Antoine Wielemans (Girls in Hawaii) se lance en solo et en français (EXCLU)

Antoine Wielemans a tourné le clip de Sel en plein hiver, un simple t-shirt sur le dos. © Manou Milon
Kevin Dochain
Kevin Dochain Journaliste focusvif.be

Enregistré lors d’une escapade en Normandie avant la pandémie, Sel marque les premiers pas du chanteur/guitariste des Girls in Hawaii dans la langue de Gainsbourg. On a discuté de ce nouveau départ autour du clip qu’on vous dévoile ici en exclusivité.

On commencera par rassurer les fans: non, ce n’est pas parce que leur co-leader entame une échappée en solitaire que les Girls in Hawaii se séparent. Ceux-ci jouaient d’ailleurs encore au Botanique en novembre dernier, pour un concert diffusé en live streaming, forcément. Mais le confinement aura par contre permis à Antoine Wielemans de concrétiser des envies qui remontent à bien avant la pandémie. Sel, tout premier extrait d’un album solo prévu pour septembre prochain, annonce donc le « coming out » en français du Bruxellois, un virage qu’on avoue ne pas avoir vu venir, mais qui démontre que c’est parfois en se réinventant qu’on peut sortir le meilleur de soi-même.

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C’est bien la première fois que tu écris en français? Ça a été quoi, le déclic?

Quand j’avais 25 ans, je ne pouvais pas écrire autrement qu’en anglais. Je trouvais le français hyper ringard. Entendre ma voix en français, ça me paraissait inimaginable. Ça a évolué pour pas mal de raisons. La première, c’est tout simplement parce que je me suis mis à écouter énormément de musique en français ces dix dernières années. Il y a toute une nouvelle vague d’artistes français qui ont changé la donne, la vision du français en musique. Prouvé qu’on pouvait faire des trucs pop cools en français. Comme je n’arrête pas d’écouter des trucs en français, je me suis centré un peu moins sur le côté musical et mélodique, mais aussi sur le sens des choses. Un texte en anglais, c’est rare qu’on prenne le temps de se poser et d’être attentif aux paroles. Quand le français est posé en musique, Serge Gainsbourg, Albin de la Simone, Mathieu Boogaerts, t’as vraiment l’impression que la personne te parle, te raconte un truc.

Ironiquement, Mathieu Boogaerts vient justement de sortir un album en anglais

Oui, mais je ne suis pas hyper fan du truc. J’aimais bien quand il mettait quelques mots de franglais dans son français, mais là, je ne suis pas sûr que ça marche. Sinon, la grosse raison du français, c’est que pour nous, l’anglais, c’est génial musicalement, mais c’est toujours ultra fastidieux pour écrire des textes. Avec Girls in Hawaii, il y a 20 ans, on s’en foutait à peu près de ce qu’on racontait, on disait les choses le plus simplement possible, et avec le temps, on a eu envie de raconter des choses plus précises. Et plus précis, c’est compliqué quand ce n’est pas ta langue maternelle. Tu as beau te casser le cul sur un texte, tu n’es jamais sûr que ça veut dire exactement ce que tu avais envie que ça dise. Ce qui n’est pas le cas en français. En anglais, c’est plus de l’accident. C’est très dur d’avoir des images poétiques dans une langue qui n’est pas assez la tienne. De tout ça, j’avais un peu marre. C’est né aussi de l’envie de faire un projet solo, parce que ça fait 16 ou 17 ans qu’on travaille ensemble avec Girls, et j’avais besoin d’un truc dans mon coin, à mon rythme, tout seul. Vivre les choses différemment, que ça me pousse à rencontrer d’autres gens… Pas spécialement pour remettre le groupe en question, mais pour mieux le vivre pour la suite.

Tout le disque sera en français?

Oui, 9 morceaux en français. C’est parti d’une idée qui me démange depuis longtemps. J’avais déjà souvent essayé, mais ça a mis du temps à faire son chemin. Et puis en quelques mois il y a eu une dizaine de morceaux… Le robinet était ouvert, c’est venu relativement naturellement. Quand le confinement est arrivé, le robinet s’est fermé (rires). J’avais dix morceaux, j’ai essayé d’en composer d’autres, mais ça ne venait plus. Le confinement a ça de particulier que tu as peut-être du temps, mais tu n’es pas nourri, tu ne vois personne, tu ne vis pas vraiment une vraie vie. Si tu n’as pas envie d’écrire sur le confinement et ce qui t’arrive, c’est compliqué d’être inspiré. Moi, j’ai réussi à utiliser cette période-là pour plutôt concrétiser un projet qui était en chemin.

