Lucrecia Dalt, Fishbach, Black Lips, Mariah The Scientist : on écoute quoi cette semaine?

Lucrecia Dalt a sorti l’un des disques les plus passionnants de la rentrée. © D.R.
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Les escapades avant-pop de Lucrecia Dalt, les extravagances de Fishbach, les amours de Mariah The Scientist… Retour sur les sorties qui squattent les playlists de Focus

1. Lucrecia Dalt – A Danger to Ourselves

Entre poussées électro, éléments folk et visées plus expérimentales, Lucrecia Dalt adore s’aventurer jusqu’aux confins de la pop. En 2022, la Colombienne sortait l’album ¡Ay!. Salué unanimement par la critique, le disque suivait vaguement l’itinéraire d’un alien baptisé Preta, en visite sur la Terre. Sur son nouvel opus A Danger to Ourselves, Dalt n’abandonne pas ses visées surréalistes, mais cette fois, sa musique se ­nourrit de flottements plus personnels.

L’affichage de ce contenu a été bloqué pour respecter vos choix en matière de cookies. Cliquez ici pour régler vos préférences en matière de cookies et afficher le contenu.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.

Epaulée par son compagnon, le tout aussi aventureux David Sylvian (dont on peut entendre la voix profonde sur le titre d’entrée, cosa rara), la musicienne malaxe percussions et nappes de synthé, rappelant éventuellement une Tom Waits électronique (the common reader, avec Juana Molina). Passionnant, A Danger to Ourselves est le genre de disque à la fois sinueux et accessible, étrange et émouvant (le troublant hasta el final). ● L.H.

Distribué par RVNG Intl.
La cote de Focus : 4/5

2. Fishbach – Synth Val

De la vague French pop, essentiellement féminine, qui a déferlé au milieu des années 2010, elle est un peu l’électron libre. Jamais snob, ni inaccessible. Mais «originale» et «décalée». Ou pour reprendre ses mots, un peu «de traviole»… Après un premier EP éponyme en 2015, Flora Fishbach a sorti A ta merci, en 2017, et Avec les yeux, en 2022. Deux albums où, pour être clair, il était moins question de titiller les héritages de Françoise Hardy ou ­Véronique Sanson, que de raviver les excentricités des Rita ­Mitsouko. Quitte à flouter au passage les barrières entre bon et mauvais goût, rappelant aux plus anciens ici les fantômes de Desireless, là les solos FM des Scorpions… Au fil des années, les premiers frissons de la hype se sont estompés (tant mieux). Mais sa joyeuse excentricité s’est confirmée.

L’affichage de ce contenu a été bloqué pour respecter vos choix en matière de cookies. Cliquez ici pour régler vos préférences en matière de cookies et afficher le contenu.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.

La preuve avec Val Synth, nouvel album de huit morceaux (dont deux instrumentaux), court mais généreux, majoritairement tourné vers le club. Il démarre avec Rends-moi ma vie et ses claviers sexy dark façon OMD (ou Baltimora?). Et se termine avec Dulcimers, instrumental techno sous influences new beat. Entre les deux, on tombe sur La Machiavela, extravaganza mixant yodel, Klaus Nomi, la Castafiore et les Sparks. Ou sur Meryl Streep libre et ses synthés à la Vangelis. Egalement comédienne, Fishbach rend encore hommage à Jean Reno. Mieux: l’acteur du Grand Bleu apparaît carrément sur le morceau intitulé Comme Jean Reno. Hirsute, slalomant joyeusement entre «huitième degré et sincérité pure», Val Synth est donc ce disque de club un peu queer, un peu braque, joyeusement foutraque. Certainement pas parfait, non. Mais totalement jouissif. ● L.H.

Distribué par Creature.
La cote de Focus : 3,5/5

3. Boo Boos – Young Love

Un beau jour, tard le soir, à Los Angeles, alors qu’il écoutait la station de radio américaine KCRW, Mark Oliver Everett tombait sous le charme d’une chanson et d’une voix. Il se laissait envoûter par I Stay, You Stay des 79.5 et par le timbre doux de Kate Mattison. Une playlist pour Radio L’envie dans laquelle il manifestait son amour, et un dialogue à distance plus tard, voilà le premier album des Boo Boos.

L’affichage de ce contenu a été bloqué pour respecter vos choix en matière de cookies. Cliquez ici pour régler vos préférences en matière de cookies et afficher le contenu.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.

Avec Young Love, le chanteur d’Eels et la New-Yorkaise d’adoption originaire d’une petite ville minière de l’Ohio s’offrent un disque en tandem aux charmes vintage qui joue avec la pop, la country, la soul et le vieux rock’n’roll comme en déversent les juke-box dans les rades qui jouxtent la Route 66.  That’s Not A Thing et son côté Where Did You Sleep Last Night. The Toughest Bitch I Know avec ses bottes de cowboy (and girl) ou encore le tout beau Stumbled guidé au piano… A défaut de convaincre de bout en bout, Young Love propose quelques jolis moments dans la veine du duo composé par Isobel Campbell et Mark Lanegan mais en moins habité.● J.B.

