Critique scènes: « Golem », de chair et de glaise

Golem, une fusion artistique de deux gestuelles. © Stanislav Dobak
Estelle Spoto
Estelle Spoto Journaliste

Le See U accueillait dans sa grande halle Golem, de la compagnie Abis, forcé de rester en Belgique alors qu’il aurait dû se produire cet été au Fringe Festival d’Edimbourg. L’occasion de rattraper ce duo entre sculpture et danse semé de métaphores sur la condition humaine et la création.

Le See U serait-il définitivement THE place to be à Bruxelles cet été ? L’ancienne caserne d’Ixelles, où ont d’ailleurs lieu chaque mercredi les sessions Focus Music Box, semblent fort appréciée en ces soirées caniculaires. Alors il faut montrer patte blanche et, bien sûr masqué, faire la file à l’entrée du site, puis à l’entrée du bar dans la cour, puis à nouveau pour pénétrer dans la grande halle improvisée en amphithéâtre de fortune, avec ses petits bancs dont la hauteur augmente plus on s’éloigne de la scène. L’aire de jeu, carrée, est tracée par les spots. Sur le côté, le batteur Tom Malmendier, qui exceptionnellement accompagnera la représentation en live, attend que ça commence.

Arrive alors, dans sa combi kaki, Mike Sprogis, sculpteur canadien, 70 ans, qui va aussitôt se percher sur une chaise. Puis c’est Julien Carlier qui entre dans l’arène, jeune danseur formé en breakdance en autodidacte et adopté avec enthousiasme depuis quelques années par le monde de la danse contemporaine (il est désormais chorégraphe résident à Charleroi Danse).

Deux hommes que tout oppose a priori, pas du même âge, pas du même pays, pas de la même discipline, mais que ce Golem réussit à rapprocher, en déclenchant toute une série d’images évocatrices.

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Contre la pesanteur

Entre le danseur et le sculpteur, il y a d’abord le rythme du geste répété. Celui du ciseau qui s’abat sur le bloc et celui du corps qui, au sol, s’appuie sur un pied, puis sur l’autre, en rotation, de plus en plus vite. L’obstination nécessaire à la création artistique. Puis il y a l’effort, l’essoufflement dans le combat contre la lourdeur, la pesanteur. Réussir à tenir debout, à rester droit : c’est ce qui a transformé le grand singe en homme, ce qui change le bébé en petit enfant. C’est aussi, au figuré, une lutte au quotidien dans les contextes difficiles, quand les mines s’allongent, quand tout se disloque.

Un spectacle hyper concret mais carru0026#xE9;ment mu0026#xE9;taphysique

Aller de l’avant malgré le poids. Mike Sprogis roule sa boule d’argile, bousier évoluant en spirale, Sisyphe sur sol plane. Si les deux hommes se font miroir et s’équilibrent l’un l’autre, toute une partie du duo place l’aîné dans le rôle de créateur du benjamin. C’est d’ailleurs le sens du titre, le Golem étant dans la mythologie juive une créature d’argile muette et dépourvue de libre-arbitre créée pour défendre celui qui l’a façonnée. Un parallèle s’établit alors entre le corps du danseur et le tas de glaise, matière première du premier homme selon la Bible. « Souviens-toi que tu es né poussière et que tu redeviendras poussière », dit-on aussi. Un spectacle hyper concret mais carrément métaphysique.

Golem : le 6 mars 2021 au Centre culturel d’Engis et le 20 mars au Centre culturel Jacques Franck à Bruxelles.

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