Ne lâchant pas l’autofiction, Riad Sattouf revient sur sa rencontre -et son coup de foudre- avec Vincent Lacoste, son Antoine Doinel à lui.
Qui aime le cinéma a adoré Les Beaux Gosses. C’était en 2009, et le premier film de l’auteur de bande dessinée Riad Sattouf, qui mit alors à l’écran exactement ce qu’il savait déjà si bien faire en BD: la chronique quotidienne, hilarante et parfaitement tapée des ados français d’aujourd’hui, à savoir les aventures absolument pas romanesques de Hervé et Camel, élèves un peu losers dans un collège de Rennes, confrontés à leur quotidien: les filles, les copains, le collège, la masturbation et le paraître -un vrai défi quand on a 14 ans, le corps, les boutons, le mauvais goût et la tronche pas possible qui vont avec. En l’occurrence, dans le rôle de Hervé, la tronche est celle de Vincent Lacoste, qui n’est même pas acteur: Riad l’a repéré presque à la dernière minute, à l’issue de castings sauvages effectués dans les collèges. « Je remarquai un jeune avec une bouche de téteur sur lequel j’étais passé très vite. On ne voyait pas bien ses yeux, et il avait une grosse voix… Ce Vincent Lacoste était introverti, raide et mou à la fois. Il semblait avoir un temps de chargement avant de comprendre ce qu’on lui disait. Il faisait presque peur. J’étais certain que ça serait lui. » Douze ans plus tard, et contre toute attente, le « beau gosse » de Riad compte près de 30 films à son actif, et est devenu l’un des acteurs français les plus demandés, et les plus doués. Ce qui n’empêche pas Riad Sattouf de voir en lui son Jean-Pierre Léaud et son Antoine Doinel, même si lui-même a probablement renoncé à devenir François Truffaut; son truc, c’est la BD. Qu’il fait, de fait, divinement bien.
Leur nuit américaine
Un format, un livre et une manière de faire de l’autofiction qui ressemble presque trait pour trait à celle qui a fait le succès de son fantastique Arabe du futur; une construction narrative qui rappelle furieusement celle qu’il utilise dans ses Cahiers d’Esther (il s’inspire directement des histoires vraies, des anecdotes, du vécu et du parlé de Vincent Lacoste avant de remettre le tout à sa sauce, avec son accord): si Riad Sattouf ne se renouvelle pas vraiment avec ce premier tome du Jeune acteur (sous-titré Aventures de Vincent Lacoste au cinéma), il faudrait ne pas l’avoir lu pour s’en plaindre! Comme toujours très drôle tant dans ses textes que dans ses dessins, Riad Sattouf se révèle ici réellement entiché, et de « son » acteur, lequel le lui rend bien, vu le parcours qui suivra, et de ce cinéma dont il révèle les coulisses et ouvre le capot, et qui lui a tendu par deux fois les bras, d’abord avec ce Beaux Gosses auréolé de succès et d’un César du meilleur premier film, puis avec Jacky au royaume des filles, un four en salles depuis devenu culte… Un deuxième film qu’il tourna, évidemment, avec Vincent Lacoste. Et dont on a déjà hâte de découvrir le making of drôle et en bande dessinée, dans la suite de ce Jeune acteur effectivement prometteur.
Le Jeune Acteur (tome 1)
Autofiction à deux. De Riad Sattouf, Éditions Les Livres du Futur, 145 pages. ****
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