Critique

Critique ciné: Jacky au royaume des filles

Jacky au royaume des filles - Charlotte Gainsbourg, William Lebghil, Didier Bourdon et Anthony Sonigo © DR
Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

COMÉDIE | Riad Sattouf est de retour avec une comédie ébouriffante, où il inverse le rôle des hommes et des femmes. Jubilatoire et bien barré, mais un peu court…

Artiste polyvalent, l’auteur notamment de Pascal Brutal, mais aussi de La Vie secrète des jeunes, dont se délectent les lecteurs de Charlie Hebdo, Riad Sattouf s’essayait au cinéma en 2009 avec Les Beaux gosses, un film hautement réjouissant, portant un regard décoiffant sur l’adolescence, à rebours des clichés comme des idées reçues. Cinq ans plus tard, et pour son deuxième long métrage, Jacky au royaume des filles, le cinéaste se livre à une satire mordante, passant le modèle de société d’essence patriarcale au prisme d’un regard critique autant que décalé, le film reposant sur le principe de l’inversion des rôles et des codes entre les hommes et les femmes, les secondes y étant dépositaires du pouvoir généralement dévolu aux premiers. Direction donc la République démocratique et populaire de Bubunne, et son régime matriarcal totalitaire; un Etat gouverné par et pour les femmes avec à leur tête la générale Bubunne 16 (Anémone), les hommes portant pour leur part le voile et étant, pour l’essentiel, voués à une existence au foyer aussi terne que misérable. Perspective que vient toutefois bouleverser l’organisation prochaine d’un grand bal afin de trouver un mari à la fille et héritière désignée de la dictatrice, la Colonelle (Charlotte Gainsbourg). Et Jacky (Vincent Lacoste, révélé par Sattouf dans Les Beaux gosses) de se prendre à rêver, à l’unisson des célibataires de Bubunne, d’une union en grande pompe…

Mauvais esprit revigorant

« La femme est l’avenir de l’homme », énonçait Aragon en son temps, précepte décliné ici en un mode ouvertement grinçant. Cendrillon est certes passée par là, Sattouf revisitant allègrement le conte; elle a croisé en chemin l’esprit de Hara-Kiri, dont Jacky recycle l’humour bête et (à l’occasion) méchant avec un incontestable aplomb. Autant dire qu’il règne sur ce Royaume des filles un mauvais esprit revigorant de même qu’une liberté de ton jubilatoire, renouant à certains moments avec la sève des productions bricolo-anar des années 70. Cela étant, et même s’il assume sa dimension assurément foutraque, ce film, où l’on croise encore Noémie Lvovsky, Didier Bourdon ou autre Michel Hazanavicius, s’égare parfois sur la distance, jusqu’à flirter avec insistance avec le grand n’importe quoi. Le résultat n’en reste pas moins savoureux et même hilarant par endroits, qui voit Riad Sattouf signer un ovni décomplexé, se défiant résolument du prêt-à-filmer. De quoi s’inscrire incidemment dans un courant bienvenu qui, du Neuf mois ferme d’Albert Dupontel à Les garçons et Guillaume, à table! de Guillaume Gallienne, et jusqu’au Tip top de Serge Bozon, semble avoir fait voeu de soustraire la comédie française au formatage. Et tant pis si la satire s’avère, pour le coup, quelque peu inégale…

  • DE RIAD SATTOUF. AVEC VINCENT LACOSTE, CHARLOTTE GAINSBOURG, ANÉMONE. 1H30. SORTIE: 29/01.
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