Robrecht Heyvaert, le Belge derrière la caméra du nouveau Bad Boys, avec Will Smith

Malgré de belles aventures hollywoodiennes, Robrecht Heyvaert n’entend pas 
pour autant délaisser 
le cinéma européen. © ID/ Jonas Lampens

Qu’il s’agisse de tourner Patser, Rebel ou le nouveau Bad Boys: Ride or Die, le duo de réalisateurs belges Adil El Arbi et Bilall Fallah avaient une arme secrète: le directeur de la photographie Robrecht Heyvaert.

Les golden boys belges Adil El Arbi et Bilall Fallah étaient prêts à faire des compromis pour diriger la star américaine Will Smith dans la comédie d’action Bad Boys for Life, reboot sorti en 2020 des deux blockbusters des années 90 signés Michael Bay. Mais pas en ce qui concerne leur directeur de la photographie. Ce devait être et ce serait Robrecht ­Heyvaert, ou personne.

Le Malinois avait prouvé à Hollywood qu’après les gangsters anversois de Patser, il pouvait fort bien mettre en valeur Will Smith et Martin Lawrence à Miami et qu’il était aussi à l’aise avec les poursuites en voiture qu’avec les hélicoptères qui explosent. Bad Boys for Life a été plus ou moins le seul film à scorer en 2020, année noire du Covid. Ça laissait présager une suite. « Cette fois, nous sommes entrés par la grande porte« , explique-t-il.

Alors qu’Adil et Bilall sont actuellement en tournée mondiale avec les stars Will Smith, Martin Lawrence et Vanessa Hudgens pour la promo de Bad Boys: Ride or Die (lire la critique ici), Robrecht Heyvaert séjourne lui dans « une ferme pittoresque d’un coin verdoyant de l’Angleterre avec une vue fantastique mais une connexion wifi assez lente ». Non pas pour se remettre de sa dernière aventure hollywoodienne, mais pour le tournage d’une adaptation de Shy, le roman de Max Porter, par le réalisateur flamand Tim Mielants, déjà auteur du remarqué Wil (2023), dont l’action se déroule à Anvers pendant la Seconde Guerre mondiale, et coréalisateur avec Bouli Lanners de L’Ombre d’un mensonge (2021). Le producteur et acteur principal de ce nouveau film est Cillian Murphy, Oscar du meilleur acteur avec Oppenheimer.

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Était-il évident qu’Adil, Bilall et vous alliez être de la partie pour ce Bad Boys: Ride or Die après Bad Boys for Life?

Robrecht Heyvaert: Non. Ça arrive parfois que les réalisateurs et la même équipe reviennent mais ce n’est pas courant. Dans des franchises comme Pirates des Caraïbes ou Fast & Furious, l’équipe créative change régulièrement. Le fait que nous ayons été reconduits tous les trois témoigne du respect et de la confiance que nous avons gagnés grâce à ce film.

Comment expliquez-vous le grand succès de Bad Boys for Life? Ça ne peut pas être dû qu’à Will Smith, qui était à l’époque en quête d’un nouveau souffle.

Sans vouloir me vanter, Bad Boys 3 est une comédie d’action très réussie. Je pense qu’on s’adresse la fois aux adolescents et aux jeunes de 20 ans qui se pressent aujourd’hui dans les salles de cinéma et à tous les trentenaires et quadragénaires qui ont apprécié Bad Boys dans les années 90. Adil et Bilall ont donné une nouvelle forme à un film qui était une valeur sûre et le succès a été au rendez-vous. Mais ça reste des suppositions. Les nouveaux Ghostbusters ou Indiana Jones n’ont pas si bien marché. Si l’on savait comment faire un film à succès, il n’y aurait pas autant de grands films qui se plantent.

Will Smith a dit qu’il fallait que le film “ressemble à un film d’aujourd’hui”.

