Critique | Musique

Frank Ocean – Channel ORANGE

© Nabil Elderkin
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

R’N’B | À la fois ancré dans son époque et classique soul instantané, Channel ORANGE consacre Frank Ocean comme le nouveau messie du R’n’B à la fois suave et désenchanté.

FRANK OCEAN, CHANNEL ORANGE, DISTRIBUÉ PAR DEF JAM/UNIVERSAL. *****
EN CONCERT LE 16/08, AU PUKKELPOP, HASSELT.

Puisque la pop a la prétention de coller à son époque, de temps en temps, elle a besoin de marquer le coup. D’arrêter un moment le robinet. D’appuyer sur la touche stop et de proposer de nouvelles histoires à raconter. Cela fait deux ans que le nom de Frank Ocean agite la scène r’n’b. A sa manière, en cultivant une certaine discrétion. L’an dernier, il réalisait un premier exploit: avec la mixtape Ultra, Nostalgia balancée gratuitement sur le Net, Frank Ocean faisait frémir non seulement le Nouveau monde, mais aussi l’Ancien -le titre s’est retrouvé dans de nombreux tops de fin d’année, aux côtés des sorties « officielles ». Aujourd’hui, avec Channel ORANGE, il sort ce qui ressemble le plus à un album traditionnel. A la fois ambitieux et crépusculaire, sentimental et pudique, Channel ORANGE ne réussit pas seulement à confirmer la hype: il la balaie, se posant instantanément en classique r’n’b.

Né Christophe Breaux (1987), Frank Ocean grandit à la Nouvelle-Orléans. Quand l’ouragan Katrina lamine la ville, il file à Los Angeles. Un contrat d’artiste avec Def Jam dans la poche, il se fait la main en écrivant pour Justin Bieber ou John Legend. Des boulots de commande rémunérateurs à défaut d’être épanouissants… Quand il croise les têtes brûlées du collectif Odd Future, Ocean décide cependant de prendre son destin en main. Ultra, Nostalgia crée le buzz, Kanye West est fan, l’invite sur Watch the Throne avec Jay Z, tandis que Beyonce lui commande le titre I Miss You… Frank Ocean est sur orbite. Channel ORANGE est là pour convaincre les derniers sceptiques.

Orange sanguine

Loin des clichés r’n’b machos ou poseurs (une semaine avant la sortie de l’album, il évoquait sa bisexualité), Ocean redéfinit le genre. Comme tout grand album, Channel ORANGE connaît évidemment ses classiques: il y a du Prince (Thinking ‘Bout You), du D’Angelo ou encore du Stevie Wonder (l’intermède Fertilizer ou le morceau Sweet Life)… Pour autant, la soul d’Ocean n’est jamais passéiste. Les 10 minutes de Pyramids sont la preuve la plus spectaculaire de sa maestria. Mais elle est loin d’être la seule (le tire-larmes Bad Religion, le poignant Pink Matter avec Andre 3000, Crack Rock…), dans un disque à la fois inventif et populaire. Entre caprices de riches (Super Rich Kids), ennui hollywoodien, histoires de dopes et d’amours brisées, le Los Angeles que décrit Frank Ocean n’a rien de glam. Mais du coup, le r’n’b de Channel ORANGE amène une tension qui avait eu tendance à disparaître sous le glitter et les paillettes. A la manière de Marvin Gaye, tiraillé entre matérialisme et spiritualité, Frank Ocean revient en fait aux sources du genre et lui insuffle une nouvelle pertinence. La vie en orange…

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