Distribué par Pias.
La cote de Focus : 3/5

4. Mariah The Scientist – Hearts Sold Separately

Mariah the Scientist a bien mérité son surnom. Avec ­la patience d’une entomologiste, l’ex-étudiante en biologie de la  St. John’s University de New York observe, analyse et décortique obstinément son seul et unique objet d’étude: les relations amoureuses. C’est toujours le cas sur Hearts Sold Separately, son quatrième album, dense et langoureux.

Aux Etats-Unis, Hearts Sold Separately a grimpé au sommet du classement r’n’b. Une première pour Mariah the Scientist. Les mauvaises langues diront probablement qu’une certaine curiosité malsaine a joué: en couple avec Young Thug, la chanteuse s’est régulièrement rendue au tribunal pour supporter le rappeur lors de son procès très médiatique –accusé d’avoir participé à «une activité criminelle organisée», Young Thug a finalement été condamné à quinze ans de mise à l’épreuve. Si l’affaire donne forcément un autre relief au propos du disque –«It’s been at least 300 days…», se languit l’intéressée sur Sacrifice–, Hearts Sold ­Separately est d’abord et avant tout un nouveau tour de force de Mariah the Scientist.

L’affichage de ce contenu a été bloqué pour respecter vos choix en matière de cookies. Cliquez ici pour régler vos préférences en matière de cookies et afficher le contenu.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.

A ses côtés, Nineteen85, moitié du duo r’n’b Dvsn et beatmaker reconnu (les tubes Hotline Bling ou One Dance pour Drake) a amené sa patte sur un disque qui ne cache pas son goût pour les sonorités eighties. C’est assez évident sur un titre comme More ou encore sur United Nations + 1000 Ways to Die. Comme sa collègue Kali Uchis – ici en duo sur Is It a Crime (un clin d’œil à Sade?)–, Mariah the Scientist aime réinjecter une certaine idée quasi vintage du romantisme. Pas question de réactiver d’anciens rôles ou de s’empêtrer dans des ­relations toxiques. Mais à une époque où la solitude est devenue une épidémie –signalée comme problème de santé publique par les autorités américaines–, la soldate Mariah ne veut pas abandonner le terrain amoureux. Même, voire surtout, si celui-ci ressemble souvent à un champ de bataille. ● L.H.

Distribué par Sony.
La cote de Focus : 3,5/5

5. Ami Taf Ra – The Prophet and the Madman

Originaire du Maroc où elle est née et aujourd’hui basée à Los Angeles, Ami Taf Ra s’affirme comme l’une des nouvelles voix du jazz spirituel et de l’avant-garde californienne. Sur son premier album solo, The Prophet and the Madman, sorti sur le label Brainfeeder fondé par Flying Lotus (le petit neveu d’Alice Coltrane), la chanteuse use et abuse d’une voix dramatique et pleine d’emphase pour célébrer le mariage céleste de la tradition et de l’innovation.

Composé, arrangé et produit par la jeune femme en compagnie de Kamasi Washington, The Prophet and the Madman a été enregistré avec l’aide du tromboniste Ryan Porter, du bassiste Miles Mosley, du batteur Ronald Bruner Jr et du multi instrumentiste Brandon Coleman. Mais il a surtout été inspiré par l’écrivain, poète et artiste visuel libano-américain Kahlil Gibran qui invitait à l’élévation et à l’épanouissement de soi ainsi qu’à la culture de la paix, faisant de son art un lien entre l’Orient et l’Occident. Un disque sacrément prometteur même si par moments indigeste et un peu trop grandiloquent.

L’affichage de ce contenu a été bloqué pour respecter vos choix en matière de cookies. Cliquez ici pour régler vos préférences en matière de cookies et afficher le contenu.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.

Distribué par Brainfeeder.
La cote de Focus : 3/5

6. Black Lips – Season of the Peach

Il semble loin le temps où les Black Lips crachaient dans la bouche de leurs voisins, vomissaient en chantant et pissaient depuis le toit d’un bus en plein milieu de leur concert devant les portes du Primavera. Le groupe d’Atlanta s’est assagi et sa musique aussi. Prenant même au détour de ses derniers albums des relents country. Season of the Peach, son troisième album pour le label britannique Fire Records, ne marque pas un retour à l’énervement et à la folie de ses débuts, mais contrairement aux apparences, il est plutôt un bon cru.

L’affichage de ce contenu a été bloqué pour respecter vos choix en matière de cookies. Cliquez ici pour régler vos préférences en matière de cookies et afficher le contenu.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.

Season of the Peach est un road trip halluciné à travers l’Amérique des (beautiful) losers et un coup d’œil appuyé dans le rétroviseur des plus redoutables punks à fleurs. Les Black Lips se prennent pour les Ronettes (Tippy Tongue), enfilent leurs chapeaux de cowboy (Zulu Saints), évoquent le Brian Jonestown Massacre et le Chocolate Watchband ­(Kassandra), chantent comme Ian Svenonius (Sx Sx Sx Men) et font des clins d’œil à Ennio Morricone (Wild One). Il était une fois en Amérique… ● J.B.

Distribué par Fire Records/Konkurrent.
La cote de Focus : 3,5/5

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Expertise Partenaire