Exact. En tant que réalisateur ou en tant que studio, on ne peut pas se baser uniquement sur quelque chose qui date d’il y a 30 ans. Les réalisateurs doivent y injecter de la fraîcheur, de l’originalité et de l’énergie. Adil et Bilall ont de l’énergie à revendre. Et même si Will Smith et Martin Lawrence ont un certain âge, ils suivent le mouvement. Surtout lorsqu’il s’agit d’humour. Bad Boys a toutes les caractéristiques d’un film d’action, mais c’est avant tout une comédie.

Il paraît que vous aviez les jambes qui tremblaient quand vous aviez rencontré Will Smith pour la première fois. Ça va mieux depuis?

Oui, c’était beaucoup plus facile. Le job est le même mais depuis, on a travaillé ensemble pendant plusieurs mois. Will Smith et les producteurs savent qui nous sommes et ce que nous sommes capables de faire.

Votre prénom ne doit pas être facile à prononcer pour le “Fresh Prince”.

Mon prénom est imprononçable en anglais et en ­français. Will Smith dit Rob. En Belgique, personne ne m’appelle Rob, mais à l’étranger, tout le monde 
m’appelle comme ça.

Une des poursuites en voiture dans Furiosa a nécessité 78 jours de tournage avec 52 acteurs et 200 cascadeurs. En 78 jours, on peut presque tourner quatre films belges. Combien de temps avez-vous consacré aux scènes d’action de Ride or Die?

Si l’on additionne tous les jours de tournage pour les poursuites en voiture, on dépasse largement le nombre moyen de jours de tournage pour un film belge, effectivement. On peut tourner une scène comique de cinq minutes en un jour. Mais on peut aussi travailler sur des courses-poursuites de moins de cinq minutes ­pendant trois semaines.

Y a-t-il cette fois un hélicoptère qui explose en vol?

On a beaucoup de poursuites en voiture, une poursuite en bateau, plein de voitures et un avion qui explosent, mais pas d’hélicoptère. Mais il y a quand même un hélicoptère qui s’écrase.

Quel est le temps de préparation de ces scènes ­d’action? Est-ce que vous partez de vos expériences passées?

Non, si on veut faire quelque chose de nouveau, il faut repartir de zéro. J’ai eu trois bons mois de préparation, Adil et Bilall au moins le double. Ces trois mois ont été très chargés: visites des lieux de tournage, tests des effets spéciaux et des techniques de prise de vue, conception des scènes. Un film d’action de cette envergure, ça implique des murs qui tombent, un avion qui traverse un mur, des voitures qui explosent, et j’en passe. Il peut y avoir quelques effets spéciaux, mais ces explosions, ces murs qui s’effondrent et ces accidents de voiture sont pour la plupart bien réels. Si vous voulez filmer ça dans les règles de l’art tout en respectant les règles de sécurité, c’est un travail considérable. Même les productions plus importantes comme ­Mission: ­Impossible prennent parfois un an pour ­certaines cascades.

Le duo Will Smith-
Martin Lawrence se reforme pour la quatrième fois. © Columbia Pictures / Frank Masi

Est-ce que tout est possible à Hollywood?

Si vous demandez quelque chose, que ça rentre dans le budget et que les producteurs pensent que c’est une bonne idée, c’est possible. Avec le storyboarder, on peut imaginer les idées les plus folles et trois semaines plus tard, c’est déjà prêt. Ce qui est fou, c’est qu’au moment où vous émettez une idée, elle n’est pas toujours très réfléchie (rires). Il m’est arrivé d’être encore dans le doute à propos d’une de ces idées et quand deux jours plus tard je suis passé devant le studio, j’ai vu que ça avait déjà été construit. Tout va très vite. Il y a une armée d’ingénieurs et de constructeurs prêts à réaliser ce que vous voulez. C’est très spécial.

Adil et Bilall ont dit que le tournage de Bad Boys for Life avait été une succession de hauts et de bas. Quels ont été, cette fois-ci, vos hauts et vos bas?

