Frànçois & The Atlas Mountains, arrêt sur mirage

"Quand je suis seul, je sombre dans le pessimisme mais les rencontres et l'activité sociale, notamment celle de musicien, me donne des vrais moments de confiance en l'humanité", explique François (deuxième en partant de la gauche). © TOM JOYE
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Bruxellois d’adoption, François Marry, flanqué de ses Atlas Mountains, revient avec un album tout en français marqué par l’actualité, la capitale de l’Europe et le rock californien.

Il aurait pu opter pour l’un des bars de son quartier… Quand on lui a demandé de choisir le lieu de notre rendez-vous, François Marry a spontanément proposé la bibliothèque de La Monnaie. Lors de notre dernière rencontre, le Français cherchait un appartement. Il voulait s’installer à Bruxelles. Aujourd’hui, il y vit. Plein centre. Non loin des Halles Saint-Géry. « Pour moi, la bibliothèque est un refuge. Je suis tombé d’ailleurs un jour, dans un bouquin, sur une citation qui parlait du refuge de la culture dans le désordre. De cet abri que sont les bibliothèques. Je passe beaucoup de temps ici. C’est superbe. C’est un océan d’inspirations humaines. Tu es un peu enfermé dans ta tour d’ivoire mais tu es aussi quelque part préservé. Ce qui me fait peur aujourd’hui, au-delà de nos dirigeants flippants, c’est la manière extrêmement négative avec laquelle on parle de l’actu. La façon qu’on a d’y réagir. Dans ma musique, j’essaie de prendre un peu le contre-pied de tout ça. De traiter de l’actualité noire mais par son versant le plus absurde, le plus lumineux. De me dire qu’on peut désamorcer cette souffrance que nous inspire l’état du monde. »

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Cinquième album de Frànçois et de ses Atlas Mountains, Solide Mirage est son premier uniquement chanté en français et fait référence à Bruxelles. « J’essaie de comprendre cette ville. De me l’approprier. Elle est protéiforme et change en permanence. Quand j’ai l’impression de connaître un quartier et que j’y retourne, je m’y perds. Je découvre constamment de nouveaux lieux pour des concerts notamment. Des appartements, des petites salles, des squats, des cafés, des bars… Bruxelles est une ville en distorsion et en ondulation constantes. J’ai aussi pensé à des titres de disque qui tournaient autour du chaos. Solide Mirage, ça joue avec cette impression de confusion et de rugosité. C’est la première fois que j’habite dans une capitale. La brique et le ciment m’impressionnent un peu. » Et si, il le concède, le vivre ensemble bruxellois aussi est un mirage, il l’aborde avec optimisme. « C’est fascinant. Elle est incroyable quand même cette pluralité de communautés côte à côte. C’est une manière de vivre, hein. C’est pas déplorable. J’ai quand même été super rassuré d’être en Belgique au moment des attentats. J’ai trouvé l’attitude des gens vraiment dédramatisante par rapport à ce que je pouvais voir et lire dans les médias. »

Gotham city

Invité par Hedi Slimane à Los Angeles, François a envisagé d’y enregistrer son disque. Il a rencontré le producteur de Beach House et d’Animal Collective. Mais a surtout été marqué par la scène garage californienne. Son énergie, son électricité, ses guitares. « Je crois que Slimane touche à des espèces de fantasmes en voyant des musiciens s’éclater entre eux. J’y suis rapidement retourné pendant une quinzaine de jours par mes propres moyens. Je n’avais pas trop de thunes. Je dormais dans des motels pourris ou dans la caisse avec ma copine. Puis je squattais chez les gars de La Femme qui mixaient leur album et squattaient eux-mêmes chez un Porto-Ricain. On dormait à quatre sur une banquette. Tu vois le genre. »

François en a profité pour se promener du côté d’Orange County. Aller voir quelques concerts. Rendre visite aux zozos du label Burger Records. « Je voulais voir à quoi ça ressemblait. D’ici, c’est toujours un peu édulcoré. Sacha et Marlon de La Femme sont très potes avec les Growlers. Et donc, on a passé des soirées ensemble. J’ai discuté un peu avec le gars de Burger. Il était en train de mater des matchs de catch en fumant pétard sur pétard. C’était drôle et sympa de voir leur mode de vie. Mais il y a ce truc aux États-Unis où tu es fliqué en permanence. C’est pas aussi relax qu’ici. »

Solide Mirage.
Solide Mirage.

En attendant, cette aventure américaine a infusé, lui a rappelé les groupes et le grunge qu’il écoutait ado et a déteint sur Bête morcelée et Jamais deux pareils. Les deux titres les plus rock de l’album. Sur d’autres, François a invité Owen Pallett et son violon magique. « J’étais très excité à l’idée de glisser dans mon univers son approche très élégante avec quelques touches parfois certes de maniérisme mais qui toujours retombe sur ses pattes. Je lui ai juste expliqué de quoi parlaient les morceaux. Je lui ai dit que 1982 évoquait la partie de soi qu’on enfuit dans une vision de rêve à la naissance. Puis que Le Perpétuel Été racontait l’histoire d’une employée qui prenait un moment pour elle à la pause déjeuner. Une espèce de respiration, de rayon de soleil. »

Enregistré avec Ash Workman (Metronomy, Christine and the Queens), Solide Mirage a été fabriqué au Jet Studio à Koekelberg et possède à son casting David Nzeyimana du Colisée. Le clip de Grand Dérèglement a même été tourné dans le palais de justice de Bruxelles avec un ancien ambulancier de Gaza qui a fui la Palestine avec sa famille et donne des cours de Dabkeh (une danse du Moyen-Orient) à Saint-Gilles. « Au début, j’ai essayé de trouver la beauté dans les rues et j’avais un peu de mal avec l’explosion de genres et de styles. Et puis, ce qui m’a permis d’apprécier, ça a été les BD de François Schuiten. Elles évoquent certaines lignes architecturales de Bruxelles qui sont hors du temps et me rappellent un peu Gotham City. Ce côté néo-classique. Le palais de justice qui surplombe la ville est apparemment le plus vieux d’Europe et un lieu dans lequel bosse une majorité de femmes. Pour Schuiten, c’est même la porte d’un Bruxelles parallèle. Les peintres symbolistes Khnopff et Spilliaert dont la beauté me subjugue m’ont aussi offert un angle de vue esthétisant sur la ville et le pays. Je me régale au Musée Fin-de-Siècle. »

Solide Mirage, c’est donc un peu de tout ça. « Je le vois comme le disque d’un musicien enfermé dans sa bulle créatrice et dans ses rêves, qui essaie de négocier la rugosité de la réalité sociale. J’ai mis de côté les trucs les plus vaporeux et abstraits. L’état du monde appelait chez moi à plus de clarté. »

Solide Mirage, distribué par Domino. ***(*)

Le 20/05 à la Rotonde (Botanique).

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