Les murs de sons de Nicolas Godin

Nicolas Godin: "L'architecture et la musique ont en commun la notion d'espace. Un espace est défini par un mur, un accord par deux notes. C'est la distance entre les deux qui fait que c'est beau ou pas." © CAMILLE VIVIER
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Cinq ans après un premier album solo, Nicolas Godin, moitié du duo Air, revient avec Concrete & Glass. Un disque de pop électronique élégant qui s’inspire de célèbres bâtiments architecturaux contemporains.

Attablé dans un hôtel bruxellois, Nicolas Godin s’empresse de préciser: « Je ne veux surtout pas qu’on pense que c’est un album-concept ». On pourrait en effet s’y méprendre. Le Français est venu parler de son nouveau disque. Cinq ans après Contrepoint, inspiré de la musique de Bach, il sort cette fois Concrete & Glass, dont chaque morceau se rattache à un bâtiment contemporain précis. « C’était en tout le cas le principe de départ. Mais par la suite, j’aime me laisser happer par la musique et voir où elle m’emmène. »

Au départ, l’invitation vient de l’artiste Xavier Veilhan. Celui-ci cherche une bande-son pour accompagner ses performances/interventions dans différents sites architecturaux emblématiques. Nicolas Godin ne se fait pas prier. Et comme l’occasion fait le larron, il partira de cette base musicale pour reformuler les morceaux « dans un format plus pop ». « Plus que jamais, j’ai besoin d’une raison, d’une idée bien précise, pour faire un disque. À cet égard, je suis vachement en demande, j’ai envie que l’on me propose des choses. Ce n’est pas que j’ai tout fait, mais cela devient compliqué de trouver des directions nouvelles et d’éviter de se répéter. Et puis, même si je peux avoir des envies, je reste très limité musicalement. Je dois trouver un moyen de contourner ces lacunes, et ce n’est pas forcément évident. »

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À l’écouter, Nicolas Godin serait presque arrivé là par accident, propulsé star internationale avec Air, le duo qu’il a monté avec Jean-Benoît Dunckel, au milieu des années 90, alors que foncièrement, il ne devait pas quitter les murs de son studio. « En fait, j’ai eu cette chance énorme de réaliser mon rêve d’enfant avec Air. Je pense même que mon rôle sur Terre était de faire ça. Mais une fois que vous l’avez accompli, vous faites quoi? C’est compliqué… »

Musique radieuse

C’était à la fin des années 90. Une nouvelle scène électronique française partait alors à la conquête de la planète musicale. Dès son premier album, Daft Punk apparaît comme la tête de gondole de ce qu’on baptisera la French Touch. Un an après Homework, Air sort de son côté Moon Safari, apportant sa propre contribution à la révolution électronique en cours, notamment grâce aux tubes Sexy Boy, Kelly, Watch the Stars! ou encore All I Need. « C’était complètement fou. Le simple fait de se retrouver sur un label était déjà incroyable. Je me souviens de la première fois qu’est sorti l’un de nos morceaux. J’étais même allé à la Fnac pour l’écouter sur une borne (rires). Aujourd’hui, ça paraît très facile de publier de la musique. Mais à l’époque, il y avait plein d’étapes avant d’y arriver. »

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Quelques années plus tôt, à la sortie des secondaires, les deux compères faisaient déjà partie ensemble d’un groupe de rock, mais sans jamais réussir à se faire signer. Dépité, Nicolas Godin s’était alors résigné à entamer des études… d’architecture. « Mon père étant architecte, j’ai grandi entre les plans et les calques. Le samedi, il m’emmenait souvent avec lui sur les chantiers. Il avait une super agence, qui ressemblait un peu aux bureaux de Gaston Lagaffe » (rires). Nicolas Godin ne pratiquera jamais. Mais avec Concrete & Glass, c’est un peu comme s’il revenait en arrière, sur les traces de son ancienne passion. Il acquiesce: « L’architecture et la musique ont en commun la notion d’espace. Un espace est défini par un mur, un accord par deux notes. C’est la distance entre les deux qui fait que c’est beau ou pas. C’est d’ailleurs un peu le paradoxe de mon art, qui repose sur du vide (sourire) . C’est en tout cas tout ce qui m’intéresse, cet espace flottant entre les murs. »

Pour les différents morceaux de l’album, le producteur s’est donc inspiré des bâtiments visités. Du pavillon allemand emblématique conçu par Mies van der Rohe pour l’exposition universelle de Barcelone en 1929, à l’église en béton Sainte-Bernadette du Banlay de Claude Parent, à Nevers; des demeures hollywoodiennes qui ont marqué le paysage de Los Angeles aux édifices constructivistes russes. « L’idée était de travailler par association. Le pavillon de Mies van der Rohe, par exemple, a marqué une telle rupture dans l’architecture, que ça m’a amené à tourner autour de la notion de nouveau départ, de table rase. The Border est un morceau qui parle de l’envie de couper tous les ponts, sans regarder en arrière, pour commencer quelque chose de neuf. Ce qui est le cas de pas mal de monde aujourd’hui. » Seul le morceau La Cité radieuse s’est directement inspiré de la structure du fameux bâtiment de Le Corbusier. « Comme elle fonctionne avec des modules qui s’emboîtent les uns dans les autres jusqu’au toit-terrasse, j’ai imaginé une série de petites phrases musicales enchâssées les unes dans les autres. C’est un peu un copier-coller du principe de Le Corbusier. À cet égard, c’est le seul morceau « scientifique » de l’album. »

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C’est aussi le seul titre instrumental. Pour les autres, Nicolas Godin a soit trafiqué sa propre voix, soit invité une série de jeunes artistes relativement peu connus -la Russe Kate NV, l’Américaine Kadhja Bonet, etc. Il lui aurait pourtant suffi d’ouvrir son carnet d’adresses pour tomber sur un série de noms ronflants. « Mais je n’avais pas envie, je ne voulais pas que les stars éventuelles fassent trop d’ombre aux morceaux. » C’était aussi l’occasion pour le néo-quinqua de rentrer en contact avec la nouvelle génération, de comprendre son mode de fonctionnement. « ça n’a pas toujours été simple. Ils sont vraiment hors système. Eux, c’est la démerde, ils enregistrent des disques entre deux avions. Ce qui est assez génial. Quelque part, ça rejoignait d’ailleurs le côté un peu bricolé que je voulais retrouver, à faire un disque dans mon studio de 9 mètres carrés avec un sampler, des synthés, une basse et un ordi, comme au début de Air. »

Nicolas Godin, Concrete & Glass, distribué par Caroline. ***(*)

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