Le point culminant, c’est quand on m’a demandé de revenir pour ce projet-ci. Ce n’est pas donné à tout le monde. Certaines carrières sont très éphémères à Hollywood. La dernière fois, mon choix en tant que directeur de la photographie n’était pas une évidence. Pendant les premières semaines, je me demandais régulièrement si je n’allais pas être renvoyé. Le risque était réel. Sur des projets comme ça, des gens sont virés toutes les semaines. Mais cette fois-ci c’était plus confortable. Ils ne m’auraient pas demandé de revenir s’ils n’étaient pas satisfaits.

Et le creux de la vague, c’était quand?

Quand je me suis rendu compte que, pour la première fois, je tournais la suite de quelque chose que j’avais fait moi-même. Vous voulez faire de nouvelles choses, mais vous ne pouvez pas faire retomber la mayonnaise. On n’a pas envie de se répéter, mais il faut se demander pourquoi ça a marché la première fois. On ne peut pas réinventer la roue, on est coincé dans un système. J’ai parfois un peu de mal avec ça.

Sur Batgirl, Adil et Bilall n’ont pas travaillé avec vous et ça s’est très mal passé, le film n’a pas été terminé.

Je suis sûr à 100 % que je n’ai rien à voir avec ça (rires). J’étais vraiment désolé de ne pas pouvoir travailler sur ce projet. J’ai dû renoncer pour des raisons personnelles, j’ai choisi de rester avec ma famille. J’ai vu des extraits et je pense que Batgirl aurait pu être un film vraiment bien. J’ai toujours envie de le voir d’ailleurs. Adil et Bilall ne sont pour rien dans le fait que Batgirl n’a pas pu aboutir. C’était un cas de force majeure.

Vous formez avec eux une sorte de triumvirat. Comment expliquez-vous cette collaboration au long cours?

Je ne sais pas très bien. Ce que je sais, c’est qu’en dehors de notre passion pour le cinéma, nous ne nous ressemblons pas tous les trois et que nous fonctionnons de manière différente. Comme nous avons tous les trois un background et un bagage cinématographique différents, le mélange de tout ça est intéressant. On peut aborder des films et des genres très divers avec beaucoup de plaisir et d’enthousiasme. Regardez la carrière d’Adil et Bilall: Black, Rebel, Patser, Bad Boys… On peut tracer une sorte de fil rouge, mais c’est très large.

On vous associe à une esthétique colorée, énergique et urbaine. Est-ce que Wil, film sombre et oppressant, a été une occasion pour vous de montrer que vous pouviez aussi aborder un registre très différent?

Absolument! C’est la même chose pour tout le monde: si on ne fait pas attention, on est vite catalogué. Aux États-Unis, on me propose presque exclusivement des films d’action avec beaucoup de voitures, des ­comédies, des films d’aventure. Je suis très reconnaissant à Tim Mielants d’avoir pensé que je pouvais aussi faire quelque chose de complètement différent.

Pensez-vous vous installer un jour à Hollywood?

Non. Quand j’étais ado, j’étais très impressionné par les États-Unis. C’était le pays de rêve par excellence. Maintenant que je suis plus âgé et que j’y ai travaillé à plusieurs reprises, je sais que ce n’est pas le cas. Les États-Unis sont le leader mondial du cinéma, mais ce n’est pas pour autant un pays que j’adore et je n’envisagerai jamais de m’y installer. Certainement pas avec une famille. Le système scolaire est médiocre comparé à celui de la Belgique. Et même au niveau du cinéma, l’Amérique n’est pas un paradis. L’idée de travailler de temps en temps aux États-Unis me plaît, mais je veux absolument continuer à bosser en Europe. Depuis Bad Boys 3, j’ai fait Ms. Marvel et Bad Boys 4 aux États-Unis, mais aussi Zillion, Wil et Rebel: trois films belges dont je peux être fier. Aujourd’hui, pour la première fois, je travaille au Royaume-Uni pour le film de Tim Mielants et Cillian Murphy. Les budgets sont peut-être plus importants à Hollywood, mais le travail est essentiellement le même. Wil était un projet fantastique, très audacieux. Il n’y a pas beaucoup d’endroits dans le monde où on aurait pu faire Wil. Que ça ait été possible en Belgique, c’est génial.

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