Critique scènes: Père déphasé

© Gaël Maleux
Estelle Spoto
Estelle Spoto Journaliste

Dans le cadre des Retrouvailles du Théâtre Le Public, Itsik Elbaz porte seul en scène les tourments d’un père de famille à l’approche de la cinquantaine. Du paddle à Biarritz, adapté de Fabrice Caro, déclenche sans faillir les rires sous les masques.

Prenant place dans une salle de spectacle transformée en librairie (commerce essentiel déjà en mesure, lui, d’accueillir un public de 50 personnes), Du paddle à Biarritz se pose à la frontière entre le stand-up et le monologue théâtral. Un homme, planté derrière son micro, nous raconte ses déboires, sans décor, sans accessoires, mais avec l’aide précieuse de lumières ingénieuses et le renfort d’extraits musicaux bien sentis et de gimmicks rythmant les courtes séquences.

Pour réussir le tour de force de créer un monde -de littéralement rendre visible l’invisible- juste par ses mots, son visage et ses gestes, il faut un sacré savoir-faire. Le chevronné Itsik Elbaz, dirigé ici par Michel Kacenelenbogen, y parvient les doigts dans le nez, en mouillant sa chemise. Le comédien incarne le héros du roman Broadway de Fabcaro: Alex, 46 ans, père de deux ados (14 et 18 ans, motif d’une bonne blague), coincé entre une enveloppe bleue pour un test médical et un dessin pornographico-satirique réalisé à l’école par son fiston.

Deux documents qu’il aura bien du mal à gérer, le renvoyant impitoyablement à sa condition d’homme mûr, à l’âge du bilan provisoire, celui où l’on peut constater jusqu’à quel point on a concrétisé ses rêves de jeunesse, ou pas. C’est d’ailleurs du contraste criant entre les emballements de l’imagination de l’antihéros et la dure réalité que jaillit immanquablement le rire. Héroïsme versus lâcheté, complicité versus incompréhension, soif d’aventures versus quotidien morne: les clashs se succèdent au fil de la performance cinq étoiles d’Elbaz (la scène du karaoké déphasé restera dans les annales). À la manière du Champ de bataille monté au Poche (également une adaptation de roman) où brillait un Thierry Hellin tout aussi seul, ce Paddle à Biarritz (ah, les vacances!) rappelle que, quoi qu’on en pense, il n’est pas toujours facile d’être un homme blanc hétéro de près de 50 ans. On compatit.

Du paddle à Biarritz: les 19, 26 et 30 mai, et d’autres dates en juin à préciser, au Théâtre Le Public, www.theatrelepublic.be

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content