Numwami pour la vie

Bienvenue dans le Numwami World. © MATHIEU TEISSIER
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Après Le Colisée et les tournées aux côtés de Charlotte Gainsbourg ou Sébastien Tellier, David Numwami sort un premier EP sous son nom. Une petite pépite pop joliment lunaire et faussement naïve. Rencontre.

Au beau milieu de la conversation, un petit insecte vert fluo se pose sur l’index de David Numwami. Malgré quelques tentatives de le déloger, il s’accroche. « Bah, je le laisse là, il n’a pas l’air de vouloir décoller. » Le plumitif n’en demandait pas tant. En une scène, il tient l’angle de son papier, résumé en une seule image: David Numwami serait lui-même ce drôle d’animal, léger et hésitant, comique et poétique, pas forcément pressé de prendre son envol.

Cette semaine, le Bruxellois sort un premier EP sous son nom. Il y a quelques mois, il recevait également un Red Bull Elektropedia Award dans la catégorie « Fresh on the scene », l’équivalent de « révélation de l’année ». Pourtant, il n’est pas tout à fait un nouveau venu. Cela fait même un moment qu’il « traîne » dans le coin. « Dans le coin? Oui, c’est vraiment ça. Pour l’instant, ma carrière se résume à ça. J’aime bien. C’est un peu comme si tu rentrais dans un appartement, et hop!, David est là, dans un coin du salon, ah tiens, c’est marrant, il a changé de coiffure (rires). » Récapitulons. Il y a d’abord eu Le Colisée, son premier groupe, auteur officiellement de deux EP sortis en indé, en 2012 et 2015, et lauréat du prix Du F. dans le texte en 2013. L’air est déjà pop et décalé, entre mélodie sucrée et humour pince-sans-rire. De quoi susciter l’intérêt de labels, dont il reçoit régulièrement des propositions. « Je vais aux rendez-vous. Les humains ont souvent l’air très cool, très compétents. Mais je n’ai jamais trouvé de deal dans lequel je me sentirais assez libre. Quand j’ai une idée, je veux partir du principe que cela arrivera. Je n’ai pas envie de bosser avec des gens qui me donnent le sentiment que cela va être compliqué. « Tu comprends, le public francophone, il accroche pas trop à l’anglais« , ce genre de chose. »

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Éternel adolescent

Numwami n’est pas tout à fait son vrai nom. « C’est un peu compliqué… Au départ, c’est celui que mes parents m’ont donné à la naissance. » Originaire du Rwanda, il n’a que quelques mois quand le génocide éclate, en 1994. « Comme Numwami avait une consonance tutsie, ils trouvaient que c’était un peu dangereux, et j’ai pris le nom de mon père, Nzeyimana. » Fuyant le pays, sa mère atterrit en Belgique, à Louvain-la-Neuve, avec ses enfants. Resté sur place, son père est tué.

David Numwami ne s’appesantit pas. Mais plus loin, il raconte comment sa mère l’a inscrit au solfège, à l’âge de cinq ans, avec l’idée que la musique l’aide à gérer ses angoisses. « Au départ, ces cours étaient une obligation. Mais, au bout de quelques années, quand j’ai su jouer de la guitare, je me suis rendu compte que la musique était comme un portail magique qui permettait de s’échapper dans un autre monde. Gamin, par exemple, je n’arrivais pas à dormir tout seul, j’étais submergé par les angoisses. Cela se terminait souvent en nuit blanche, ou à dormir dans le lit de ma mère. Et puis, un jour, j’ai compris que je pouvais me servir de ma guitare pour m’amener vers le sommeil. Je m’endormais en jouant. Aujourd’hui encore, si je suis anxieux, je joue, et tout va mieux. La musique est vraiment quelque chose de thérapeutique. »

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Elle va aussi devenir un métier. Même si ce n’est pas le plus stable qui soit… Sur Beats, single irrésistible, quelque part entre « Laurent Voulzy et Toro Y Moi« , comme le résume très bien un commentaire YouTube, David chante: « Me voici à 26 ans/Pas un rond évidemment… Ne t’en fais pas, ma maman/De l’argent, j’ai toujours fait sans. » Il se marre: « Oui, hier encore, elle me demandait quand j’aurai un vrai boulot (rires). » Aujourd’hui pourtant, le musicien-chanteur-producteur peut voir venir.  » J’ai pu obtenir le statut d’artiste, je sais que je ne vais pas crever de faim cette année. » Et puis, il s’est fait également un nom sur la scène hexagonale, en jouant aux côtés de Frànçois & The Atlas Mountains, Nicolas Godin (Air), Sébastien Tellier ou encore Charlotte Gainsbourg, avec qui il a été sur la route pendant deux ans.  » J’ai pu partir en tournée aux États-Unis, ce dont je ne rêvais même pas! C’était génial, je me suis vraiment laissé embarquer, comme dans un rêve fiévreux, en ne comprenant pas toujours ce qui m’arrivait, comme perdu. »

Cet état, un peu flottant, un peu fébrile, il n’est pas impossible que David Numwami aime ça. Voire qu’il cherche délibérément à l’entretenir. « Bof, je ne sais pas. Je crois que je n’ai pas vraiment le choix, en fait. Je n’ai pas la capacité à me sentir fixé. Du coup, j’embrasse le fait d’être paumé et de me laisser porter. » C’est le chanteur qui parle. Celui de la pop aérienne et faussement naïve de Numwami World, morceau poignant et titre d’un EP qui s’ouvre par une voix féminine expliquant, en anglais dans le texte: « Si vous êtes arrivés ici, c’est que vous devez probablement être un peu perdu. » C’est sans doute aussi un peu le licencié en philosophie. Celui qui avait commencé ses études en espérant y trouver toutes les réponses sur la vie, et qui en est ressorti avec « encore plus d’interrogations« . Y compris « sur le choix du synthé à utiliser« . « Sans la philo, je serais passé à côté de quelque chose, c’est sûr. Mais cela m’aurait aussi évité beaucoup de discussions avec moi-même (rires). »

Exemple: réalisé en solitaire, Numwami World était censé s’appeler au départ The Blue mixtape, et se présenter comme un album, voire un double album. « Je changeais tout le temps d’avis. » Finalement, après de multiples tergiversations, il s’agit d’un EP sept titres. « En fait, j’ai du mal avec le format album. Je trouve ça à la fois trop long -ce n’est pas simple d’avoir une douzaine de morceaux qui tiennent tous la route-, et trop court pour vraiment proposer une image représentative de ce que vous êtes. C’est bizarre… » Il marque une pause, pensif. « Mais j’y arriverai bien un jour. Tout le monde y arrive. » Sur le dos de sa main, l’insecte ailé a fini par s’envoler.

David Numwami, Numwami World, distribué par The Ffamily. ****

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