Laurent Raphaël

Tu seras un homme, ma fille!

Laurent Raphaël Rédacteur en chef Focus

Quand les hommes ont commencé à faire la grève du rasoir il y a quelques années, on s’est dit un peu vite: ça y est, le mâle reprend du poil de la bête. Il n’abdique pas complètement sa virilité au nom d’un dogme égalitaire qui a la fâcheuse tendance d’oublier que derrière la construction sociale des sexes -qu’il serait absurde de contester- se cache une réalité biologique qu’aucune révolution, sauf génétique, ne pourra gommer.

L’édito de Laurent Raphaël

Pourtant, un certain féminisme vengeur a pris le parti de faire miroiter la possibilité de remettre tous les compteurs à zéro, créant une sorte de carambolage entre un discours niant les différences entre les sexes et une représentation, dans la mode ou la pornographie notamment, exacerbant sans nuances les caractères sexués. Une impasse que dénonce avec subtilité la romancière Nancy Huston dans un essai clairvoyant réédité aujourd’hui en poche chez Babel, Reflets dans un oeil d’homme, qui a entre autres avantages de ne pas laisser à Zemmour et sa clique réactionnaire le monopole de la discussion.

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Il a fallu vite déchanter. La barbe n’était en fait que le colifichet modeux d’une nouvelle tribu urbaine adoptant un look propret et rétro situant le hipster dans la roue -à pignon fixe évidemment- du métrosexuel; ou alors le fruit d’une paresse d’essence romantique trouvant dans la nature une forme de réconfort à un spleen abyssal dont le trop-plein irrigue des sonorités folk. Bref, tout sauf un acte politique destiné à mettre un frein à la conspiration des féministes enragées qui veulent émasculer aussi la meilleure part des hommes, pour paraphraser Tristan Garcia, étant entendu que le machisme lourdingue doit être décapité.

Quelques années plus tard, et alors qu’une expo au Musée d’Orsay tente de déshabiller les hommes dans l’Histoire de l’art, où en est-on sur le front de la virilité?

A tout seigneur, tout honneur, commençons par ces messieurs. Si Poutine ne ménage pas sa peine pour défendre la cause, force est de constater que même dans l’arène politique, pourtant lieu d’expression de la puissance mâle par excellence, l’heure est plutôt à une virilité low profile. Di Rupo, Hollande ou Obama ne sont pas exactement des prototypes de machos, ce qui pose d’ailleurs un problème au deuxième. Car même en berne, la virilité fait encore recette. Manuel Valls, ministre de l’intérieur, est même plébiscité par la population, et notamment sa composante féminine, pour ses prises de position et son style musclés qui ne sont pas sans rappeler un autre fort en gueule: Sarkozy. Mais dans le même temps, comme une brèche dans l’édifice phallocrate, Berlusconi se prend les pieds dans le tapis, lui qui pensait que sa réputation de séducteur et son empire colossal blanchiraient toutes ses turpitudes.

Même dans les vestiaires du rap, ça sent moins la testostérone depuis que de nouvelles têtes, qui ont rangé les grosses bagouzes et la trilogie sex-money-violence, comme Frank Ocean (un gay!) ou Kendrick Lamar, ont poussé, voire forcé, la porte.

Qu’en est-il de l’autre côté de la barrière? C’est l’inverse. On observe ici et là les signes d’une virilisation des moeurs féminines. « Ce qui me plaît chez une femme, c’est sa part de virilité », déclarait il y a peu Catherine Deneuve, laquelle aurait pu jouer le rôle de la matrone élégante qui règne d’une main de fer sur les cuisines de la prison pour femmes dans la série télé Orange is the new black. Une série qui dresse d’ailleurs l’inventaire de la virilité au féminin, de la dominante à la calculatrice en passant par la belliqueuse. Eh bien franchement, ça fait flipper…

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