C’est à ce moment-là que tu as enregistré le disque?

Au départ, j’avais tout enregistré en me disant que c’était de la démo, mais en le faisant quand même proprement, parce que j’aime bien garder mes voix, des petites choses… L’idée, c’était de rencontrer d’autres gens, de collaborer avec des musiciens dans un studio, de filer des titres à arranger à quelqu’un… J’avais pas mal d’envies. Et puis j’ai fait une session studio sur un morceau, où j’ai fait jouer des parties de piano un peu complexes par un vrai pianiste, réenregistrer une batterie plutôt que des boîtes à rythmes, réarranger le morceau, etc. Mais ça ne plaisait pas, il y avait un truc que j’avais perdu. J’avais en tête de refaire tout, mais en fait ça fonctionnait bien en tant que tel. Et puis, comme c’était le deuxième confinement, j’avais besoin que ce soit simple, que ce soit quelque chose que je puisse faire à la maison tous les jours. Ça m’a hyper fort excité de passer quelques mois avec une mission. Ça rendait l’idée du confinement moins effrayante, parce que tu as un truc à faire pour les six prochains mois. C’est revenu dans l’air du temps, de faire des trucs en mode DIY, à l’opposé de ce qu’on avait fait avec Girls sur la fin où on était très pro, très studio. Là, je me suis dit que j’allais faire tout moi-même, jouer de tous les instruments, mixer moi-même. L’album a juste été masterisé. Il y a eu un gros travail de mastering, parce que je ne suis pas ingénieur du son, et qu’il y avait des choses à gérer dans mes mix. Mais c’est un peu brut de décoffrage. J’aime bien l’idée de retourner à un truc qui n’est pas passé par mille étapes, qui n’a pas été refait 30 fois. C’est vraiment le ressenti d’une période, très carnet de bord. Un peu ce qu’on faisait sur les premiers albums de Girls, en fait. Ça m’a bien fait tripper de retrouver cette ambiance.

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Tu as composé beaucoup au piano? Ça change la manière dont les idées sortent, non?

J’ai composé tout l’album comme ça, il y a juste une ou deux chansons où y a quelques arpèges de guitare. Le reste, ce n’est que boîte à rythmes, piano et voix. C’était surtout une volonté de changer d’instrument, et puis j’ai toujours fantasmé d’apprendre le piano. J’ai pris un an et demi, deux ans, d’abord à bosser avec l’application dont tu m’avais parlé (NdlR: Simply Piano, qui donne des résultats assez bluffants et, promis, on n’est pas payé pour l’écrire), et puis à prendre un an de cours de solfège, apprendre vraiment toute la base. À ce moment-là, je jouais au piano tous les jours depuis deux ans. Je pense que c’est vraiment pour ça que j’ai réécrit un disque, que je me suis replongé dedans. Jouer une heure par jour de la guitare, c’était devenu une forme d’obligation. Je n’y trouvais plus vraiment de plaisir. Là où le piano, ça a complètement explosé mon plaisir d’apprendre, de faire des reprises, de tripper de savoir faire trois accords de suite, un mineur, les accords renversés… D’avoir le côté ludique et trippant parce que tu arrives à le faire pour la première fois. Tu découvres un monde, il y a des accidents intéressants. Du coup, j’ai tout composé au synthé, au piano ou au Rhodes. L’idée, c’est d’avoir un clavier dans les mains et pas une guitare.

Après, j’imagine que tu en glisses un peu dans la production.

Il y a un morceau que j’avais commencé au clavier, mais l’arrangement ne me plaisait pas. Et pour une fois, je suis revenu à la guitare et ça m’a plu. Mais quasi tous sont nés sur base d’accords au piano. Avec la guitare, il y a ces recettes. Quand tu la prends, tu commences par un La mineur, puis tu vas sur le Do, puis il y a cet accord que tu aimes bien que tu mets tout le temps, et tu es dans des schémas qui sont totalement cassés quand tu te mets sur un piano. Pour moi, le « monstre » piano reste toujours aussi mystique qu’avant. Dès que je suis sur les notes noires, je ne sais absolument plus ce que je fais comme accord. C’est assez intéressant.

