récemment, U2 est encore reparti sur les routes, mais pour fêter cette fois les 30 ans de la sortie de The Joshua Tree. L’exercice aurait pu passer pour de la simple nostalgie, mais Bono a insisté: si le groupe cédait à la rétromania, c’était pour mieux illustrer à quel point les tourments de l’époque faisaient écho à la situation actuelle. Et, soyons honnêtes, pour ceux qui ont pu assister au concert en août dernier, au stade Roi Baudouin, le résultat était plutôt convaincant.

Usine à gaz

C’est ce même désir de coller à l’époque qui a justifié de reporter plusieurs fois la sortie du nouveau Songs of Experience. L’album aurait dû en effet succéder beaucoup plus rapidement au premier volet. Bono ne se voyait cependant pas faire l’impasse sur les derniers bouleversements de l’actualité (le Brexit, l’élection de Trump, …). Avec l’idée in fine de retrouver une certaine « urgence »? Si c’est le cas, le défi est plutôt loupé.

Comme rarement auparavant, U2 semble en effet manquer de ligne de conduite. Sans doute les multiples allers-retours en studio des morceaux n’y sont pas pour rien. Neuf producteurs différents -de Jacknife Lee au vétéran Steve Lillywhite en passant par Paul Epworth (Adele)-, et une quinzaine d’ingénieurs se sont ainsi penchés sur les nouveaux morceaux. Avec pour résultat, un disque peu inspiré qui semble lorgner aussi bien vers Coldplay que sur The xx (le poussif Red Flag Day, évoquant le drame des migrants en Méditerranée), The Arcade Fire ou Bon Iver (l’auto-tune de Love Is All We Have Left, plutôt réussi en entrée). À ne pas vouloir paraître dépassé, U2 donne surtout l’impression d’avancer sans vrai plan de bataille. Sur American Soul, le groupe laisse par exemple le rappeur Kendrick Lamar introduire le morceau avant de se lancer dans un plan à la Black Keys, enchaînant avec un refrain paresseux, calqué sur Vertigo« You and I are rock and roll! », s’époumone très sérieusement Bono. Il est l’illustration même d’un disque qui essaie des choses, certes, mais sans jamais trouver de proposition cohérente. Ni consistante.

U2, « Songs of Experience », distribué par Universal. **(*)

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