Critique scènes: La liberté commence par un non
Avec une énergie incroyablement communicative, les quatre jeunes comédiennes de Désobéir osent ne pas se soumettre pour s’accomplir. Un vent de liberté.
Quand on veut transmettre une parole sincère, le meilleur moyen c’est d’aller d’abord l’écouter. C’est ce qu’ont fait la metteuse en scène française Julie Berès, la romancière Alice Zeniter (L’Art de perdre, Flammarion) et le dramaturge Kevin Keiss. Pendant de longs mois, ils sont partis interroger dans l’Hexagone des jeunes femmes de moins de 25 ans, toutes issues des première, seconde et troisième générations de l’immigration. Avec elles, ils ont discuté de leur rapport à la famille, à leurs origines, à la religion, à la société dans laquelle elles s’inscrivent, avec pour objectif de porter leurs mots sur scène.
L’évidence est apparue: qui de mieux pour porter leurs paroles que celles qui les ont prononcées? Novices au théâtre, les quatre comédiennes (Ava Baya, Lou-Adriana Bouziouane, Charmine Fariborzi, Séphora Pondi, en alternance avec Sonia Bel Hadj Brahim, Déborah Dozoul, Bénicia Makengele) prennent individuellement et collectivement le plateau pour raconter leurs histoires, leur quotidien, et celui de bien d’autres. Ce que l’une pense du voile? Est-ce là son seul attribut? Le sujet d’ouverture du spectacle pour donner le ton, la question religieuse ne sera qu’un des thèmes abordés d’un spectacle tout entier destiné à leur donner la parole, à les rendre maîtresses de leur destinée sur scène et en dehors. Car face aux dominations dénoncées (patriarcat, tradition, religion), désobéir – c’est d’ailleurs le titre de ce spectacle – est parfois le premier pas pour s’accomplir. Soutien et solidarité sont les ingrédients à leur émancipation qui a commencé par un non.
La niaque
Point de complainte ici. La mise en scène et le ton voulu par Julie Berès actionnent un tourbillon d’énergie positive et enthousiaste par lequel on se laisse aisément emporter. C’est qu’elles ont la niaque, ces nanas ! Lorsque l’on a découvert ce Désobéir en août dernier, un vent de fraîcheur de parole et de chaleur de jeu -qui tient beaucoup au peps du quatuor, à sa chorégraphie soignée, à sa démarche décidée, à son assurance naturelle- a soufflé sur le festival Ouvertures du Théâtre National (à Ath précisément) et notre été plutôt morose. On ne peut que se réjouir de voir débarquer pour une semaine au coeur de notre humide hiver ce mélange de mistral et de sirocco libérateur.
Désobéir, de Julie Berès. Du 13 au 19 février au Théâtre National, Bruxelles. www.theatrenational.be
Pour accompagner les représentations de Désobéir, le Cinéma Palace proposera deux lundis de suite une des projections sur le thème de la désobéissance. L’occasion de (re)découvrir en salle Les Géants de Bouli Lanners (le 7 février à 19h) et Thelma et Louise de Ridley Scott (le 14 février à 19h).
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