« De la neige en été? » Les festivals francophones tirent la sonnette d’alarme
Les festivals de Bruxelles et de Wallonie, réunis via la nouvelle FFMWB (pour Fédération des Festivals de Musique Wallonie-Bruxelles) envoient un appel à l’aide au monde politique pour au moins bénéficier d’aides équivalentes à la Flandre.
On ne le sait que trop bien: cela fait maintenant bientôt un an que le pays est à l’arrêt, et que nombreux sont les secteurs qui ont du mal à envisager l’avenir sereinement. Parmi ceux-ci, celui du spectacle vivant fait partie de ceux pour lesquelles les perspectives sont le moins claires, avec tout le secteur culturel à l’arrêt. « Ce manque cruel de projection affecte imparablement les artistes et tous les acteurs des musiques actuelles (promoteurs, salles de concert et festivals) mais aussi tous leurs partenaires, fournisseurs et prestataires de services, qui n’ont aucune idée de ce dont leurs lendemains seront faits », déplore la FFMWB dans un communiqué envoyé ce vendredi.
Cette semaine encore, la SABAM faisait le compte et démontrait que les revenus issus d’événements culturels ont reculé de 87% en 2020, pour une perte totale de 319 millions d’euros, précisant que les festivals et les représentations théâtrales ont subi l’impact économique le plus sévère. Les festivals sont ceux qui encaissent le plus durement le choc, avec une perte de 99% de leurs recettes l’an dernier.
En Flandre, des mesures de soutien financier au secteur de l’événementiel ont été annoncées cette semaine, alors que Jan Jambon, ministre de la Culture promettait qu’une décision quant à la tenue ou non des festivals d’été serait prise d’ici la mi-mars. Une enveloppe de 60 millions d’euros a été débloquée pour permettre aux festivals flamands de lancer les préparatifs de leurs éditions 2021, dont 50 millions d’euros d’avance remboursables en cas de tenue de l’événement et 10 millions d’euros spécialement dédiés aux dépenses structurelles à caractère sanitaire.
Actuellement, côté francophone, aucune décision n’est encore prise, même si le cabinet de la ministre de la Culture Bénédicte Linard annonçait jeudi dans les journaux Sudpresse que les organisateurs de festival auraient la garantie de pouvoir compter sur leurs subventions, même en cas d’annulation. « Ces subventions seront même majorées jusqu’à 20% pour compenser les pertes de recettes ou intervenir dans les surcoûts liés aux mesures sanitaires », précisait son attachée de presse. À côté de cela, une enveloppe de 1,5 million d’euros, contre 2,5 millions en 2020 selon le cabinet de la ministre, est prévue pour soutenir les festivals en difficulté. Mais pour l’instant, il n’y a pas plus de précisions quant à son utilisation.
Dès lors, la FFMWB lance un nouvel appel à destination de toutes les instances gouvernementales en Wallonie et à Bruxelles, et demande la mise sur pied d’un fonds de garantie destiné au secteur événementiel, sur une base proportionnelle et similaire à celle adoptée en Flandre. Ce fonds permettra le démarrage de la préparation des événements de l’été par le paiement d’acomptes garantis aux fournisseurs et prestataires du secteur, ainsi que la sécurisation de la filière des fournisseurs de festivals, qui constitue une condition essentielle à l’existence de toute forme d’événement durant la saison estivale.
Il est à noter, précise le communiqué, que:
- « Cette garantie ne bénéficie pas directement au secteur des festivals – même si elle est essentielle à leur présence cet été – mais percolera à travers toute la filière pour soutenir un grand nombre d’entreprises en grande difficulté depuis un an (prestataires techniques, régisseurs, son et lumières, etc).
- Une telle garantie n’aura pas d’impact financier direct pour les finances publiques dans l’hypothèse où les festivals d’été pourraient se tenir en configuration normale.
- La situation actuelle crée de facto une distorsion de concurrence entre festivals francophones et flamands, encore renforcée par l’absence en Wallonie et à Bruxelles d’une mesure similaire à la « globalisatiepremie » mise en place en Flandre.
- Le renforcement de l’enveloppe allouée au secteur des musiques actuelles par la Fédération Wallonie-Bruxelles, afin qu’un budget aussi élevé que possible soit mis à disposition de tous les acteurs du secteur. Ces sommes viseraient à couvrir sur base réelle les pertes effectivement encourues par les organisateurs en cas d’annulation.
- L’aboutissement rapide des discussions en cours à propos de la réouverture et du redéploiement de la culture en Belgique francophone sur base de protocoles sanitaires rédigés en collaboration avec le secteur culturel. »
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« La moindre des choses, c’est que le gouvernement nous soutienne cette année encore et confirme au moins une aide du même montant », commente chez Sudpresse Damien Dufrasne, président de la Fédération des festivals de musique en Wallonie et à Bruxelles, et directeur du festival de Dour.
Gaëtan Servais, cofondateur des Ardentes, pointe quant à lui les disparités entre les deux moitiés du pays: « En termes de concurrence, on est désavantagé si on dit à nos artistes qu’on ne pourra payer les acomptes qu’en mars, lorsque la décision sera tombée, alors qu’au nord du pays, ils peuvent d’ores et déjà les payer. »
Malgré les risques qu’ils encourent, les organisateurs planchent sur des événements avec une pleine capacité. Ils ne veulent pas d’un « demi-événement ». Soit les festivals peuvent accueillir la totalité de leurs visiteurs, soit ils sont formellement interdits. Le pire des scénarios serait que les autorités les autorisent explicitement, mais en réduisant leur nombre. Dans le cas d’une annulation de leur propre chef, ils seraient alors contraints de rémunérer les artistes ou autres prestataires. « C’est tout ou rien », confirme Gaëtan Servais.
Avec Belga
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