Critique scènes: Cavale en roman-photo

© François Xavier Cardon
Estelle Spoto
Estelle Spoto Journaliste

Le Collectif Mensuel adapte brillamment une bande dessinée de Fabcaro, en préservant son impertinence salvatrice et ses exagérations absurdes. Zaï zaï raconte en roman-photo musical la chasse à l’homme d’un auteur s’étant présenté au supermarché sans sa carte de fidélité.

Ca marche fort pour Fabcaro ! Alors que son roman de 2018 Le Discours a été récemment adapté au cinéma par Laurent Tirard (avec Benjamin Lavernhe dans le rôle principal) et que son dernier en date, Broadway, a été métamorphosé avec succès par le Theâtre Le Public en un seul en scène intitulé Du paddle à Biarritz et porté par Itsik Elbaz, voici que le Collectif Mensuel s’empare de sa bande dessinée Zaï zaï zaï zaï, sortie en 2015 et couronnée de multiples prix, pour une version théâtrale créée au Théâtre de Liège et actuellement présentée au Théâtre de Poche à Bruxelles.

Le Collectif Mensuel s’est fait une spécialité ces dernières années de spectacles associant images projetées et accompagnements en direct par la voix, le bruitage et la musique live (Blockbuster, Sabordage). Et pour transposer au théâtre l’esthétique si particulière de la BD de Fabcaro, ils ont eu l’idée lumineuse d’utiliser en visuel non pas une compilation d’extraits vidéo, mais des photos. Zaï zaï (deux au lieu de quatre dans le titre original, qui fait référence au fameux refrain de Joe Dassin, intervenant en fin de récit) est donc un roman-photo qui se déroule image après image. Un format rétro qui permet de conserver idéalement les sauts humoristiques de case en case de Fabcaro, jouant notamment sur les répétitions et les différences, le champ/contrechamp et les ellipses temporelles.

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null© François Xavier Cardon

C’est donc à un énorme travail de réalisation d’images fixes que s’est adonné le Collectif pour ce spectacle, avec une production de centaines de photos impliquant des dizaines de personnages. On y reconnaît notamment Nicolas Ancion, complice d’écriture du Collectif : il incarne le principal protagoniste, un auteur de théâtre belge en cavale après avoir menacé avec un poireau le vigile du supermarché intervenu pour mettre hors d’état de nuire ce client qui n’avait pas « sa carte du magasin ».

Au fil des images, Sandrine Bergot, Philippe Lecrenier, Baptiste Isaïa, Quentin Halloy et Renaud Riga, armés de guitares, de mélodica, de bols tibétains, de claviers, de ballons gonflables et d’arrosoir rempli d’eau, brocardent en vrac, à la suite de Fabcaro et en respectant parfois à la lettre son découpage, les politiciens et les médias, le capitalisme et la jeunesse rebelle, les artistes et les piliers de comptoir. Les références pop fourmillent et, ici et là, résonne en écho la crise du Covid. Quand, par exemple, un président déclare que « rien ne doit s’opposer à la liberté de consommer ». Savoureux et rafraîchissant !

Zaï zaï : Jusqu’au 22 janvier au Théâtre de Poche à Bruxelles, poche.be

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