[Critique théâtre] Frankenstein miniature

© Marie-Françoise Plissart
Estelle Spoto
Estelle Spoto Journaliste

En parallèle à la création mondiale de l’opéra de Mark Grey, la compagnie Karyatides présente à la Monnaie une version de chambre de Frankenstein, mêlant habilement théâtre d’objet et chant lyrique.

Digne héritière de la pionnière belge Agnès Limbos, la compagnie Karyatides s’illustre depuis plusieurs années dans un théâtre d’objet revisitant les classiques de la littérature avec une inventivité réjouissante. Après notamment des Misérables qui ont fait date (toujours en tournée d’ailleurs) et un Pique-Nique inspiré par Rabelais, Karine Birgé (à la mise en scène) et Marie Delhaye (au jeu, avec Cyril Briant) s’attaquent au roman de Mary Shelley. Vague post-#MeToo visant à remettre en lumière les femmes de lettres? Prise de conscience des limites autodestructrices de l’humain se croyant tout-puissant? Toujours est-il que l’autrice et sa créature monstrueuse sont très en vogue ces dernières années.

Alors que le Théâtre National reprend (jusqu’au 10 mai) l’adaptation mastodonte de Jan-Christoph Gockel (avec une marionnette de 6 mètres de haut), les Karyatides offrent, selon leur habitude, une version « sur table », dans une salle Fiocco privilégiant l’intimité du rapport scène-salle. Sous un mini-cintre feuillu réservant quelques surprises, les personnages principaux, Victor Frankenstein et sa soeur adoptive Elizabeth, se répartissent entre les deux comédiens, dans un échange des genres intermittent, mais aussi des statuettes et des bustes qui grandissent littéralement au fur et à mesure du passage du temps. La mère du scientifique se partage elle entre une statuette bientôt mise sous globe de verre et la soprano Virginie Léonard. Celle-ci interprète, accompagnée par le pianiste Kevin Navas, plusieurs arias (de Verdi principalement), choisis dans le répertoire et intervenant fort à propos.

Rythmé, conjuguant intelligemment humour et déchirements, corps et objets, parole et musique, l’ensemble séduit. Le spectacle (accessible à tous à partir de 10 ans) parvient à aborder les différentes facettes du mythe tout en s’accordant quelques libertés, anachronismes et clins d’oeil divers. On se souviendra longtemps de la silhouette animée de la créature tordue de douleur sous son drap, puis s’émerveillant dans le même mouvement de la proximité de papillons. Recommandé.

(Victor) Frankenstein (à partir de 10 ans): jusqu’au 12 mai à la Monnaie (salle Fiocco) à Bruxelles, les 23 et 24 septembre au Festival Mondial de Marionnettes de Charleville Mézières, les 10 et 11 octobre au Carré Rotonde à Luxembourg, du 4 au 6 décembre au Théâtre de Liège, du 24 au 27 mars 2020 au Théâtre les Tanneurs à Bruxelles.

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