Est-ce qu’on peut parler des paroles de Sel? C’est costaud. C’est fort imagé, mais on peut y trouver plein de choses.

À la base, c’est un morceau plutôt sombre, où sans avoir quelque chose de très précis en tête, la scène que j’imaginais, c’était un corps charrié par la marée. Ça pouvait être moi, ou même un inconnu. Ce corps, en l’occurrence, pouvait aussi être des vieux souvenirs, sans doute liés à Denis (NdlR: son frère, décédé il y a dix ans dans un accident de voiture), des images de mort que j’ai parfois. Mais pas lié à une expérience que j’avais vécue tel quel. L’idée, j’avais envie de la traiter avec le plus de poésie possible. De raconter ça par les couleurs, comment la peau peut ressembler à de la pierre ou du marbre… J’écris malgré moi de façon assez mélancolique. C’est très rare que j’assume un truc joyeux. Après, j’aime bien que la musique transforme de la merde en quelque chose de lumineux. La construction du texte s’est faite bizarrement. Je cherchais des choses très crues, très simples, mais aussi des jeux sur le langage. Des associations de mots et de sons qui fonctionnent bien. Ce morceau, il s’est construit comme une association d’idées, un truc qui parlait de la mer, et pour le deuxième couplet, je voulais relancer le morceau dans une autre direction, du coup l’idée de parler d’un père est sortie. J’aime l’idée que ce soit assez ouvert.

J’aime bien que la musique transforme de la merde en quelque chose de lumineux

Girls in Hawaii, c’est entre parenthèses pour l’instant, ou c’est prévu de reprendre?

On est en train de répéter dans l’idée d’écrire un prochain disque, mais on n’est pas encore très avancés. J’avais vraiment besoin de faire un break pendant un an, et comme ce break devient un disque, le problème maintenant c’est de devoir gérer les deux à la fois (rires). J’ai dû mixer le disque, le faire masteriser, bosser sur la pochette, sur des clips… Pour le clip de Sel, on est partis quatre jours en Normandie, avec Manou Milon. C’est un clip qui m’a pris deux semaines de mon temps, alors que d’habitude, soit je n’étais pas dedans, soit c’était un tournage d’une journée, et puis quelqu’un d’autre qui le monte. Ici, j’ai envie de maîtriser le truc: je suis tout seul, donc je peux vraiment faire ce que j’ai envie de faire. Ça me donne fort envie que ça ressemble exactement à ce que j’ai imaginé. Là où avec Girls, il y a une histoire de compromis, de collectif.

Ça donne vraiment bien, ces jeux d’éclairage naturel/artificiel, dans le clip.

C’est un truc que j’adore et que j’avais beaucoup vu en photo. L’idée, c’était de réutiliser les décors de ce lieu en Normandie, qui m’a vraiment marqué. Une maison au bord des falaises, absolument magnifique. La mer est hallucinante, elle est différente tous les jours. Le ciel, la mer, la lumière, les couleurs… Quand j’y étais, il y avait pas mal de tempêtes, c’était super impressionnant. C’est un lieu impactant à tous niveaux. Mais le thème de la mer, c’est un peu éculé. Alors ce que j’avais envie d’avoir, c’est l’ambiance hivernale de la mer. Pour que ce soit lumineux sur une pochette, sur une photo, ça me faisait marrer de travailler avec le flash. Éclairer très fort les avant-plans, ça assombrit très fort les arrière-plans. Ça donne une ambiance un peu irréelle, en dehors du temps. On était trois, avec ma bagnole, on se baladait et on filmait le truc à l’arrache. Ce n’est pas évident, parce que le « sweet spot » pour le faire, c’est vraiment entre 16h30 et 18h: tu as 1h30 par jour pour tourner. Il faut vraiment que la lumière soit plongeante pour que ça fonctionne. C’était l’hiver, j’avais envie de faire tout le clip en t-shirt pour qu’on sente le froid mais que je ne sois pas sapé dans trois vestes. La veille de partir, Macron annonçait que la France était fermée aux personnes étrangères, on a dû le faire en pleine nuit, aller à Zaventem faire des tests PCR en urgence. C’était le bordel. Mais c’est ça qui m’a sauvé le confinement: faire des choses, ça permet de s’évader. Se retrouver 4 jours sur la plage à faire un clip, en plein hiver, où tu ne vois personne, c’était hyper vivifiant.

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