King Hannah: « On écoute beaucoup de groupes US des 90’s et ça se ressent dans notre manière de jouer »
Sur son premier album, King Hannah joue dans le noir avec PJ Harvey, Bill Callahan, Mazzy Star, Mark Kozelek et Portishead. Étourdissant.
Ils sont chez eux, dans leur cuisine, à Liverpool. Il en est originaire. Affable et fan des Reds. Elle est galloise. Traits typés. Accent à couper au couteau. Craig Whittle (30 ans) et Hannah Merrick (34 printemps) sont directs, francs, naturels et sans fioriture. Fidèles à l’image qu’on se fait des gens du nord de l’Angleterre. En adéquation aussi avec le titre du premier album de King Hannah: I’m Not Sorry, I Was Just Being Me. Craig et Hannah se rencontrent dans un de ces pubs qui sentent bon la Guinness et la sueur d’une journée de labeur. Il reconnaît la fille qu’il a vu chanter par hasard deux ans plus tôt à l’université et qui l’a hypnotisé. The rest is history…
Malgré ses racines et le sang britannique qui coule dans ses veines, King Hannah évoque surtout les paysages et le rock américains. Le duo a même repris Springsteen. « On écoute beaucoup de groupes états-uniens des années 90 et ça se ressent dans notre manière de jouer », reconnaît la chanteuse à la voix vénéneuse. « Je pense qu’il y a quelque chose de romantique dans ma relation à ce pays, analyse son comparse. Il est très vaste certes, mais il se dégage un truc particulier de sa musique et de son cinéma. Notamment avec cette idée de grands espaces. On a été comme aspirés. Tu baignes vraiment dans cette culture quand tu es gamin. Ça a surtout été via les films et les disques en ce qui me concerne. Mais aussi à travers la littérature. J’ai le sentiment que ce que tu regardes, ce que tu lis et ce que tu écoutes durant ton adolescence et au début de la vingtaine reste ancré en toi. J’ai été happé par Jack Kerouac et cette envie de prendre la route. Je ne vois pas vraiment d’équivalent dans l’art britannique. »
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Le bonhomme est fan du cinéma américain de la fin des années 60 et du début des années 70. Il parle du Badlands de Terrence Malick, de The French Connection, The Long Goodbye, The Last Picture Show… Ces oeuvres, comme il dit, dirigées par leurs personnages. « Hannah regarde aussi beaucoup de films qui parlent du passage à l’âge adulte. C’est de là que viennent, j’ai l’impression, la nostalgie et l’aspect plus sentimental du disque. »
I’m Not Sorry, I Was Just Being Me est plutôt du genre cinématographique. « On aime vraiment ce genre de son. Ses mouvements. Comment il bouge les gens. J’ai écouté beaucoup de bandes originales pendant qu’on bossait sur l’album. Je pense à celles de Jonny Greenwood, de Trent Reznor. » Eux seraient parfaits entre Nick Cave et PJ Harvey, pour accompagner les aventures de Tommy Shelby et de ses Peaky Blinders. « On n’a même pas encore regardé la série pour tout t’avouer. »
Comme chez les Shelby (en nettement plus sage on vous rassure), les Merrick ont le sens de la famille. Hannah est très proche de ses parents et de ses soeurs. Elle a découvert grâce à son aînée le rock bruyant des années 90, tout particulièrement ces groupes emmenés par des femmes. « Je me souviens avoir entendu pour la première fois un tas de trucs à travers la porte de sa chambre. C’est ce qui m’a amené à la musique d’ailleurs. » La photo qui sert de pochette à l’album a été prise dans les collines où elle a grandi et où joue aujourd’hui son neveu de quatre ans. « Ça fait sens. D’autant que j’en parle sur le disque. »
Jennifer Charles et Elysian Fields, Margo Timmins et ses Cowboy Junkies mais aussi Portishead (Foolius Caesar), le slowcore de Smog, Mark Kozelek et Jason Molina… Le bluffant premier album de King Hannah fait penser à un paquet de choses. Tellement finalement qu’il possède sa propre identité. Le tandem est tous sauf blasé. Plutôt flatté même par les comparaisons. « On n’a jamais écouté les Cowboys Junkies mais Portishead a été une vraie influence, remarque-t-elle. C’est ce genre de truc que tu absorbes, auquel tu ne penses pas nécessairement mais qui te colle à la peau. Ce qui me plaît, c’est cette intimité. Cette voix si sombre et belle et ces dynamiques incroyables. »
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Magnétique et intemporel
Hannah et Craig évoquent la sincérité de l’Australienne Courtney Barnett, les talents du guitariste de Wilco Nels Cline et leur admiration pour Bill Callahan. « Tu trouves une certaine chaleur chez les Américains. Là où les Britanniques sont plus durs et en colère. »
Le réalisme dans l’écriture de Merrick, qui n’hésite pas par exemple à parler d’énurésie nocturne persistante (All Being Fine), lui a valu des comparaisons avec Raymond Carver.
I’m Not Sorry, I Was Just Being Me a un charme sombre et incroyablement magnétique. « Je pense que ce côté hypnotique est dû à la répétition. Il me renvoie aux années 90 et à un groupe comme Mazzy Star. » C’est aussi incontestablement lié a la texture du son. « Tant mieux parce que c’est vraiment ce qu’on a essayé d’aller chercher, sourit Craig. Ce genre de vibe old school intemporelle. Cette manière naturelle de sonner qui donne à l’auditeur l’impression d’être dans la pièce. C’est un truc qu’on a identifié dans la musique qu’on aime. Je pense à Sun Kil Moon et aux Red House Painters. Aux Microphones et à Smog… On a essayé de ne pas trop polir les choses et de créer un certain sens de l’espace. On voulait qu’il y ait moins d’instruments que sur notre EP (Tell Me Your Mind and I’ll Tell You Mine). Qu’on puisse comprendre ce qu’il s’y passe. Que ça sonne plus vrai. »
Merrick et Whittle ont suivi leur instinct. Ils se sont fiés à leurs goûts, ont fait confiance à leurs morceaux. « On a réalisé que par le passé on avait laissé trop de gens donner leur avis, termine Hannah. On a essayé de faire plaisir à trop de monde et sur le long terme, c’est nous que ça n’a pas totalement contentés. À la fin de la journée, les gens vaquent à leurs occupations mais nous on reste avec les chansons… »
I’m Not Sorry, I Was Just Being Me, distribué par City Slang/Konkurrent. ****
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