Critique

[Le jeu de la semaine] Spiritfarer, derniers soupirs

Michi-Hiro Tamaï Journaliste multimédia

Avec un tact inouï et une bienveillance naturelle, Spiritfarer transfigure l’image de la mort dans les jeux vidéo.

L’ubiquité de la mort dans les jeux vidéo trivialise sa portée. éliminer des hordes d’adversaires en évitant de trépasser ronfle donc comme un lieu commun dans la culture gaming. Mais certains créateurs tentent de le briser. Se définissant comme « un jeu de gestion cozy traitant de la mort », Spiritfarer relève ainsi l’audacieux pari d’explorer l’attachement humain et la séparation au fil d’un jeu de gestion et d’aventure. Le titre indé réinterprète en outre la mythologie grecque de la traversée du Styx. Le tout, en avançant comme un film d’animation aux airs de BD franco-belge.

Du souvenir d’une grand-mère (Lieve Oma de Florian Veltman) à la frousse de la grande faucheuse (What Remains of Edith Finch), le jeu vidéo indé effeuille, depuis quelques années déjà, l’idée de lien et de disparition avec talent. Si bien que la représentation de la mort évolue aussi dans certains blockbusters. Derrière son prétexte zombie, le récent Last of Us Part II déroulait, par exemple, une histoire de deuil bloqué au stade de la colère. Chacune des éliminations provoquait un vrai malaise chez bon nombre de ses joueurs.

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Nettement moins noir que ce dernier, Spiritfarer se glisse sous le chapeau de Stella, une jeune fille souriante qui vient de décrocher un job peu commun: passeuse d’âmes et capitaine d’une barge sur le Styx. D’un oncle syndicaliste aux airs de gros batracien bleu à une cervidé pédante et engluée dans des relations paternelles conflictuelles, chaque nouveau passager rythme la progression de cette aventure douce et bienveillante. Ses protagonistes anthropomorphiques demanderont une écoute particulière menant vers des quêtes pour les apaiser. Avant, moment ultime, de les laisser partir, la larme à l’oeil.

Bateau fantôme

Formellement, le volet gestion de Spiritfarer s’apparente un peu à This War of Mine. On y vogue ainsi constamment en quête de ressources (bois, semences, éclairs, matériaux divers…) pour satisfaire ses protégés. Cuisine, serre botanique, forge, chambre d’invité se placent sur un plan quadrillé. Et la frêle embarcation des débuts grandit progressivement pour accueillir des passagers supplémentaires. Entretenir son potager et partir à la pêche entre deux îlots à explorer permet ainsi de cuisiner des plats particuliers pour les invités les plus exigeants. L’impression de gérer un hameau villageois flottant domine. Stardew Valley n’est pas loin.

Alourdi d’allers-retours un peu vains et d’un cycle jour/nuit dispensable, Spiritfarer ne se démène pas moins pour varier son gameplay. Sa poignée de phases de plateforme évolue au fil des nouvelles capacités à débloquer (double saut, glisse aérienne…) pour, notamment, fouiller des habitations insulaires ou attraper des lucioles évoluant en nuage. L’odyssée tapissée d’effets de lumière flamboyants rend d’ailleurs un hommage doué au cinéma d’animation et à la bande dessinée. Un trip splendide dont on ne revient pas indemne, à l’image d’Inside, Gorogoa et Gris.

Spiritfarer

Édité et développé par Thunder Lotus Games, âge: 12+, disponible sur Linux, Mac, PC, PlayStation 4, Nintendo Switch et Xbox One. ****

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