Zombie Zombie se met au latin: « On aimait bien cette idée d’un truc cryptique »

étienne Jaumet: "à chaque album, on se fixe des petits défis. On se lance dans des expérimentations, des recherches. On fait des choses qu'on n'a jamais faites." © Camille Bokhobza
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Vae Vobis. « Malheur à vous ». Zombie Zombie invite à sa messe noire et fait danser en latin. Rencontre.

« À force de digger à rebours dans les bacs italo-disco, ils ont fini par remonter jusqu’à l’Antiquité« , se marre la petite bio à destination de la presse qui accompagne Vae Vobis. Pour son sixième album (hors bandes originales), le premier pour le label Born Bad, Zombie Zombie a décidé de chanter en latin. « On aimait bien cette idée d’un truc cryptique, explique Cosmic Neman sans masque dans les coulisses du Grand Mix à Tourcoing. On avait envie de dire des choses dans une langue que les gens ne comprennent pas. On aurait pu prendre le temps d’en inventer une comme Magma avec le kobaïen. Mais c’était plus simple d’en choisir une qui existait déjà. »

L’ancien batteur d’Herman Düne avait quelques notions. Il l’a étudié pendant deux ans à l’école… « Le latin, on l’a aussi choisi parce que c’est une langue musicale. Elle se chante à l’église depuis des siècles. Elle nous permettait également de jouer avec cette idée, évidemment pas religieuse chez nous mais peut-être plus païenne, de messe noire. Puis, le latin rend la manière de s’exprimer grandiose et grandiloquente. On s’est fait aider par une latiniste qui nous a aiguillés dans nos choix. C’est quand même mieux que Google Translate. »

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Les Zombie Zombie ont par exemple pas mal piqué chez Érasme et ses milliers d’adages. Des petites phrases faciles à utiliser. Un peu comme des haïkus. « Elles peuvent vouloir dire pas mal de choses. Ce qui est super. Ça laisse une marge d’interprétation au lecteur et à l’auditeur. » Au XVe et XVIe siècles, Érasme (il était hollandais) a récolté et traduit beaucoup d’écrivains de l’Antiquité. « In cauda venenum par exemple, ça signifie « dans la queue le venin ». C’était très utilisé pour dire: méfiez-vous de la fin. Dans les textes politiques, les discours commencent avec les bonnes choses et se terminent généralement avec les mauvaises. Après, il y a l’idée de serpent, ça peut renvoyer à l’occulte. Nusquam et ubique, qui est de Sénèque à la base, veut dire « nulle part et partout ». C’était assez excitant. On s’est rendus chez la latiniste plusieurs fois. On a pioché dans ses livres et essayé d’assembler les extraits les uns avec les autres. On ne va pas se faire passer pour des poètes. » « Mais si, on est des poètes, le reprend dans un éclat de rire Étienne Jaumet, casquette sur la tête et chemise de bûcheron sur le dos. D’ailleurs, à quel moment en devient-on un? »

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Le nom de la rose…

Le souvenir de leur première rencontre est un peu vague et flou. Forcément. Zombie Zombie a quinze ans. « Soit 90 piges en années groupes -multiplier par six, plus qu’un chat et moins qu’un chien. » Les deux compères se croisaient à des concerts. Ils ont aussi eu un studio ensemble. « On était un peu comme des colocataires. Je jouais dans Herman Düne. Et pour Étienne, c’était bien avant The Married Monk, dont tout le monde parle tout le temps mais qui reste quand même un petit moment de sa vie. » Jaumet à l’époque donne dans la chanson française avec son pote Flóp mais est surtout ingénieur du son. « J’avais fait ces études-là. Plutôt en cinéma. Même si c’est toujours la musique qui m’a davantage intéressé. J’ai commencé par travailler dans une salle de spectacles. J’ai bossé pour un prestataire de soirées à Aulnay-sous-Bois. J’ai même été prof. » Le fruit d’une vie de hasards et de rencontres comme il dit, qui, de disques en concerts, de B.O. en remixes, le mèneront sur la route de Carl Craig, de Turzi, de Yuksek, des Red Hot, de Sonic Boom, de James Holden ou encore du Festival de Cannes.

Neman, lui, est autodidacte. Il a suivi des études de médecine pendant deux ans. Il a enchaîné avec l’Histoire, spécialisation à la Sorbonne et maîtrise sur le rapport des sciences à l’occultisme. « J’avais bossé sur Inferno, le bouquin du Suédois August Strindberg, qui parle de fabriquer de l’or dans le Paris spiritiste de la fin du XIXe siècle. Le rapport entre la science et les gens qui essaient d’y rattacher des choses complètement irrationnelles m’a toujours fasciné. »

Zombie Zombie est né à une époque où il était facile de trouver des vieux synthétiseurs pas chers. « On faisait nos petites courses chez Cash Converters. Quand on se retrouvait à deux au studio, je me mettais derrière la batterie et Étienne jouait un peu avec ses claviers. Ça a commencé comme ça, poussés par les copains. Ça n’a pas du tout été pensé. C’était vraiment pour rigoler. »

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Si le groupe parisien s’est adjoint depuis un bout de temps maintenant les services du Dr. Schönberg, alias Jérome Lorichon (Purr, The Berg Sans Nipple), le deuxième batteur a aussi amené dans l’aventure de la trompette et un peu d’électronique. Vae Vobis (traduisez par « malheur à vous ») sonne moins comme la B.O. d’un film d’horreur que comme la musique du Nom de la rose fantasmée par John Carpenter. Jaumet se marre. « Ah ouais. Il y a de ça. En plus, c’est Philippe Druillet, qui avait fait l’affiche du film, qui signe la pochette de notre disque… »

Les Zombie Zombie avaient envie de jouer avec les voix. Ils ne s’en sont pas privés. « On a trois vocodeurs. On les relie tous ensemble et on chante en même temps. Ce qui fait un mélange un peu original. Après, on a utilisé des choristes. Notamment Angèle Chemin, qui est une chanteuse lyrique style bel canto avec un gros trémolo. On a essayé de l’emmener un peu ailleurs dans cette musique qui mélange à la fois des influences rock et médiévales. Ce genre de voix renvoie à Ennio Morricone. Et ce n’est pas exactement ce qu’on recherchait. On voulait un truc plus bizarre, genre messe occulte. »

Bavards, les trois lascars évoquent le groupe de rock progressif italien Goblin, les deux basses et les deux batteries des Dirtbombs et la B.O. de Conan le Barbare -« entre le métal et un mauvais Wagner« . Ils épinglent leur côté kraftwerkien, dissertent sur la musique de péplum et pestent sur les vinyles à 30 balles. Amen.

Zombie Zombie, Vae Vobis, distribué par Born Bad. ****

Le 16/06 au Botanique à Saint-Josse-ten-Noode et le 05/08 au MicroFestival à Liège.

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